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  • Une solidarité en miettes. Socio-histoire de l'aide alimentaire des années 1930 à nos jours par Jean-Noël Retière et Jean-Pierre Le Crom
  • Axelle Brodiez-Dolino
Jean-Noël RETIÈRE et Jean-Pierre LE CROM, Une solidarité en miettes. Socio-histoire de l'aide alimentaire des années 1930 à nos jours, Rennes, Presses universitaires de Rennes, « Histoire », 2018, 314 p.

Cet ouvrage a connu une longue genèse, puisqu'on pouvait déjà en lire les grandes lignes en 2000 dans un rapport des deux auteurs pour la Mission Recherche (MiRe) de la DREES. Son exhumation a permis une réactualisation des données qui ajoute à cette socio-histoire revendiquée une nouvelle strate temporelle. Sans que le terrain ne soit indiqué dans le titre, il est en fait nantais, lieu de recherche et d'enseignement des deux auteurs, respectivement sociologue et historien du droit social. Les fils sont tirés depuis les années 1930, tournant dans les politiques sociales (logement social, mise en place de la logique assurantielle). L'objet est justifié par « le relatif désintérêt dont pâtit, pour la séquence 1930-1980, l'histoire de la philanthropie, comme s'il ne pouvait s'agir que d'un phénomène résiduel inhérent à un monde révolu » (p. 14)–et pourtant en croissance exponentielle depuis les années 1980. Si le titre comme le contenu sont centrés sur l'aide alimentaire, l'aide vestimentaire est également évoquée–présentée comme faisant partie intégrante de l'objet, mais en pratique réduite à portion congrue. L'ouvrage se compose de six chapitres thématiques.

Le premier pose le cadre et les scansions chronologiques en individualisant quatre périodes. Durant les années 1930, la solidarité publique est principalement portée par onze restaurants municipaux et le bureau de bienfaisance ; l'initiative privée, par quelques œuvres d'implantation ancienne (Secours immédiat, radical et laïque ; Société de Saint-Vincent-de-Paul, confessionnelle) ou plus récente (Croix-de-Feu, Ligue patriotique des Françaises, Entraide nantaise). Suit une séquence marquée par la guerre, les pénuries et le rationnement (1939-1949), la domination du Secours national et le déclin du bureau de bienfaisance. Un troisième temps, celui de larges « Trente Glorieuses », commence entre 1945 (renouveau associatif), 1949 (fin du rationnement et de l'Entraide française) et 1954 (appel de l'abbé Pierre), et s'étend jusqu'au milieu des années 1980 (premières grandes réponses à la crise en termes d'urgence alimentaire) : alors que les restaurants municipaux ferment faute de clients, l'aide alimentaire, « résiduelle » (p. 51), n'est alors plus portée que par des associations confessionnelles. La dernière séquence court depuis 1985, avec une considérable reconfiguration et extension du champ : montée des difficultés économiques, entrée en vigueur des programmes européens de redistribution des surplus agricoles, apparition d'associations spécialisées dans la distribution alimentaire (Banques alimentaires, Restos du cœur), mais aussi, localement, dans l'aide aux personnes à la rue et proposant des repas (accueils de jour et maraudes). Cette diversification des logiques d'action, mais aussi des affiliations (confessionnelles ou laïques), liée à un accroissement régulier des bilans, n'est nullement corrélative d'un désengagement des pouvoirs publics locaux.

Le deuxième chapitre est consacré au bénévolat. Alors qu'avant la guerre les structures d'aide étaient animées « par des acteurs appartenant quasi exclusivement à des classes supérieures majoritairement imprégnées de catholicisme, plutôt conservatrices tout en tolérant une minorité de personnalités ouvertes aux idées républicaines » (p. 87), et dont les Conférences de Saint-Vincent-de-Paul incarnent toujours la survivance, l'implantation à la Libération du Secours catholique, puis au début des années 1970, du Secours populaire, « clôt définitivement l'histoire séculaire d'une philanthropie sur laquelle les élites disposaient d'un quasi-monopole » (p. 95). Ce qui ne signifie toutefois pas que les couches supérieures aient déserté, comme...

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