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  • De l'égalité à la pauvreté. Une socio-histoire de l'assistance en Belgique (1895-2015) par Daniel Zamora Vargas
  • Axelle Brodiez-Dolino
Daniel ZAMORA VARGAS, De l'égalité à la pauvreté. Une socio-histoire de l'assistance en Belgique (1895-2015), Bruxelles, Éditions de l'Université de Bruxelles, « Sociologie et anthropologie », 2018, 256 p.

Pourquoi, ces dernières décennies, le développement des minima sociaux, des politiques assistantielles ciblées et des organisations humanitaires est-il allé de pair, en Belgique comme en Europe, avec une augmentation de la pauvreté et des inégalités ? L'ouvrage, issu d'une thèse de doctorat en sciences politiques et sociales et revendiquant de s'inscrire dans le courant de la socio-histoire, répond à cette question en interrogeant dans le temps long la « transformation de notre conception de la justice sociale, de l'État social, de ses objectifs ainsi que des rapports que vont entretenir l'assistance et l'assurance » (p. 8), en cinq chapitres chronologiques.

Le premier retrace, en seconde main, l'histoire des politiques assistantielles en Belgique jusqu'en 1966. Un régime libéral, dur et arbitraire, a d'abord dominé, où l'assistance publique, d'essence communale, servait à la mise au travail et à la mise au pas de la main-d'œuvre (dépôts de mendicité, maisons de refuge, etc.). Classiquement, l'objectif était alors moins de résoudre le problème de la pauvreté que de « le masquer en l'enfermant » (p. 17) pour « protéger la société du fléau moral qui la [menaçait] » (p. 21). L'auteur vise à montrer que l'assistance s'adressait avant tout à la classe ouvrière naissante, en complétant les salaires de misère du nouveau prolétariat industrieux ; de fait, au milieu du XIXe siècle, un tiers des ouvriers belges étaient inscrits sur les registres des bureaux de bienfaisance et la moitié des indigents secourus étaient des travailleurs, au chômage temporaire ou sans revenu suffisant. On objectera toutefois que l'hypothèse a son revers : une moitié d'indigents secourus n'étaient inversement pas (ou plus) des travailleurs ; en outre, l'affirmation que l'assistance était avant tout coercitive, et que « durant les premières années de l'État belge, la fonction d'assistance n'a aucun lien avec la lutte contre la pauvreté mais est directement en rapport avec le maintien d'un marché du travail "libre" et la constitution d'une force de travail disciplinée et efficace » (p. 23), semble un peu poussée.

Les élites imaginent ensuite une réforme d'ampleur, qui donne naissance en 1895 à la Commission royale de réforme de l'assistance publique. Elle introduit un mode de pensée plus macroéconomique, interrogeant de façon nouvelle la responsabilité de l'État dans le problème du paupérisme et les inconvénients de celui-ci pour la société. Les réformes tardent cependant et les Commissions d'assistance publique ne sont instituées qu'en 1925, fusionnant bureaux de bienfaisance et hospices ; elles ne s'adressent désormais plus tant aux ouvriers paupérisés qu'aux marges du salariat. Pour autant, les commissions conservent un « caractère très paternaliste » et l'assistance publique reste synonyme d'humiliation et de déchéance.

La création de la Sécurité sociale en 1944 apparaît donc comme une « révolution sociale » (p. 30), transformant les conceptions des causes du paupérisme, de la [End Page 149] responsabilité et de la justice sociale. Elle ouvre la voie à un rôle nouveau de l'État, l'avènement de droits sociaux et le démantèlement de la catégorie de « pauvres » (même si on peut à cet égard douter que cette catégorie ait vraiment existé) au profit de catégorisations plus fines. L'auteur en tire à nouveau des conclusions politiques fortes : « dans ce contexte, lutter contre le paupérisme signifie nécessairement lutter contre l'expansion du marché et en limiter les effets » (p. 36). Le problème social se poserait dès lors moins en termes de lutte contre la pauvreté que contre les inégalit...

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