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  • Renaissance romantique: mises en fiction du XVIe siècle (1814–1848) by Daniel Maira
  • Emmanuelle Lacore-Martin
Renaissance romantique: mises en fiction du XVIe siècle (1814–1848). Par Daniel Maira. (Histoire des idées et critique littéraire, 492.) Genève: Droz, 2018. 648 pp.

Dans cette somme dense et roborative, Daniel Maira retrace avec minutie la façon dont le dix-neuvième siècle, de la première Restauration à la fin de la Monarchie de Juillet, s'est construit dans la double spécularitéde l'élaboration littéraire d'une Renaissance à son image, et d'un autoportrait en jumeau postrévolutionnaire du seizième siècle renaissant. La Révolution est l'axe de cette construction spéculaire, alors que la monarchie parlementaire balbutiante est traversée par l'affrontement entre lectures progressistes et réactionnaires de l'histoire récente. Rappelant avec Paul Ricœur que 'c'est l'intention présente qui fait passer le futur dans le passé' (p. 25), l'auteur entreprend une plongée dans le substrat intertextuel de la Renaissance romantique telle que la créent les visées idéologiques et politiques à l'œuvre dans les textes littéraires de la société postrévolutionnaire. Il propose ainsi d'analyser un 'répertoire de la Renaissance', instrumentalisé à travers les 'mises en fiction' du seizième siècle, et délimité d'une part par le mythe de la chevalerie médiévale, et d'autre part par la référence à la Réforme, 'insurrection de l'esprit humain contre le pouvoir absolu dans l'ordre spirituel' selon François Guizot (p. 100), déterminante dans l'interprétation progressiste de l'avènement de la Révolution pour les uns, prodrome pour les autres du désastre révolutionnaire. La notion de 'mise en intrigue' permet à l'auteurde renouveler la question de la périodisation, à laquelle est consacrée la première partie de l'ouvrage; la distinction qu'il établit entre trois 'mises en intrigue' principales — début des Temps modernes, déchéance d'un âge d'or médiéval et chrétien, ou période de transition inaboutie — sert de fil conducteur au quadrillage interprétatif auquel il soumet textes littéraires et discours historiographique dans l'ensemble de l'étude. L'analyse de l'instrumentalisation par Hugo d'un Moyen Âge absolutiste et arbitraire dans Notre-Dame de Paris, critique indirecte de la société contemporaine sous Charles X, s'éclaire ainsi d'être prolongée par sa mise en perspective dans le discours d'un Michelet, rejoint par Edgar Quinet, évoluant jusqu' à la dénonciation de l''esprit de mort' (p. 55) de la scolastique médiévale. Dans la seconde partie, le développement du mythe d'Henri IV et d'un pittoresque renaissant dans la fabrique théâtrale royaliste et contre-révolutionnaire du début du romantisme est éclairé par une très fine étude des modes genrés de légitimation du pouvoir, tandis que l'instrumentalisation des Guerres de religion se révèle être le support des représentations d'une opposition d'abord libérale, puis républicaine et légitimiste. La troisième partie approfondit l'analyse de l'instrumentalisation de la Renaissance romantique en un 'âge de l'orgie', creuset des libertés, règne du génie, face à la menace du retour de l'arbitraire en politique, mais aussi celle d'une Renaissance des arts et des savoirs, source de confiance dans l'émancipation des modèles épistémologiques, autant que de désarroi face au renouvellement des ordres établis, avant de conclure à une 'renaissance du moi' annoncée par le déplacement progressif du désir de renouveau, de la sphère politique à celle de l'individu. Une bibliographie détaillée de cette Renaissance romantique conclut cette étude passionnante. [End Page 131]

Emmanuelle Lacore-Martin
University of Edinburgh
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