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Reviewed by:
  • La bataille de Londres by Frédéric Bastien
  • Antoine Brousseau Desaulniers
Frédéric Bastien, La bataille de Londres, Montréal, Boréal, 2013, 480 p.

Paru il y a plus de quatre ans, le best-seller de Frédéric Bastien, professeur d'histoire au Collège Dawson, a fait couler beaucoup d'encre. La bataille de Londres propose au lecteur une analyse historique du rapatriement constitutionnel qui, à la différence de celles de ses prédécesseurs, intègre d'une manière encore plus poussée la perspective britannique. La controverse que l'ouvrage a suscitée est le fait des révélations qu'il contient sur le comportement de Bora Laskin, juge en chef de la Cour suprême du Canada. En 1981, alors que celle-ci s'interrogeait sur la légalité d'un hypothétique rapatriement unilatéral par le gouvernement fédéral, Laskin aurait violé le principe de la séparation des pouvoirs en relayant des informations sur les tractations des juges à des responsables politiques fédéraux et britanniques. L'auteur n'a pas hésité à dire, autant dans son ouvrage que dans les médias, que cela ne fait du rapatriement rien de moins qu'un coup d'État constitutionnel. Cette allégation sérieuse—et l'ampleur du débat public qui s'en est suivi—a amené la Cour suprême [End Page 167] à ouvrir une enquête interne pour en vérifier la validité. Le fait que la Cour ait conclu—en gardant sa démarche secrète—qu'il n'y a essentiellement rien à déclarer, ne jette pas pour autant le discrédit sur les allégations de Bastien. Nous reviendrons sur ce point précis lorsque nous l'aurons situé dans le récit qu'il établit dans son livre.

Dans la plupart des chapitres, la chronologie que nous livre Frédéric Bastien se décline en deux temps. Il expose en premier lieu la chronique du rapatriement de façon systématique, afin de rendre intelligible le contexte de ses découvertes. Bien que le cœur du récit se déroule pendant les années 1980 et 1981, l'auteur explique très bien, dans l'introduction et la conclusion, le développement de la saga constitutionnelle sur le long terme et montre ainsi sa connaissance approfondie des événements, qui vont de l'adoption du Statut de Westminster à l'échec de l'accord du Lac Meech. Notons au passage que Bastien a le mérite de présenter un portrait extrêmement nuancé de ce qu'on appelle au Québec « la nuit des longs couteaux » de 1981. Il fait notamment valoir que le front commun des provinces n'était pas aussi solide qu'on le prétendait, sans pour autant donner raison à Pierre Trudeau, qui soutenait que c'était René Lévesque qui avait abandonné les autres provinces en affichant son intérêt à présenter le projet de rapatriement à la population par référendum.

C'est toutefois un autre aspect du récit qui retient l'attention, c'est-àdire le regard neuf—britannique—posé sur l'histoire du rapatriement, qu'il effectue en second lieu pour chaque chapitre. Bastien a passé huit années à dépouiller des archives qui jusque-là n'avaient jamais été consultées. Les trouvailles qu'il a faites apportent un degré de compréhension supérieur à cet événement clé de l'histoire canadienne. Bastien nous entraîne tout autant dans les arcanes des relations internationales de haut niveau que dans les méandres complexes de la bureaucratie diplomatique. Par exemple, il fait la lumière sur la complexité de la relation entre Pierre Trudeau et Margaret Thatcher en regard de l'enjeu du rapatriement. L'appui public sans réserve que cette dernière a donné s'avère mitigé sous la plume de l'historien, qui a creusé l'affaire un peu plus profondément. En effet, il semble que les Britanniques, qu'ils soient ambassadeurs, députés, hauts fonctionnaires ou ministres, n'ont jamais eu une idée arrêtée et...

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