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  • Le bon usage des québécismes. Analyse historique et stylistique de la langue littéraire avant 1960 by Árpád Vígh
  • Jean Marcel
Árpád Vígh, Le bon usage des québécismes. Analyse historique et stylistique de la langue littéraire avant 1960, Pécs (Hongrie), Éditions ÍMEA, 2015, 1029 p.

Voici un ouvrage titanesque qui prend la forme d'un volumineux glossaire avec ses 683 entrées lexicales pour 928 usages différents (certaines entrées en comportant plusieurs). Il a nécessité la lecture de 142 œuvres littéraires de 71 auteurs sur un bon siècle, entre 1837 et 1960 ; la connaissance indéfectible de tous les dictionnaires français et québécois ; une fine [End Page 110] sensibilité en mesure d'aller chercher les nuances les plus audacieuses ; enfin une aptitude de travail dont il faut bien reconnaître que peu des nôtres en eussent été capables.

Le tout est précédé d'une introduction de 82 pages, qui est à elle seule un petit monument de finesse dans l'analyse de notre littérature. Et le plus étonnant de tout : cet ouvrage est d'un Hongrois… qui n'a pas trouvé dans notre pays un seul éditeur pour le publier ! Cette affaire a en soi valeur de véritable scandale.

Le professeur Vígh n'est pourtant pas un inconnu dans nos parages puisqu'il a fondé et dirigé pendant dix-huit ans les Cahiers francophones d'Europe centre-orientale, a publié une magistrale étude de Maria Chapdelaine (L'écriture de Maria Chapdelaine, Québec, Septentrion, 2002), en plus d'en avoir pour la première fois établi et annoté le tapuscrit original même de Louis Hémon (Québec, Presses de l'Université Laval, 2014), a rédigé de nombreux articles fort brillants sur la littérature de notre pays avec pour sujets de prédilection : Ferron, Hémon, l'enseignement de la francophonie, l'américanité. De plus, il a effectué deux sessions d'enseignement à l'Université Laval (2003) et à l'Université McGill (2009) comme professeur invité.

Voyons d'abord comment fonctionne le lexique que Árpád Vígh nous présente ici. Il s'agit essentiellement de saisir dans les textes littéraires les particularités linguistiques, appelés québécismes. Il eût été trop simple de repérer ces singularités dans la bouche des personnages d'un roman, comme on pourrait le faire des propriétés langagières de Françoise dans

À la recherche du temps perdu de Proust. Le chercheur a voulu savoir comment et jusqu'où les auteurs, par la voix de leurs narrateurs, étaient en mesure d'utiliser ces dits québécismes sans avoir à les épingler comme des papillons rares—autrement dit comment ces auteurs considéraient de ce fait que ces singularités linguistiques étaient intégrées au bon aloi. Dès lors, on peut dire que les québécismes faisaient partie de la langue littéraire. La démonstration donne ainsi une bonne claque (pour ainsi dire) aux thèses voulant que l'utilisation de la « langue franco-québécoise » en littérature ne remonte qu'à la Révolution tranquille de 1960.

À partir de cette « reconnaissance d'usage », Árpád Vígh nous montre, dans sa copieuse introduction, la panoplie, qu'on n'aurait pas cru de prime abord aussi diversifiée, des tours stylistiques que les écrivains utilisent pour mettre en valeur leurs « audaces ». Voyons par une illustration ce que donne cette démarche. Voici, au hasard du millier de pages, un exemple (parce que cet exemple a l'avantage de tenir en une seule page) :

encanteur, n. m., ♦ commissaire-priseur, crieur, ou personne qui vend à l'encan des effets mobiliers appartenant (ou ayant appartenu en cas de décès) à quelqu'un d'autre, cf. Clapin, GPFC, Bélisle, Dulong. Au sens de [End Page 111] « Celui qui vend à l'encan [ses propres effets] », le terme est rapporté par Littré (dans le Supplément à son Dictionnaire) et par Bélisle. Legendre, dans La langue française au Canada (1890, 25), ne fait pas de distinction entre les...

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