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  • La Ligue d'action du bâtiment. L'anarchisme à la conquête des chantiers genevois dans l'entre-deux-guerres by Alexandre Elsig
  • Axel Barenboim
Alexandre ELSIG, La Ligue d'action du bâtiment. L'anarchisme à la conquête des chantiers genevois dans l'entre-deux-guerres, Lausanne-Genève, Éditions d'en bas-Collège du travail, 2015, 183 p.

L'histoire de l'anarchisme en Suisse est souvent associée à la période de l'Internationale anti-autoritaire des années 1870, alors que Bakounine et les membres de la Fédération jurassienne occupaient une place centrale dans le mouvement européen et que Genève était la terre d'accueil de militants exilés. Le travail d'Alexandre Elsig permet de rappeler que le mouvement libertaire était encore bien présent dans les centres urbains de l'entre-deux-guerres et qu'il a joué un rôle crucial dans le développement de l'action syndicale suisse. Issu d'un mémoire de master de l'Université de Fribourg, cet ouvrage s'appuie sur la Ligue d'action du bâtiment (LAB) genevoise, section d'action directe de la Fédération des ouvriers du bois et du bâtiment (FOBB), pour analyser le fonctionnement du syndicalisme d'action directe à travers les pratiques des militants et les différentes formes prises par ce type d'intervention syndicale. Inspirée à la fois par la charte d'Amiens et un syndicalisme proche de la social-démocratie allemande, la FOBB apparaît en 1922 « sur les ruines d'une bataille perdue, dans un contexte économique défavorable et de reflux syndical » (p. 25). Dominée au départ par les communistes, la FOBB sera progressivement renouvelée grâce à la présence du manoeuvre Lucien Tronchet, « habile polémiste », et un des piliers du groupe du Réveil fondé autour du journal anarchiste de Luigi Bertoni. Après une scolarité chaotique, un passage comme apprenti en boulangerie après un vol avec effraction, un temps de vagabondage en France, et une participation aux mouvements de soutien à Sacco et Vanzetti et à des actions antifascistes, Tronchet rencontre à Lyon des membres de la LAB locale, syndicat revendiquant l'usage de la violence pour défendre les accords collectifs. En octobre 1928 sont lancées les premières « chasses aux renards » du samedi après-midi, actions visant l'arrêt du travail sur les chantiers où des ouvriers travaillent en dehors des conditions obtenues par la FOBB (principalement les syndiqués chrétiens-sociaux qualifiés de « kroumirs » et de « jaunes », p. 49-50). La LAB devient l'organisme de combat à disposition des syndicats de la FOBB pour contrôler le respect des accords collectifs, [End Page 178] quand l'État ne le fait pas. La « bande à Tronchet » gagne une certaine notoriété du fait des conflits fréquents, des procès, des séjours en prison et des grèves de protestation (p. 54). L'action directe de la section genevoise de la FOBB prend plusieurs formes : sabotage, boycott et label ; dix-huit grèves éclatent entre 1927 et 1937 (sur vingt-neuf pour l'ensemble des organisations ouvrières du canton).

L'auteur relève cinquante-sept personnes identifiées nommément comme faisant partie de la LAB, principalement des jeunes hommes dans la vingtaine ou la trentaine, avec une répartition en matière d'origine géographique similaire à celle du monde ouvrier de Genève. Les ligueurs sont majoritairement des maçons et des manoeuvres, avec aussi quelques plâtriers-peintres et ébénistes, tous ayant des casiers judiciaires, en raison notamment de la répression (p. 82-84).

La grève de septembre 1932 sur le chantier de la Société des Nations, déclaré extraterritorial et employant de nombreux Italiens et Savoyards, se termine par une bataille rangée, l'évacuation par la police et de multiples arrestations. Malgré le grand moment de solidarité, cette grève marque le début du déclin de l'action directe, dans un contexte de crise économique et de répression du gouvernement qui met les ouvriers sur la défensive. Par ailleurs, la FOBB...

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