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  • Une sélection d'archives inédites de La contemporaine sur le mouvement de 68
  • Patrick Fridenson

La publication à chaud d'archives du mouvement de mai-juin 1968 a été un moment marquant dans l'histoire de la revue Le Mouvement social. Ce numéro 64, daté juillet-septembre 1968 et titré « La Sorbonne par elle-même. Mai-juin 1968 », innovait par sa volonté d'histoire immédiate et par son engagement, par son caractère de travail collectif comme par sa taille (416 pages) tout en respectant les règles historiennes du travail collectif. Le succès fut immédiat et l'impact durable, comme l'évoque Sophie Coeuré dans le petit livre à la couverture symboliquement rouge et noir qu'elle lui consacre en 2018 et qui se termine par la réédition de la préface rédigée alors par Michelle et Jean-Claude Perrot, Madeleine Rebérioux et Jean Maitron 1.

Depuis cette date, la revue a poursuivi son travail sur le mouvement, notamment en publiant un numéro spécial ou un dossier tous les dix ans.

Pour le cinquantième anniversaire, le présent article revient aux origines de cette tradition : la publication de sources inédites. En complément de l'article que Danielle Tartakowsky consacre dans ce numéro aux photographies, je présente ici une sélection de documents inédits puisés dans les riches fonds d'archives de La contemporaine. Bibliothèque, archives, musée des mondes contemporains (nouveau nom de la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine, fondée en 1918) 2. Je me suis tourné vers cette dernière car elle est un des principaux pôles des recherches sur 68 et son centenaire coïncide avec la mise en oeuvre d'un ambitieux programme d'expansion que traduit sa nouvelle dénomination.

Cette sélection s'inscrit dans une évolution historiographique et un contexte archivistique. Elle traduit des choix qu'il s'agit désormais d'expliciter.

Une évolution historiographique

C'est à chaque lecteur et lectrice, comme toujours, de lire les documents publiés ci-après 3 et d'interpréter les messages et les sens multiples qu'ils peuvent révéler. Ils ne peuvent cependant faire abstraction de plusieurs changements de perspective historiographique intervenus dans les vingt-cinq dernières années.

Le premier est l'insertion du mouvement dans « les années 68 », expression forgée par Robert Frank et Michelle Zancarini-Fournel pour un séminaire de l'Institut [End Page 113] d'histoire du temps présent qui, en collaboration précisément avec la BDIC, s'est tenu durant plus d'une trentaine de séances de 1994 à 1998, et qui a placé le mouvement dans une plus longue durée, bornée par les deux dates de 1962 et 1981. Le premier débouché de ce séminaire a été un grand colloque, qui a donné matière à un ouvrage collectif en 2000 4. L'expression « les années 1968 » est passée ensuite dans le langage courant. Elle illustre bien en effet la pluralité de tout ce qui s'est joué, et les mutations en profondeur qui se sont engagées. Mais aussi les effets d'écho : quand on découvre aujourd'hui l'avertissement du tract des étudiants situationnistes de Strasbourg en 1966 « Et ça ne fait que commencer », on pense immanquablement au slogan de mai « Ce n'est qu'un début ». La contrepartie de cette approche longue a été ensuite la reconnaissance, la définition, voire la délimitation de ce que le même courant de recherche propose d'appeler le moment 68 5.

Le deuxième changement, déjà présent dans notre numéro de 1988, « Mémoires et histoires de 1968 », et encore plus dans l'ouvrage collectif de 2000, est l'approche d'histoire globale par la prise en compte simultanée des mouvements de contestation de cette période dans les autres pays du monde et par les nombreuses circulations qui se sont effectuées entre eux et entre la France et eux 6. Cette approche inclut l'étude des luttes contre les nouvelles dominations des anciennes...

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