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  • Le Vietnam, la guerre et l’imaginaire mondial
  • Timothy K. August (bio), Evyn Lê Espiritu (bio), and Vinh Nguyen (bio)

Si la guerre du Vietnam a secoué la conscience nationale américaine, donnant lieu à un mal ou un « syndrome » qui place les États-Unis dans la position de protagoniste et principale victime de la guerre, les combats et leurs conséquences ont été, en réalité, une affaire internationale, tant ils étaient liés aux mouvements anticoloniaux dans le tiers-monde et plus généralement à la guerre froide. Ce numéro spécial de la Revue canadienne d’études américaines s’intéresse au réseau des concrétions imaginaires du Vietnam qui se sont formées dans le monde après la guerre : on y examine les nombreuses façons dont ce pays et sa diaspora continuent d’êtres perçus à travers le filtre de leurs relations avec les États-Unis et d’autres acteurs internationaux. Dans les articles réunis ici, nous replaçons le Vietnam (le pays et ses multiples guerres de décolonisation) sur une scène plus vaste – celle de « l’imaginaire mondial » –, afin de préciser ses coordonnées historiques, politiques et affectives et de cartographier les formes plurielles de ses survivances. Plus de quarante ans après la « fin » de la guerre étatsunienne au Vietnam, nous soulevons ces questions : quels legs, quelles vies, quelles épistémologies ont survécu ? En quels lieux (pays, écrits, souvenirs, corps) et en quels temps (passé, présent, futur) ces survivances se manifestent-elles et deviennent-elles intelligibles ? Quels enjeux le fait de s’attarder encore à cette guerre « surdocumentée », qui charrie tant de pénibles souvenirs, soulève-t-il ?

Dans un article paru en 2006, Yến Lê Espiritu a ouvert le champ des « études sur les réfugiés », arrachant la figure du réfugié vietnamien aux représentations étatsuniennes dominantes de la guerre du Vietnam qui cherchent à l’effacer, à l’exalter ou à la pathologiser. [End Page 296] Par contraste avec les récits et les films américains axés sur l’expérience existentielle du vétéran, l’activisme du manifestant antiguerre au pays ou la bienveillance du gouvernement fédéral devenu missionnaire humanitaire, Y. L. Espiritu recentrait l’attention sur la subjectivité des réfugiés vietnamiens, afin de mettre en lumière « les problèmes cruciaux du racisme, de la guerre et de la violence » (Toward, p. 426). Des travaux subséquents, ancrés dans les études ethniques, étatsuniennes, littéraires, historiques, ethnographiques et de la performance, ont entrepris d’explorer, entre autres sujets, les structures affectives de la dette chez les réfugiés vietnamiens et leurs énonciations complexes de l’anticommunisme, ainsi que leur rôle dans la mise en évidence de l’impérialisme des États-Unis en Asie du Sud-Est et dans le Pacifique1. Ces importantes études multidisciplinaires analysent la manière dont la guerre du Vietnam et la diaspora qui en est issue évaluent les critiques du militarisme, du racisme transnational et de l’empire américain.

Ce numéro spécial prend comme point de départ l’intervention d’Y. L. Espiritu, de même que les travaux qui foisonnent en études sur les réfugiés, pour préciser la cartographie des cooccurrents transnationaux du Vietnam, de la guerre et de ses survivances dans l’imaginaire planétaire. Alors que les réfugiés vietnamiens aux États-Unis ont été, jusqu’à présent, le sujet privilégié de ce domaine d’études – ce qui se comprend d’autant mieux que la majorité des réfugiés de la guerre du Vietnam, après 1975, se sont installés dans ce pays –, nous avons choisi d’étendre nos analyses dans le temps et l’espace, depuis l’histoire transnationale du colonialisme français au Vietnam jusqu’au présent inquiétant de la vie diasporique sous le régime de Donald Trump, et d’explorer les échos toujours audibles de la guerre du Vietnam en des lieux aussi divers que la Palestine, le Japon, les iles du Pacifique et le Canada. En abordant « les problèmes cruciaux du...

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