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  • Autonomisation des francophonies minoritaires canadiennes, 1900-1950
  • Patrick Lacroix
Poliquin, Laurent – De l'impuissance à l'autonomie. Évolution culturelle et enjeux identitaires des minorités canadiennes-françaises, Sudbury, Éditions Prise de Parole, 2017, 353 p.
Bourque, Denis et Chantal RichardLes conventions nationales acadiennes 1900-1908, Québec, Septentrion, 2018, 292 p.

En 2018, le trentième anniversaire de la plus récente Loi sur les langues officielles nous invite à développer les histoires différenciées des communautés francophones minoritaires en diverses régions de la fédération canadienne. La période d'épanouissement qui s'ouvre avec les travaux de la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme (1963-1969), soutenue par la loi de 1988, égalise le sort de ces communautés, mais tend par le fait même à cacher leurs spécificités régionales. Les récentes études de Laurent Poliquin, d'une part, et de Denis Bourque et Chantal Richard, d'autre part, permettent d'aborder ces multiples francophonies canadiennes, sans présumer une unité originelle, pour une période qui demeure méconnue des non-spécialistes : la première moitié du XXe siècle, période riche en revendications qui ne porteront fruit que beaucoup plus tard.

L'œuvre de Poliquin est tirée d'une thèse de doctorat qu'il a soutenue à l'Université du Manitoba en 2012 et développée au Centre de recherche en civilisation canadienne-française de l'Université d'Ottawa. Dans De l'impuissance à l'autonomie, l'auteur, qui est également poète et enseignant, conteste l'argumentaire qui attribue à la Révolution tranquille des années 1960 la désintégration d'une francophonie pancanadienne. Selon Poliquin, une fracture culturelle et politique s'ouvre entre le Québec et les francophonies minoritaires à partir de 1910, date qui marque le début d'une série de crises scolaires qui secouent les Canadiens français de l'Ontario, du Manitoba, et de la Saskatchewan. L'auteur trace l'évolution de ces controverses en trois grands chapitres, chacun établissant les faits de la controverse et les procédés d'analyse littéraire dont l'auteur fait usage. À partir d'un échantillon de sources – principalement un corpus de journaux francophones du Québec, de l'Ontario et de l'Ouest et de littérature pour la jeunesse –, Poliquin aborde et analyse les « moments discursifs » que représentent ces crises.

Poliquin prend pour point de départ le discours national canadien-français, axé sur la survivance, supposément uniforme par tout le Canada jusqu'au début [End Page 408] des années 1910. Il est vrai que la réaction au Règlement XVII en Ontario rappelle la levée de boucliers par suite de l'affaire Riel, mais la Première Guerre mondiale et la première crise de la conscription transforment le discours national et révèlent une certaine impuissance du Québec à l'égard des francophones audelà de ses frontières. Fait étonnant qui témoigne peut-être de cette impuissance, certains journalistes osent comparer l'ennemi allemand à l'assimilateur anglais aux tactiques prussiennes. Chez les Canadiens français, la lutte se livre autant au pays qu'outre-mer, le premier aspect étant aussi important que le second, sinon davantage.

Or l'analyse des trois questions scolaires qui minent l'enseignement en français de 1912 à 1931 est trompeuse, puisqu'en fin de compte, selon l'auteur, ce sont deux événements aux répercussions plus larges qui scindent définitivement une francophonie primordiale canadienne (p. 286-287, 292-293). Lors de la crise économique des années 1930, une chute de l'appui moral et financier des Québécois aux francophones ailleurs au pays se produit. Mais Poliquin affirme sans équivoque que la responsabilité de la déchirure culturelle n'est pas attribuable uniquement au désintérêt du Québec. Dans l'entre-deux-guerres, les groupes minoritaires francophones de l'Ontario et de l'Ouest cherchent à cimenter leur autonomie et construisent leurs propres réseaux institutionnels. Un souci de mobilité socioéconomique et l'ouverture...

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