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  • Margarethe Hilferding. Une femme chez les premiers psychanalystespar Françoise Wilder
  • Florent Serina
Margarethe Hilferding. Une femme chez les premiers psychanalystesFrançoise Wilder Paris : Epel, coll. « Essais», 2015, 136 p., 23 €

Françoise Wilder, psychanalyste à Montpellier, signe là un portrait d'une personnalité longtemps oubliée de l'histoire de la psychanalyse : Margarethe Hilferding (1871–1942). Son destin peut se résumer en ces quelques lignes : après s'être distinguée comme l'une des premières femmes diplômées en médecine de Vienne, Margarethe Hilferding, fille d'un médecin et d'une cousine de Joseph Breuer, fut la toute première femme à faire son entrée dans la très masculine Wiener psychoanalytische Vereinigung. Partageant les thèses d'Alfred Adler, elle prit son parti lorsque celui-ci se démarqua explicitement des préceptes freudiens, s'éloigna de l'auteur de la Traumdeutunget de ses séides, puis évolua au sein de l'Association de psychologie individuelle, tout en menant de front une carrière de praticienne hospitalière dans plusieurs institutions autrichiennes. Déportée en juin 1942 dans le camp de concentration de Theresienstadt en raison de ses origines juives, elle perdit tragiquement la vie trois mois plus tard lors de son transfert vers le camp d'extermination de Treblinka.

Quand bien même cette publication mérite d'être signalée, l'historien ne manquera pas d'observer qu'elle ne répond guère aux exigences de la discipline : absence d'appareil critique et de bibliographie, manque de distance avec l'objet d'étude (pleine empathie avec son sujet – souvent désignée par son seul prénom –, l'auteure va jusqu'à se mettre en scène dans un entretien imaginaire avec la psychologue défunte). Au point où l'on se demande s'il n'aurait pas été plus judicieux de publier une traduction de l'essai d'Eveline List, Mutteliebe und Geburtenkrontolle – Zwischen Psychoanalyse und Sozialismus. Die Geschichte der Margarethe Hilferding-Hönigsberg(Mandelbaum, 2006). Et ce, d'autant plus qu'il constitue la principale – si ce n'est la seule et unique – source d'informations de Françoise Wilder, qui dit avoir songé à écrire ce livre trois ans avant de prendre connaissance de l'enquête menée par l'universitaire autrichienne. N'étant toutefois pas germaniste, elle confia à l'un de ses collègues le soin d'en réaliser une synthèse à son propre usage, que valida ensuite Eveline List.

Plutôt donc de nous proposer une traduction de Mutteliebe und Geburtenkrontolle(qui, on peut le concéder, aurait probablement eu du mal à trouver son public), Françoise Wilder a fait [End Page 460]le choix de nous livrer une version toute personnelle de la vie et de l'œuvre du docteur Hilferding, à partir de matériaux recueillis chez Eveline List, en privilégiant sa jeunesse et ses vicissitudes au sein de la « horde » freudienne (ces deux aspects de sa biographie constituant plus de deux tiers de l'ouvrage). Dès lors, cette adaptation prive de fait l'accès aux lecteurs francophones à un chapitre important de l'histoire de la psychologie individuelle ; son compagnonnage avec Alfred Adler étant à peine évoqué, alors même qu'elle fut l'une de ses disciples les plus influentes à Vienne durant l'entre-deux-guerres ; de même que ses travaux post- psychanalytiques ne sont que sommairement présentés. En outre, si l'auteure ne manque pas de souligner – et avec raison – son rôle de « pionnière », il manque une réflexion sur les raisons de cette si longue omission, à propos de laquelle on peut fonder l'hypothèse suivante : alors même que les travaux consacrés à d'autres figures féminines marquantes du freudisme (Lou Andreas-Salomé, Sabina Spielrein) sont aujourd'hui relativement nombreux, le peu d'intérêt suscité par Margarethe Hilferding tient probablement à son infidélité à l'égard dudit « père » de la psychanalyse, ainsi qu'à son adhésion à un courant dit « hétérodoxe » demeuré largement minoritaire (courant qui continue d'ailleurs d'attendre son historien ou historienne de langue française). À cela s'ajoute une...

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