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  • Le Conte à visée morale et philosophique, de Fénelon à Voltaire par Magali Fourgnaud
  • Ute Heidmann (bio) and Jean-Michel Adam (bio)
Le Conte à visée morale et philosophique, de Fénelon à Voltaire
par Magali Fourgnaud
Paris: Garnier, 2016.
206pp. €32. ISBN 978-2-8124-5137-9.

Quarante troisième titre de la collection dirigée par Michel Delon, Jacques Berchtold et Christophe Martin, chez Classiques Garnier, ce livre est la version remaniée d’une thèse soutenue en 2013, sous la direction d’Aurélia Gaillard, à l’Université Bordeaux-Montaigne. Le triple intérêt théorique, méthodologique et descriptif de cet ouvrage est de proposer une définition d’un ensemble de textes parus entre 1690 et 1775 et relevant explicitement de la catégorie aussi large que floue du « conte ». Dans une perspective à la fois historique et poétique, Magali Fourgnaud décrit très méthodiquement cette « nouvelle catégorie du conte » apparue à la fin du xviie siècle. Le corpus principal, constitué de 47 « contes » et 15 « histoires », est parfaitement situé dans le temps et suffisant pour permettre de proposer une définition assez opératoire pour discriminer (60 et 73) les « histoires morales » et celles qui, glissant vers le pamphlet, s’écartent de la catégorie définie. La définition proposée (74–75) dégage quatre composants: un composant narratif: le récit de l’évolution de la conscience d’un personnage; les thèmes philosophiques et moraux des Lumières: conditions du bonheur, contradictions de l’âme humaine, question du bien et du mal, de la vérité et de l’illusion; un pacte de lecture: le décryptage de nœuds interprétatifs déclenchant la réflexion du lecteur; les effets de cette réflexion: l’éveils des sentiments et de la conscience du lecteur.

L’intitulé de la section « Poétique du conte à visée morale et philosophique » situe clairement le cadre théorique de l’ouvrage. C’est dans la perspective poétique que les péritextes sont prioritairement sollicités: titres et sous-titres qui auto-désignent une classe de textes, mais aussi frontispices, épigraphes et préfaces. Ils sont théorisés—à la suite d’Ugo Dionne 2008—comme des « dispositifs » et les « bibliothèques », périodiques, corpus et recueils comme des « archidispositifs ».

Selon M. Fourgnaud, contes moraux et contes philosophiques représentent deux pôles d’un continuum qui va des récits qui cherchent explicitement à transmettre la morale et la philosophie des Lumières à ceux qui visent l’émancipation intellectuelle et morale du lecteur par la complexification des formes. Défini comme « fiction fabuleuse », le conte à visée morale et philosophique unit certes « une histoire et sa signification, comme dans une allégorie » (74), mais entremêlant des interprétations possibles contradictoires, il repose sur un pacte de lecture fondé plutôt sur l’analogie (distinction avancée par Aurélia Gaillard). Supposant une adéquation [End Page 239] univoque entre le signe et le signifié, l’allégorie limite la démarche du lecteur à un décodage (380) tandis que les contes philosophiques sont porteurs d’une vérité que le lecteur doit décrypter (sur le modèle du décryptage des emblèmes) en mettant en rapport « deux éléments symboliques apparemment opposés voire contradictoires » (368).

La dimension philosophique et morale de ces textes réside donc moins dans leur contenu que « dans leur forme même et dans la démarche qu’ils induisent: le conte philosophique construit et façonne sa propre réception » (20). Les contes à visée philosophique ont l’ambition d’ouvrir les yeux du lecteur, de lui faire prendre conscience des mécanismes de l’illusion et de participer ainsi à son éducation morale, ce qui—comme l’écrit Fourgnaud, 13—« est bien le propre de la philosophie, telle qu’elle est conçue au xviiie siècle ».

Les auteurs retenus et étudiés dans des chapitres séparés peuvent être regroupés en trois ensembles. Le texte fondateur des Fables et opuscules pédagogiques de Fénelon présente un usage très particulier des...

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