In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • La politique du blé. Crises et régulation d'un marché dans la France de l'entre-deux-guerres by Alain Chatriot
  • Laurent Herment
Alain CHATRIOT, La politique du blé. Crises et régulation d'un marché dans la France de l'entre-deux-guerres, Paris, Comité pour l'histoire économique et financière de la France-IGPDE, 2016, 618 p.

L'ouvrage publié par Alain Chatriot est tiré du mémoire inédit d'une habilitation soutenue en 2013. Comme l'indique l'auteur, la filière blé occupe une place tout à fait spécifique dans l'imaginaire français. Tant sur le plan symbolique qu'économique et agronomique, le blé n'est pas une plante comme les autres. D'une part, le pain constitue encore dans l'entre-deux-guerres l'aliment de base d'une large fraction de la population française. D'autre part, le blé représente une spéculation essentielle pour une grande partie de la paysannerie, plus particulièrement dans le nord du pays.

La régulation du marché du blé et la politique agricole se trouvent ainsi à la confluence des intérêts souvent contradictoires de deux multitudes : les consommateurs et les producteurs. L'équation très politique que les pouvoirs publics ont à résoudre – un prix du pain pas cher, un prix du blé rémunérateur –, ne trouve pas aisément de solution. La crise du ravitaillement durant la Grande Guerre et la crise de la vie chère dans l'immédiat après-guerre ont permis l'expérimentation de mesures qui seront réinvesties de significations nouvelles durant l'entre-deux-guerres.

[End Page 194] À la période de haut prix du blé succède une période de baisse quasi continue jusqu'en 1936, date de la mise en place de l'Office national interprofessionnel du blé (ONIB). Grâce à la mobilisation d'archives très diverses, l'ouvrage d'Alain Chatriot permet d'appréhender les évolutions du jeu complexe des différents acteurs et l'émergence de nouveaux qui vont jouer un rôle central dans les débats sur la régulation du marché du blé et la politique agricole durant les années 1930.

Sans obéir à une chronologie stricte, l'ouvrage est organisé en deux périodes. La première partie couvre les années 1925-1936. La seconde s'intéresse à la mise en place et aux conditions de fonctionnement de l'Office du blé entre 1936 et 1939.

L'exposé de l'auteur permet d'entrevoir la diversité des défis auxquels doit répondre la mise en place d'une politique de régulation du marché du blé : variation intra- et interannuelle des prix, financement des récoltes, financement de la modernisation de l'agriculture, contingentement de la production, mise en place d'infrastructures de stockage, transformation de la meunerie, promotion de la coopération, politique douanière, régime de l'admission temporaire, qualité des blés, etc. Si la question du prix du blé représente ainsi un élément central dans les débats, la politique du blé et l'organisation du marché ne sont pas réductibles à la question de sa fixation et de sa stabilité. La compréhension des problèmes que soulève la prise en compte simultanée de ces questions agricoles, agronomiques, douanières, financières et industrielles, n'est possible qu'à travers l'analyse des discours des acteurs nouveaux et anciens : Association générale des producteurs de blé (AGPB), chambres d'agriculture, syndicats de la petite meunerie, syndicats de la grande meunerie, boulangerie, chambre de commerce, bourse de commerce, négociants, Banque de France, représentants des consommateurs, etc.

Au milieu des années 1920, la baisse des prix du blé provoque l'inquiétude de la paysannerie, en particulier des grands producteurs du nord de la France. La spéculation sur le blé à la Bourse de commerce de Paris et les fraudes auxquelles donne lieu le régime d'admission temporaire redoublent leurs craintes. Très tôt, les producteurs réclament la mise en place de mécanismes qui les protègent de l...

pdf

Share