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Reviewed by:
  • Benjamin Fondane's 'Ulysses': Bilingual Edition trans. by Nathaniel Rudavsky-Brody
  • Olivier Salazar-Ferrer
Benjamin Fondane's 'Ulysses': Bilingual Edition. Translated and with an introduction by Nathaniel Rudavsky-Brody; foreword by David Rieff. (Judaic Traditions in Literature, Music, and Art.) Syracuse, NY: Syracuse University Press, 2017. 208 pp.

La publication d'une édition bilingue du grand poème de Benjamin Fondane Ulysse, dont une première version paraît en 1933 aux Cahiers du Journal des poètes, à Bruxelles, était très attendue par tous les admirateurs de l'œuvre de ce poète français d'origine roumaine né à Jassy en 1898 et assassiné à Auschwitz en octobre 1944. La traduction précise et élégante de Nathaniel Rudavsky-Brody, qui a reçu le prix Susan Sontag en 2013, épouse parfaitement le style heurté, rugueux, dynamique de ces vers regorgeant d'images charnelles et palpitantes qui nous rappelle que le poète a traversé les marges du surréalisme et publié la même année son célèbre essai Rimbaud le voyou. Le traducteur a su restituer magistralement en anglais les rythmes tantôt furieusement bousculés, tantôt apaisés de ce long monologue écrit en vers irréguliers, libres ou partiellement rimés. Même s'il intègre une traversée vers l'Argentine en 1929 à bord du Mendoza, Ulysse est un poème métaphysique, le poème d'une vie que son auteur n'avait cessé de réécrire. Scandé en trente-neuf poèmes numérotés, Ulysse est un voyage existentiel sans retour qui conduit son héros solitaire, un Ulysse juif solidaire de ses frères émigrants dispersés et malmenés sur les routes d'exil, vers un défi ultime: 'J'ai hâte d'écouter la chanson qui tue!' ['I am dying to hear the fatal melody!'] s'exclame le narrateur (p. 145), tenté de se jeter à mer, 'librement' (p. 144). À la différence du personnage homérique, cet Ulysse juif ne veut pas résister au chant des sirènes. L'univers poétique de Fondane, partagé entre une filiation judaïque et la catastrophe d'un monde chaotique post-nietzschéen blessé par la Première Guerre mondiale, tourbillonne autour d'un témoin déchiré par son désir d'exister, ses soifs insatiables et sa révolte. L'univers héraclitéen de ce passager du désastre roule pêle-mêle ports, routes, ombres enfuies, villes indéfinies et 'mers insensées' (p. 22). Dans ce chaos, le rôle de l'émigrant, 'diamant de la terre' et 'sel sauvage' (p. 50), est essentiel:

les émigrants ne cessent d'escalader la nuitils grimpent dans la nuit jusqu'à la fin du monde.ils rompent comme frères leur lait et le partagentun sanglot fait le tour du monde.

The emigrants endlessly scale the heights of the nightThey climb in the night until the end of the world, [End Page 455] They break their milk like brothers and share it,A sob goes round the world.

(p. 50)

Ce grand poème, digne de figurer à côté de La Prose du transsibérien de Blaise Cendrars, nous plonge dans une empoignade tragique et profondément humaine avec le monde à laquelle nul lecteur ne pourra rester indifférent.

Olivier Salazar-Ferrer
University of Glasgow
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