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  • Fin d'un monde ouvrier. Liévin 1974 par Marion Fontaine
  • Laure Assayag
Marion FONTAINE, Fin d'un monde ouvrier. Liévin 1974, Paris, Éditions de l'EHESS, « Cas de figure », 2014, 240 p.

L'ouvrage cherche à saisir, à partir de la micro-histoire de la catastrophe minière de Liévin en 1974, les métamorphoses de l'imaginaire du monde minier au XXe siècle.

L'intérêt de la démarche est triple. Elle repose d'abord sur un questionnement épistémologique porté sur le traitement historique d'un événement manqué qui n'a pas entraîné de mobilisation massive de la part des mineurs. Elle interroge également la signification de l'oubli historique d'une tragédie minière, désormais marquée du sceau de l'indifférence. Selon l'auteur, « l'histoire n'est pas faite seulement de succès […], elle se joue aussi dans les actions sans solutions, les tentatives avortées, les possibles qui ne sont pas advenus » (p. 16). Ce point précis permet, enfin, de mettre en lumière la transition d'une période à une autre, le passage de l'apogée de la classe ouvrière à son délitement post-68. C'est en effet un moment charnière où évolue le rapport au passé, au présent et à l'avenir. L'auteure emprunte d'ailleurs à la réflexion de François Hartog sur les régimes d'historicité 6.

Si Liévin s'enracine dans l'année butoir de 1974, il s'agit aussi pour Marion Fontaine de retrouver ses traces dans le présent, en tissant les fils temporels de cet événement. Il s'inscrit en rupture avec un passé lointain, lorsque la classe ouvrière [End Page 147] représentait une partie importante de la société française, mais aussi avec le passé proche des Trente Glorieuses. Il marque également le début d'une crise, voire d'une agonie du monde minier qui s'étend jusqu'à nos jours. Son évolution et sa modernisation accélérée depuis 1950, mais aussi sa désindustrialisation accrue par la crise de la production charbonnière, à la fois nationale et internationale, sont ici en cause.

L'ouvrage de Marion Fontaine ne dément pas une vocation didactique, au cœur de la collection « Cas de figure », par son style précis, son découpage clair, ses signes de scientificité. L'auteure est spécialiste de l'histoire politique et sociale du monde ouvrier et l'ouvrage s'inscrit dans la continuité de ses publications précédentes, qui visaient déjà à déconstruire l'image et les discours stéréotypés sur les mineurs 7.

L'auteure commence par restituer le temps court de la catastrophe. Le 27 décembre 1974, à 6 h du matin, dans la fosse 3 bis de l'unité de production 19 de Liévin, près de Lens, bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, une explosion retentit et tue quarante et un mineurs, descendus depuis peu à la mine. Un autre meurt de ses blessures quelques jours après. La presse s'émeut et inscrit l'événement dans l'histoire longue de l'imaginaire des catastrophes minières. Liévin est à ce titre comparé à la catastrophe de Courrières en 1906, qui avait totalisé 1 099 morts.

Ces événements permettent à Marion Fontaine de retracer cette histoire longue et l'invention de la figure du mineur dans ses remaniements et ses évolutions contemporaines. La référence au puits du Voreux en 1885 dans Germinal, sur lequel s'ouvre le premier chapitre, n'a donc rien d'un « anachronisme ». Dès le XIXe siècle, le mythe du mineur s'élabore autour d'une image ambivalente, tantôt héros tantôt martyr, comme a pu le montrer Bruno Mattéi 8. L'auteure insiste sur la normativité des discours tenus sur le mineur, teintés de populisme ou de misérabilisme. Ce n'est qu'en 1930 que le mineur est saisi par le discours politique et mis au service d'une image de l'avenir communiste. Le PCF consolide alors...

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