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  • Angelo Mariani, 1838-1914. Le vin de coca et la naissance de la publicité moderne by Aymon de Lestrange
  • Didier Nourrisson
Angelo Mariani, 1838-1914. Le vin de coca et la naissance de la publicité moderne Aymon de Lestrange Paris: Éditions Intervalles, 2016, 192 p., 29€

Il est des livres qu'on rêve d'écrire. Aymon de Lestrange l'a fait. Avec de très riches illustrations, avec des références précieuses et précises, dans un style simple et accessible à tous. Son Angelo Mariani dépasse le cadre de la biographie d'un illustre oublié et donne une clé pour comprendre la modernité commerciale. Le vin Mariani est en effet un produit qui a « marqué » son temps et développé une appétence sociale pour les produits que l'on qualifie aujourd'hui de « psychotropes », modificateurs de conscience.

L'ouvrage commence par une histoire de la coca. Produit des Andes, mâché et sacré, il fait l'objet de relations par les voyageurs du Nouveau Monde depuis le 16e siècle. Linné, puis Lamarck, l'inscrivent dans leur classification sous l'appellation Erythroxylon coca. Le 19e siècle (Gaekecke, Niemann, Lossen, Köller) isole l'alcaloïde principal, la cocaïne, et en démontre les effets tour à tour stimulants et anesthésiques, résumés par Freud dans Über Coca (1884). C'est longtemps un simple médicament de laboratoire pharmaceutique.

Angelo Mariani, fils de pharmacien et lui-même préparateur, va en faire un produit commercial. Face à la concurrence des boissons à base de quinquina dans une solution d'alcool réputés « apéritifs, toniques, digestifs, revigorants » dès les années 1860 (Suze, Byrrh, etc.), Mariani a l'idée de faire infuser des feuilles de coca dans du vin de infuser des feuilles de coca dans du vin de Bordeaux. L'invention est datée des années 1860, avec une incertitude avouée. La société commerciale, en revanche, date de 1877 et l'usine proprement dite de 1885 : il en sort le « vin tonique à la coca du Pérou ».

Au temps de la réclame – simple description du produit à vendre –, Mariani participe à l'invention de la publicité : bouteilles étiquetées, prospectus, affiches illustrées par les plus grands crayons (Jules Chéret, Louis Vallet), slogan répété (« le plus agréable et le plus efficace des toniques »), objets dérivés (cartes postales). L'Album Mariani publié par Camille Flammarion en 1894 rassemble même de très nombreux témoignages de reconnaissance. Y figurent en bonne place : le tsar et la tsarine de Russie, le prince et la princesse de Galles, les rois de Suède et de Norvège, le commandant des forces françaises en Indochine, celui de l'armée britannique, le pape Léon XIII, des médecins, des artistes comme Alexandre Dumas, Émile Zola, Anatole [End Page 241] France, Jules Verne, ou Bartholdi, des savants comme Thomas Edison, et des sportifs célèbres comme Louis Blériot.

Le vin Mariani diffuse largement à l'étranger. On le trouve dans toute l'Europe et même en Amérique. Angelo Mariani crée une succursale à Montréal, puis à New York. C'est de là que le pharmacien Pemberton d'Atlanta ramène d'ailleurs le french wine, avant qu'il ne devienne Coca-Cola.

Car, bien vite, le vin Mariani va connaître les contrefaçons. Dans la dernière décennie du 19e siècle, des dizaines de pharmaciens commercialisent des vins toniques à la coca : Coca des Incas, Vin Bravais, Vin Désiles, ou Kola-Coca.

Cependant, ce n'est pas la concurrence qui inquiète le vin Mariani, mais la lutte anti-cocaïne. La vague prohibitionniste vient des États-Unis : dès 1887, l'État de l'Oregon interdit l'usage de la cocaïne ; puis des lois fédérales étendent l'interdiction à l'ensemble du territoire états-unien (Pure food and drug Act, en 1906 ; Harrison Narcotic Tax Act, en 1914). Cependant, ni les tracas administratifs (la loi française du 12 juillet 1916 classe la cocaïne parmi les « stupéfiants »), ni...

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