In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Le silence mutilé. Les soldats invalides belges de la Grande Guerre by Pieter Verstraete et Christine Van Everbroeck
  • Sophie Delaporte
Le silence mutilé. Les soldats invalides belges de la Grande Guerre Pieter Verstraete et Christine Van Everbroeck Namur : Presses universitaires de Namur, 2014, 192 p., 35 €

Dans une belle préface, Sophie De Schaepdrijver situe la singularité de l'expérience de la Grande Guerre en Belgique, et plus spécialement du sort qui a été fait à ses mutilés pendant et après la guerre. Le livre présenté ici ouvre la question de l'invalide et apporte une dimension nouvelle, bien que très tardive, au champ historiographique belge de la Grande Guerre. L'intérêt de cette étude est d'envisager la situation pendant, mais aussi, ce qui est beaucoup plus difficile, après. Même si le champ chronologique demeure circonscrit à l'immédiat après-guerre.

Les auteurs ont organisé la structure du livre en dissociant l'expérience du corps mutilé physiquement et psychiquement, dans un avant et un après-guerre, permettant ainsi de s'intéresser à la rééducation des mutilés belges et à la prise en charge des troubles mentaux et nerveux. L'objectif avoué consiste à se « pench[er] sur le silence qui entoure aujourd'hui les soldats invalides belges, en dépoussiérant [End Page 226] leurs récits et leurs expériences » afin d'y rechercher, « les raisons qui peut-être, ont conduit à ce silence enveloppant leur existence ». Pieter Verstraete et Christine Van Everbroeck avouent d'emblée n'avoir « pu percer entièrement le silence entourant la mémoire des soldats belges physiquement et psychiquement invalides, [l]e manque de sources ayant rendu impossible de retracer certains aspects ». En fait, des sources existent même si elles n'apparaissent pas toujours suffisamment exposées dans le texte au lecteur. Le livre ne place pas toujours non plus en perspective les données belges avec les travaux existants sur la question.

Par exemple, sur le nombre de mutilés belges de la Grande Guerre, les auteurs s'arrêtent sur une source unique, peu sûre — ils l'indiquent—, mais qui permet néanmoins de les estimer autour de 75 000 dont 1649 amputés et 47 aveugles (et le reste ?). Il aurait été souhaitable ici de replacer le cas belge par rapport à la situation d'autres pays engagés dans le conflit, mieux connue, notamment le cas français, britannique ou allemand. Cela aurait fait apparaître une autre spécificité belge, à savoir, une part beaucoup moins importante en nombre de mutilés et surtout de catégories, limitées ici aux amputés et aux aveugles. Rappelons que les difficultés comptables tiennent avant tout au fait que les médecins ont compté le nombre de blessures, et non le nombre de blessés, héritage d'une comptabilité née au milieu du 19e siècle des guerres de Crimée et d'Italie ou de la guerre civile américaine.

Le grand mérite de cette première étude sur les invalides belges est de s'intéresser à la réinsertion des mutilés belges et d'insister par-là, sur une autre singularité de son expérience : la dispersion des lieux de prise en charge pour la rééducation des mutilés, la prise en charge pendant la guerre, et la nécessité après l'armistice de rapatrier les blessés belges au pays. On regrette cependant de ne voir que trop peu la réintégration des mutilés dans la société belge, les auteurs insistant davantage sur le volet de la rééducation. On ne sait pas ce qu'ils sont devenus au sortir des instituts mis en place ici et là. Cet aspect est davantage montré pour les blessés psychiques de retour dans le cercle familial, bien plus que réinsérés véritablement dans la société.

A mon sens, il manque ici une analyse plus poussée du discours médical qui permettrait justement d'atteindre les mutilés. Cela aurait sans doute empêché certains anachronismes conférant par endroit...

pdf

Share