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  • Dénoncer les juifs sous l’Occupation: Paris, 1940–1944 par Laurent Joly
  • Edward Ousselin
Dénoncer les juifs sous l’Occupation: Paris, 1940–1944. Par Laurent Joly. (Seconde Guerre mondiale.) Paris: CNRS Éditions, 2017. 230 pp., ill.

Alors que la délation contre les juifs constitue une partie importante de la mémoire historique liée à la période de l’Occupation, il y a étonnamment peu d’ouvrages sérieux sur cette question. Comme le signale l’auteur de cet ouvrage, ‘[d]e manière générale, l’étude de la dénonciation demeure le parent pauvre des travaux sur la période’ (p. 18). Dans ce livre, le domaine de recherche de Laurent Joly porte sur Paris et sa proche [End Page 316] banlieue, où résidaient environ la moitié des 300 000 juifs vivant en France au début des années 1940, et où il reste encore (malgré de nombreuses destructions) le plus grand nombre d’archives. Joly commence par corriger une idée reçue largement répandue, selon laquelle il y aurait eu des millions de lettres de dénonciation envoyées à la Gestapo ou aux autorités du régime de Vichy. Les résultats de ses recherches indiquent des chiffres beaucoup plus faibles, ce qui n’atténue en rien l’ignominie de l’acte de délation, puisque des vies étaient en jeu dans chaque cas. Joly estime à environ trois mille le nombre de lettres de dénonciation reçues entre 1941 et 1944 par le Commissariat général aux questions juives. Les autorités allemandes ont reçu un nombre à peu près équivalent de lettres. Il y avait également des dénonciations orales, ainsi que celles qui étaient publiées dans des journaux collaborationnistes—le dernier chapitre de ce livre est consacré au ‘brûlot antisémite et officine de délation’, Au pilori. Des milliers de juifs ont donc été dénoncés dans la région parisienne, ce qui reste évidemment considérable. En ce qui concerne le nombre d’arrestations, Joly a examiné en particulier le Service spécial des affaires juives (dit ‘brigade Périlleux’, du nom du commissaire qui la dirige): ‘Le bilan de la SSAJ s’élève donc à 5175 arrestations, la plupart suivies de déportations’ (p. 126). Cependant, ce sont les rafles qui ont été les plus meurtrières, menant à la déportation de dizaines de milliers de personnes. Joly explique minutieusement le processus menant à l’arrestation et à la déportation de juifs qui tentaient de passer inaperçus, et qui ont été dénoncés par des voisins ou des collègues: ‘la grande majorité des délations reçues par le commissariat sont le fait de citoyens ordinaires’ (p. 32). Plusieurs exemples émouvants sont présentés dans ce livre, avec les photographies des victimes et les fac-similés des documents. Un chapitre est consacré à Annette Zelman, qui a été arrêtée et déportée en 1942 après avoir été dénoncée à la Gestapo par le père de son fiancé non juif. Joly catégorise également les mobiles et les origines sociales des dénonciateurs. Dans certains cas, ceux-ci ont été jugés après la Libération (il faut toutefois rappeler que la plupart des lettres de dénonciation étaient anonymes). Tous les délateurs n’étaient pas viscéralement antisémites. Leurs motifs étaient divers, ‘relevant de la jalousie ou du ressentiment poussés à la haine sans frein, du domaine crapuleux ou du conflit de voisinage’ (p. 61). Joly a produit une étude particulièrement bien documentée et toujours éclairante sur un des sujets les plus honteux de l’Occupation.

Edward Ousselin
Western Washington University
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