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  • La déambulation champêtre dans Consuelo. La Comtesse de Rudolstadt de George Sand, moteur de recherche identitaire
  • Françoise Ghillebaert (bio)

Le voyage est une espèce de porte par où l'on sort de la réalité connue pour pénétrer dans une réalité inexplorée qui semble un rêve.

(Guy de Maupassant, Au soleil 5)

Dans un récent dossier du Magazine littéraire sur la littérature du voyage (2012), Martine Reid rappelle l'abondance des pages que George Sand a consacrées à ses voyages. Sand est en effet une grande voyageuse et pratique la marche à pied depuis l'enfance dans la campagne de Nohant. Il n'est donc pas surprenant que les voyages et la marche à pied innervent une grande part de son œuvre. Ses récits de voyage sont souvent des prétextes à l'écriture : « Ça que faire? […] si j'écrivais à quelqu'un? » (Voyage en Auvergne 2 : 503–04) et un moment d'ouverture du regard pour se désennuyer ou faire le point sur une situation. Telle est l'intention des Lettres d'un voyageur dans lesquelles Sand s'adresse à Musset, sous couvert de l'identité d'un voyageur, après leur séparation et son départ de Venise. Par le jeu de ce récit épistolaire, Sand continue le dialogue avec l'être aimé et se maintient dans ses pensées car, comme le souligne Georges Lubin, « Elle est de ceux qui, lorsqu'ils sont séparés d'une personne qui leur est chère, veulent continuer sans interruption le dialogue » (Lettres d'un voyageur 2 : 637). Sand continuera de puiser dans la matière italienne de son voyage à Venise avec Musset pour ses romans de la période romantique et utilisera ce cadre pour traiter [End Page 207] les questions qui la préoccupent.

La question primordiale dans le roman qui nous concerne est l'utilité de l'artiste. Taxé de superfétation sociale dans les Lettres d'un voyageur : « Le citoyen austère veut supprimer les artistes, comme des superfétations sociales qui concentrent trop de sève » (Œuvres autobiographiques 2 : 807), l'artiste féminine devient salvatrice dans Consuelo. Pour faire l'apologie de l'artiste, plus particulièrement de la cantatrice de théâtre, Sand reprend sa technique de l'immanence poétique soulignée par Lubin en signalant le point de départ du voyage de Consuelo par une lettre adressée à Albert de Rudolstadt.

Consuelo parsème sa lettre d'éléments fondamentaux pour perpétuer son souvenir à l'esprit d'Albert et s'unit à lui par un contrat honorifique dont il est la pierre angulaire. Consuelo définit ce contrat en trois points. La fonction cathartique du voyage est énoncée clairement. Consuelo ne peut pas accepter la proposition de mariage d'Albert car elle doit d'abord se purifier de son ancien amour pour Anzoleto. Après la purification vient la régénérescence. Consuelo va retrouver son maître de chant à Vienne pour lui demander conseil. Le trajet de Venise à Vienne constituera le parcours initiatique dans la formation identitaire de l'artiste libre. Enfin, elle ancre leur relation dans une solide promesse de retour cautionnée par leur serment prononcé sur le site de la pierre de Schreckenstein et bénie par l'approbation de la tante et du père d'Albert comme condition préalable à leur union. Ainsi justifié, le voyage peut commencer.

Cet article propose d'examiner les étapes de la quête identitaire de Consuelo dans le contexte des déambulations champêtres du roman éponyme de George Sand. Notre analyse portera principalement sur les manifestations de la rêverie méditative dans la quête identitaire, c'est-à-dire la relation de Consuelo avec la nature (la terre, l'eau, le chant des oiseaux et les plantes) ainsi que son rapport avec l'autre ; deux sources de connaissance de soi que le personnage s'approprie à travers la méditation, l'observation et l'écoute. Notre réflexion partira du précepte romantique que « tout voyage est une quête du Graal, […] qui permet au voyageur […], de renaître 'autre' » (Simone Vierne « Le...

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