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Reviewed by:
  • Is Theory Good for the Jews?by Bruno Chaouat
  • Maxime Decout
Bruno Chaouat. Is Theory Good for the Jews?Liverpool : Liverpool University Press, « Contemporary French and Francophone Cultures », 2016. Pp. 224.

L'antisémitisme actuel n'est plus celui de l'antijudaïsme chrétien ni des théories de la race. Il est celui de la nouvelle judéophobie 1, de l'anti-antisémitisme 2, de ces pensées du Juif nomade, porteur d'une mission éthique, et même du Juif enraciné et réactionnaire en Israël. Au sein de ces formes plurielles, ne serait-ce pas la théorie elle-même qui, lorsqu'elle se penche sur le Juif, risque à tout moment de déraper ? Qu'y a-t-il dans le geste théorique qui amène les uns et les autres à s'approcher dangereusement des à-pics de l'antisémitisme ? Telle est la question que pose Is Theory Good for the Jews ?de Bruno Chaouat, qui prend pour point de départ la French theory. Avec cette question : comment ses topoï« ont-ils, au mieux, empêché une confrontation avec la résurgence de l'antisémitisme, et, au pire, établi les conditions de possibilité de cette résurgence ? 3» (31). Un vertige nous saisit devant cette compromission d'un logosqu'on aurait pu croire au-dessus de tout soupçon.

Le premier moment examiné est celui de la pensée post-Heidegger. Le philosophe, en 1949, comparait l'agriculture à « la fabrication de cadavres dans les chambres à gaz 4». Il y a là « moins une exacerbation du "mal" lié à l'agriculture motorisée, qu'une minimisation de la Shoah ellemême » (89). À partir de là, la Shoah a opéré comme un symbole pour évoquer d'autres aspects de la modernité liés au mal. Elle est devenue un événement métaphysique, chez Adorno, un phénomène inscrit dans l'État-nation chez Arendt. Agamben suggère que le camp et la modernité s'équivalent (81), assimilant les numéros matricules aux empreintes digitales 5. Là se tient une dangereuse tendance à « "hitlériser" la modernité et à normaliser l'hitlérisme » (82).

Le tournant moralisateur que Bruno Chaouat étudie ensuite s'arroge le droit de moraliser l'extrême violence, quitte à ce que nous découvrions qu'il n'y a là qu'un refoulement du prestige du mal. Ainsi de l'appétence contemporaine pour l'indignation. En particulier Indignez-vous !de Stéphane Hessel. Autopsiant ce succès mondial, Bruno Chaouat fait valoir que le geste d'indignation peut difficilement jaillir en France sans se référer à la collaboration et la résistance (77-78). Stéphane Hessel postule en effet qu'il n'y a guère de différence entre les années 30 et le traitement des minorités aujourd'hui. Si ce n'est que la mondialisation et Israël seraient les oppresseurs, c'est-à-dire les nouveaux nazis. Associations qui ne sont pas volontairement antisémites, mais qui le sont dans leurs effets (79).

Le dernier avatar de ces théories est conceptualisé avec Opération Shylockde Philip Roth et le « diasporisme » : pour éviter un second génocide, les Juifs y sont invités à reformer la diaspora. « Le sionisme a sauvé les Juifs, mais maintenant les Juifs doivent être sauvés du sionisme » (166). Qu'il s'agisse de Traverso dans La fin de la modernité juiveou de Butler dans Vers la cohabitation, l'idéalisation du Juif sert de motif ou de caution morale pour le condamner en Israël où il trahirait sa mission universelle.

L'essai n'est donc pas un adieu à la théorie, mais un appel à la vigilance et à la lucidité, une exhortation à comprendre que celle-ci est précieuse, mais qu'elle peut brûler les mains de celui qui prétend jouer à l'apprenti sorcier. Bruno Chaouat se garde de formuler des principes dogmatiques et préfère, à la place, nous offrir une véritable praxis, remplaçant la théorie générale et le système par une pensée nuancée, au cas par cas, qui se d...

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