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Reviewed by:
  • Le Paysan et la Paysanne pervertis by Rétif de La Bretonne
  • Nicolas Brucker
Rétif de La Bretonne, Le Paysan et la Paysanne pervertis. Édition établie, présentée et annotée par Pierre Testud. (Champion Classiques, 33.) Paris: Honoré Champion, 2016. 1462pp., ill.

On doit se réjouir que soit désormais disponible, dans un format compact et avec toutes les garanties scientifiques, le texte de la version globale du Paysan–Paysanne pervertis. Jusqu’à présent le lecteur, pour se faire une idée approximative de cette version, devait se référer d’une part à l’édition du Paysan procurée par Pierre Testud (Paris: Robert Laffont, 2002), qui reproduit la version de 1782, d’autre part à celle de la Paysanne (éditée par Béatrice Didier (Paris: Garnier-Flammarion, 1972)). Il importait de disposer enfin de la version globale, car elle marque l’aboutissement du cycle romanesque rétivien, tant du point de vue poétique que du point de vue philosophique et moral. L’ouvrage, imprimé dès 1785, mais, en raison des tracasseries de la censure, mis en vente en 1787, se voulait, de l’aveu de son auteur, au niveau des romans de Samuel Richardson et de La Nouvelle Héloïse, du roman gothique anglais et du Cleveland de Prévost, ajoute Testud. Bref il se veut une synthèse d’un siècle d’outrances romanesques. Cette expression paroxystique est emblématisée par le personnage de Gaudet d’Arras, sans aucun doute la figure la plus fascinante de ce roman qui n’en manque pas. Testud en rappelle la généalogie, et en analyse les idées, à partir des grandes lettres qui en exposent la doctrine. La polyphonie épistolaire prévient la tentation d’identifier cette doctrine à la pensée de Rétif. Elle permet, par le croisement des points de vue, une expression contrastée des sujets en débat, amplifiée, dans cette version, par un plus grand nombre d’épistoliers. Enfin elle engage le lecteur à une réflexivité des questions posées, conformément à l’ambition critique des Lumières. Celui qui croit connaître le Paysan redécouvre l’œuvre dans sa version globale. Au gré de la fusion des deux romans, des réagencements qu’elle a rendus nécessaires, mais aussi des nombreux ajouts, surgit un texte radicalement nouveau. On aurait aimé pouvoir visualiser les modifications opérées sur les textes de 1782 et 1785. Il aurait pour cela fallu procurer une table des concordances. Car non seulement la numérotation des lettres est bouleversée, mais la datation est également modifiée. L’éditeur donne toutes ces informations dans les notes de bas de page qui figurent en tête de chacune des lettres. Ces notes, qui reprennent, en les enrichissant, les notes de l’édition Testud de 2002, fournissent, outre un relevé des variantes, des informations de type encyclopédique, et — plus précieux encore — des renvois aux autres œuvres de Rétif. Un autre point fort est la reproduction intégrale des 120 estampes commandées à Louis Binet, et qui, si elles sont vues à la suite l’une de l’autre — ce que permet la table en fin de volume — donnent à l’œuvre la physionomie d’un roman-photo. Ce fut d’ailleurs, nous révèle Testud, l’intention de Rétif que de livrer au public, en un volume d’images agrémenté d’extraits des lettres, le film du Paysan: projet — hélas avorté — d’un auteur passé maître dans l’art d’habiller ses textes et de faire du neuf avec de l’ancien.

Nicolas Brucker
Université de Lorraine
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