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  • Céline, la race, le Juif: Légende littéraire et vérité historique by Annick Duraffour and Pierre-André Taguieff
  • Edward Ousselin
Céline, la race, le Juif: Légende littéraire et vérité historique. Par Annick Duraffour et Pierre-André Taguieff. Paris: Fayard, 2017. 1182 pp.

Le cas Céline n'en finit pas de diviser nettement les critiques littéraires. Il ne s'agit pas dans ce cas de questions esthétiques, mais bien de Louis-Ferdinand Destouches, dit Céline, lui-même: 'génie', 'salaud' ou les deux à la fois? Ceux qui insistent sur le maniement exceptionnellement inventif de la langue française par l'auteur de Voyage au bout de la nuit (1932) ont tendance à minimiser ou à évacuer ses pamphlets antisémites, Bagatelles pour un massacre (1937) et L'École des cadavres (1938), ainsi que son statut affiché en tant que sympathisant de l'Allemagne nazie et collaborateur durant l'Occupation. Annick Duraffour et Pierre-André Taguieff reprennent ce qu'il faut bien appeler le dossier Céline à travers une double approche: Duraffour est critique littéraire (qui a déjà beaucoup publié sur Céline) et Taguieff est spécialiste de l'histoire des idées. À eux deux, ils ont réuni une documentation exceptionnellement détaillée sur le parcours littéraire et politique de Céline. Forts de cette documentation, Duraffour et Taguieff démontrent que Céline a bien été un délateur, a bien fait des dénonciations durant l'Occupation (voir son acharnement à l'encontre de Robert Desnos et du docteur Hogarth). Hitlérien plutôt que fasciste, Céline a préconisé un antisémitisme racialiste à viseé éliminationniste, avant de se reconvertir en négationniste et d'adopter une posture victimaire après la guerre. À l'antisémitisme obsessionnel de Céline s'ajoute son rejet viscéral des valeurs humanistes et démocratiques, son goüt pour la force et pour une violence verbale qui ne demandait qu'à se traduire en actes. Méme sur le plan de l'écriture, Céline s'est abaissé jusqu'à devenir 'un plagiaire pressé et un faussaire négligent'. Le niveau d'abjection de l'individu Céline ne faisant aucun doute, la question qu'il faut poser est celle de son statut littéraire: 'comment cet homme a-t-il pu écrire Voyage au bout de la nuit Cette question nous parât beaucoup plus pertinente que la question inverse, habituellement poseé: comment Céline, l'auteur du justement célèbre Voyage, a-t-il pu écrire ses pamphlets?' (p. 29). Ce renversement de perspective permet de situer l'œuvre du pamphlétaire virulent dans le contexte du renouveau des haines antisémites en France au cours des anneés 1930. Le premier roman de Céline fait ainsi figure d'exception par rapport à l'ensemble d'une production écrite à caractère essentiellement polémique. Se pose alors, pour le lecteur non averti, le problème du décalage radical entre l'admiration pour un roman au style novateur et la détestation de 'l'homme engagé dans le camp hitlérien' (p. 671). Un tel lecteur 'ne peut littéralement pas comprendre que le grand écrivain Céline ait pu être, aussi, ce collaborationniste fanatique' (p. 671). Ce décalage explique en grande partie le malentendu durable entre les inconditionnels de Céline, qui s'en tiennent la 'légende littéraire' qu'il a patiemment élaborée aprés la guerre, et ceux qui cherchent à mieux connaître la 'vérité historique'. Après avoir lu le livre de Duraffour et Taguieff, que l'on connaisse ou non les pamphlets de Céline, il sera difficile de relire Voyage au bout de la nuit de la même faêon. [End Page 596]

Edward Ousselin
Western Washington University
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