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  • L'Évangile du démon: la possession diabolique d'Aix-en-Provence (1610–1611) by Jean-Raymond Fanlo
  • Thibaut Maus de Rolley
L'Évangile du démon: la possession diabolique d'Aix-en-Provence (1610–1611). Par Jean-Raymond Fanlo. Ceyzérieu: Champ-Vallon, 2017. 336 pp.

Longtemps restée dans l'ombre de la possession de Loudun, dont elle constitue à bien des égards le prototype, la possession conventuelle d'Aix-en-Provence n'avait pas encore fait l'objet d'une étude d'ampleur qui rende compte de sa richesse et sa complexité. C'est chose faite avec cette monographie qui en offre un récit complet, des premieres crises de possession diabolique de l'ursuline Madeleine de Demandols jusqu'à l'exécution sur le búcher de Louis Gaufridy, curé marseillais accusé par les possédées d'avoir livré Demandols au diable. Construite autour de la figure passablement inédite à l'époque du prêtre-sorcier, l'affaire d'Aix établit un lien étroit entre possession et sorcellerie. Elle constitue aussi un cas remarquable de confusion des rôles entre juges et exorcistes. Apôtre d'un catholicisme rigoriste, l'inquisiteur Sébastien Michaelis, qui conduit les exorcismes, garde en effet la haute main sur le procès, qu'il met au service d'une refondation de l'Église et d'une resacralisation de la monarchie, avec l'appui du Président du Parlement de Provence, Guillaume Du Vair, sensible à cette 'mystique de l'État' (p. 187). Un des principaux apports de cette étude—qui prolonge en cela le chapitre de Sarah Ferber sur Aix ('The Trial of Louis Gaufridy', in Demonic Possession and Exorcism in Early Modern France (Londres: Routledge, 2004), pp. 70–88)—est de restituer cet arrière-plan idéologique de l'affaire, et de montrer comment celle-ci se retrouve investie d'enjeux religieux et politiques qui semblent parfois dépasser les juges eux-mêmes. Son autre qualité est d'aborder les sources manuscrites et imprimées avec les outils de l'analyse littéraire. Possédées, accusé et témoins se font en effet les récitants d'une fiction collective que l'on consigne par fragments dans les actes du procès et des exorcismes, et qui fournit la trame des réécritures ultérieures de l'affaire (chez François de Rosset, notamment). Jean-Raymond Fanlo analyse ces différents récits avec prudence et minutie, se montrant attentif aux circonstances de leur production, à leurs intentions et variations. Présentee comme un 'théâtre interactif (p. 225), l'affaire tient en réalité davantage du numéro de ventriloquie. Pour l'auteur, il est en effet illusoire de chercher la voix propre des possédées dans des discours qui ne font qu'obéir au script établi par les exorcistes. De la même façon, la confession de Gaufridy ne serait qu'une fabrication des prêtres cornaqués par l'omniprésent Michaelis. La démonstration est convaincante, mais c'est peut-être réduire à l'extrême la marge de manœuvre de ceux—sorciers et possédées—que le pouvoir religieux ou judiciaire plaça malgré eux en position de conteurs. On notera par ailleurs que l'hypothèse d'une influence des écrits du juge Pierre de Lancre sur les descriptions du sabbat consignées dans les actes du procès est contestable (pp. 87, 144 et 194): en 1611, Lancre n'avait encore rien publié sur la sorcellerie, et ces échos doivent done s'expliquer autrement. Ces légers caveats—ainsi qu'une relecture d'épreuves parfois défaillante—n'ôtent rien aux mérites de ce riche Évangik du démon, à la fois érudit [End Page 567] et accessible, qui devrait nourrir durablement l'intérêt des historiens comme des littéraires pour la premiere des grandes affaires de possession du dix-septième siècle français.

Thibaut Maus de Rolley
University Of Cambridge
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