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  • La Table Ronde et les deux cités: pour une lecture augustinienne des cycles arthuriens en prose du XIIIe siècle by Servane Rayne-Michel
  • Michelle Szkilnik
La Table Ronde et les deux cités: pour une lecture augustinienne des cycles arthuriens en prose du XIIIe siècle. Par Servane Rayne-Michel. (Nouvelle Bibliothèque du Moyen Âge, 117.) Paris: Honoré Champion, 2016. 733 pp.

La lecture de La Cité de Dieu peut-elle éclairer la compréhension des romans arthuriens en prose du treizième siècle? Servane Rayne-Michel le pense et en fait le postulat de son livre. Elle rappelle à juste titre que l'œuvre d'Augustin est bien connue tout au long du Moyen Âge et que nombre des motifs qu'elle a forgés ont été largement diffusés, y compris dans la littérature vernaculaire. L'auteur analyse comment les concepts de providence et de prédestination, la question de la liberté de l'homme informent le roman arthurien qui les traduit à sa manière dans les motifs de l'aventure et de la mescheance. Une interrogation est au cœur de la réflexion de Rayne-Michel: le tragique est-il possible si tout est prédestiné? Comment réconcilier providence et liberté humaine, prophétie et sentiment tragique? Pour l'auteur, le roman conserve une marge d'autonomie qui lui permet non pas vraiment de concilier, mais de tenir ensemble deux concepts antagonistes. Le point d'aboutissement des héros arthuriens est leur conversion prévue et attendue, mais située dans un au-delà du roman, alors que celui-ci reste le lieu de la cité terrestre engluée dans le tragique. Le livre de Rayne-Michel s'inscrit dans la lignée des travaux de Jean-René Valette (voir La Pensée du Graal: fiction littéraire et théologie (XIe–XIIIe siècles) (Paris: Honoré Champion, 2008)) et de Michel Zink (voir Poésie et conversion au Moyen Âge (Paris: Presses universitaires de France, 2003)). Il prend en charge un gros corpus: le cycle du Lancelot-Graal, la trilogie du pseudo-Robert de Boron, ainsi que la Suite du Merlin éditée par Gilles Roussineau (Genève: Droz, 1996). Si le livre offre de stimulantes analyses de l'aventure et de la mescheance, on se demande toutefois si les auteurs médiévaux avaient la connaissance directe de l'œuvre d'Augustin que la démonstration leur suppose. Dans son introduction, Rayne-Michel indique du reste que La Cité de Dieu, au Moyen Âge, circulait surtout sous forme de florilège. Si les auteurs se contentent de reprendre des avatars de la pensée augustinienne, pour utiliser le terme de Rayne-Michel, est-il nécessaire d'invoquer Augustin? Le gros livre de Rayne-Michel, publication d'une thèse de doctorat, s'ouvre sur deux cents pages consacrées à l'auteur latin, où il n'est quasiment pas question des romans français. Les cinq cents pages qui suivent, centrées sur les textes médiévaux, relèguent le plus souvent Augustin dans les notes (qui au demeurant prennent des proportions effrayantes). N'est-ce pas le signe d'une difficulté à appliquer la pensée d'Augustin à la littérature arthurienne? Le livre pose un second problème: la lecture, clairement téléologique, de Rayne-Michel suppose une certaine unité du cycle du Lancelot-Graal, voire de l'ensemble du corpus choisi. Elle recourt même à l'idée d'un 'architecte', concepteur du projet (p. 667). Or, peut-on affirmer que tous les auteurs poursuivent le même but, envisagent la même destinée pour les personnages, celle imposée par la Mort Artu? Ce parti pris conduit à élaguer toutes les versions divergentes et à nier le caractère foisonnant et aventureux de l'écriture des cycles. Si le livre peut sembler reposer sur des prémisses discutables, il offre des analyses de détail riches et précises qui en font l'intérêt. [End Page 552]

Michelle Szkilnik
Université Sorbonne Nouvelle—Paris 3
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