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  • L'ambivalence acadienne:discours et identité à l'heure de la Confédération
  • Julien Massicotte (bio)

EN CETTE ANNÉE DE SoN 150e ANNIVERSAIRE, le moment est bien choisi pour réfléchir à la place de la Confédération canadienne au sein de l'imaginaire collectif acadien. Au premier regard, il peut sembler évident que la communauté acadienne perçoive positivement la Confédération, qui coïncide avec l'amorce de la période de la Renaissance acadienne. En effet, le Collège Saint-Joseph de Memramcook est fondé en 1864, le journal Le Moniteur acadien, en 1867. Ces deux institutions, éducative et idéologique respectivement, constituent un premier socle sur lequel se bâtit à l'époque une référence identitaire acadienne fondée sur une variante de nationalisme religieux. Au moment même où les provinces du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse sont entraînées dans la Confédération canadienne, l'Acadie amorce un processus de construction nationale et identitaire; au nation building canadien de la Confédération, les Acadiens ajoutent le leur1.

À cette réalité identitaire, il faut ajouter le fait que d'emblée la Confédération canadienne, comme concept et comme représentation, n'a pas fait consensus ni parmi la population acadienne, ni chez certaines de ses élites à différents moments de son histoire. Rappelons d'abord qu'en 1865 et en 1866 les Acadiens du Nouveau-Brunswick se prononcent contre le projet confédératif2. Lors du centième anniversaire de la Confédération, plusieurs Acadiens dénoncent ses conséquences néfastes sur la communauté acadienne3. Quelques années plus tard, les écrits de l'historien Michel Roy constituent un exemple parmi tant d'autres d'une acadianité qui se définit à l'écart de la canadianité ou en parallèle à celle-ci4. Il faudrait éviter [End Page 143] toutefois de n'attribuer un patriotisme tempéré qu'à la seule communauté acadienne: la perception que la Confédération constitue pour les Maritimes la fin d'un âge d'or est présente jusqu'à un certain point chez les anglophones de la région. Dans le cas des Maritimes anglophones comme pour l'Acadie, force est d'admettre l'existence d'une dualité de référents identitaires, les communautés étant prises entre la référence première à leur communauté régionale et culturelle et une référence secondaire à la société canadienne.

En fait, cette dualité sera au centre de notre réflexion sur la place qu'a occupée la Confédération à l'intérieur de l'imaginaire acadien dans les dernières décennies du 19e siècle. Comment se compare et se mesure, en termes d'importance ou de poids symbolique, la notion de Confédération canadienne naissante au sein d'une « communauté imaginée » alors elle-même au centre d'un processus de construction identitaire dont on mesure encore les traces aujourd'hui? Les deux processus entrent-ils en conflit, sont-ils concurrents l'un avec l'autre, ou encore s'agit-il de deux univers parallèles? La question mérite d'être posée; le Canada français de l'époque offre justement l'exemple d'une communauté qui met en place un discours concurrent sur la canadianité, vers la fin du 19e siècle et au tout début du 20e siècle, incarné notamment par la figure d'Henri Bourassa et l'idée du pacte fondateur entre deux nations que représente la Confédération, une idée s'opposant à un nationalisme canadien-anglais qui a en lui d'importants éléments d'impérialisme britannique5. Ou encore voit-on poindre deux discours parallèles, un nationalisme canadien et un nationalisme acadien, le second se construisant et se développant indépendamment du premier6? Les visées de ce court essai sont bien modestes: il s'intéressera principalement à la place et à l'importance qu'occupe en Acadie la Confédération canadienne, comme représentation sociale, à l'époque de la « Renaissance acadienne », afin de mieux...

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