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Reviewed by:
  • Mauvaise filles : incorrigibles et rebelles by Véronique Blanchard, David Niget
  • Natalie Stake-Doucet
Mauvaise filles : incorrigibles et rebelles
Véronique Blanchard et David Niget
Paris: Éditions Textuel, 2016, 192 p., 39 €

Il va sans dire que ce livre impressionne par son titre, sa taille et les couleurs aveuglantes qui le composent. Après la préface de Michelle Perrot, pionnière de l’histoire des femmes en France, et une introduction des auteurs, le livre se divise en trois temps. Le premier [End Page 556] nous expose les « filles perdues » et couvre la période de 1840 à 1918, les « filles modernes » nous mènent jusqu’en 1965 et les « filles rebelles » voient arriver le 21e siècle. Les trois sections du livre suivent un modèle identique. C’est presque qu’exclusivement à travers des images poignantes et de fascinantes pièces historiques que Véronique Blanchard et David Niget racontent comment, en France, des filles qui n’ont pu supporter le cadre étouffant de normes morales, religieuses et juridiques régissant leur corps et leur esprit ont tenté de s’affranchir. Les deux auteurs sont historiens, Niget enseigne à l’Université d’Angers et Blanchard est responsable du centre d’exposition « Enfants en justice », qui a accueilli l’exposition qui a inspiré le livre. On fait ainsi connaissance avec des prostituées, des fugueuses, des hystériques. Elles veulent écrire, danser, baiser, dessiner en toute liberté. Parfois ce sont des jeunes filles qui ont tenté de fuir un foyer abusif pour tomber entre les mains d’un système politique qui achèvera le travail de les briser. On y comprend que la relative absence des filles par rapport aux garçons dans le système pénal ne signifie pas qu’elles sont libres. Un procès, une peine de prison, c’est réservé aux hommes, car eux sont responsables de leurs actes, alors que les filles et les femmes sont toujours la responsabilité d’un autre. Une femme n’a pas le droit de prendre la parole dans sa défense, et en fait, devant l’autorité paternelle ou l’autorité paternaliste du juge, elle n’a même pas droit à une défense. L’homme qui en est responsable décide unilatéralement de son sort. Être femme signifie être flouée et pervertie, donc le milieu pénal ne suffit pas à redresser un être qui de par sa nature est mauvais. Ainsi, des maisons de redressement, des couvents, des asiles psychiatriques se donnent pour tâche de refaire ces femmes, victimes de leur essence défectueuse, pour qu’elles accomplissent leur destin de faire des enfants pour la patrie. On utilise les châtiments physiques, l’isolement et la médication pour y arriver. Il faut à tout prix tuer le désir de liberté. La photo d’une jeune femme dans une chambre d’isolement dans un hôpital psychiatrique (p. 120) promet de nous hanter bien après qu’on ait fini la lecture. Est-elle internée car elle a été insolente? Car on l’a pris en flagrant délit de plaisir charnel? La psychiatrie s’est longtemps vue complice de la médicalisation des déviances féminines par rapport aux normes de la morale. Il donne froid dans le dos de penser qu’un institut de santé mentale en France porte encore le nom du Dr Charcot. [End Page 557]

Ce livre est à la fois bouleversant et frustrant. Bouleversant car il est facile de s’imaginer cette petite fille qui fugue ou encore la rebelle qui souhaite atteindre rapidement sa majorité dans l’espoir naïf qu’avoir dix-huit ans lui ouvrira la porte de la liberté. On pleure le gaspillage de tels esprits vifs, intelligents et créatifs. On est chaviré par les tentatives délibérées de détruire et contrôler l’intelligence et l’indépendance des femmes par tous les moyens nécessaires. On ne peut s’empêcher de penser à Simone de Beauvoir lorsqu’elle dit : « on ne naît pas femme, on le devient ». Cette citation, que certains diront surutilisée depuis la parution du livre Le Deuxi...

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