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Reviewed by:
  • Jouer la traduction. Théâtre et hétérolinguisme au Canada francophone by Nicole Nolette
  • Mariel O'Neill-Karch
Nicole Nolette, Jouer la traduction. Théâtre et hétérolinguisme au Canada francophone, Ottawa, Les Presses de l'Université d'Ottawa, 2015, 284 p., 39,95$

Le terme « hétérolinguisme » est emprunté à Rainier Grutman, qui, dans Des langues qui résonnent (1997), le définit comme « la présence dans un texte d'idiomes étrangers, sous quelque forme que ce soit, aussi bien que de variétés (sociales, régionales ou chronologiques) de la langue principale ». Nicole Nolette analyse cette présence dans le théâtre franco-canadien depuis 1991, alors que les participants aux États généraux du théâtre francoontarien renonçaient au théâtre nationaliste dans lequel la communauté se reconnaissait et auquel elle s'identifiait. Explicitement, en Ontario, et implicitement en Acadie et dans l'Ouest, le ludisme l'emporte dorénavant sur le théâtre engagé et le bilinguisme s'inscrit au cœur des œuvres. C'est ce changement de cap que François Paré signale en 1999 : « Il est clair que la question du bilinguisme, reflet d'une coexistence exacerbée des deux langues, est une caractéristique remarquable de la production littéraire francophone minoritaire au Canada. Cette gestion dépasse largement la question de la traduction des œuvres […] ; elle tend plutôt à inscrire le traduisible et l'intraduisible au cœur même de la forme et du contenu narratif ou performatif des œuvres. » Nolette va plus loin. Selon elle, lorsqu'une pièce « bilingue » est jouée à Montréal, le français domine, tandis qu'à Toronto, c'est le contraire.

Le premier chapitre, « Jouer la carte de la traduction en territoire franco-canadien », pose les balises théoriques qui sous-tendent cette étude. En ce qui concerne le jeu, l'auteure se fonde sur les analyses de Johan Huizinga (Homo ludens, 1938), Roger Caillois (Les jeux et les hommes, 1958) et de Ludwig Wittgenstein (Tractatus logico-philosophicus, 1922), entre autres, pour conclure que « la traduction peut être… un jeu ». Le plaisir [End Page 422] ludique des pièces bilingues relève d'un « supplément propre aux créateurs et aux spectateurs bilingues ». Elle montre de façon convaincante que « la traduction au théâtre est toujours porteuse de ludisme entre texte et mise en scène, entre littérarité et jouabilité ». Pour enclencher le ludisme, le traducteur a la possibilité d'utiliser « le surtitrage, l'insertion de nouveaux personnages interprètes et la redistribution des répliques », chaque outil ayant ses avantages et ses désavantages.

Dans le chapitre portant sur l'Ouest, soit le Manitoba, la Saskatchewan et l'Alberta, Nolette constate que rien n'est gagné pour ce jeune théâtre, sauf que le ludisme est de la partie. La pièce de Marc Prescott, Sex, lies et les Franco-Manitobains, présentée pour la première fois en 1993, lui sert d'exemple. La quatrième de couverture de la pièce, de l'édition parue en 2013, nous apprend que depuis sa première publication en 2001, la pièce, « devenue l'œuvre de Marc Prescott la plus étudiée dans les départements de lettres à travers le Canada […], est à la fois une critique virulente de la communauté francophone et une métaphore cinglante de ce qu'on a voulu voler à la langue et à la culture des Franco-Manitobains ». Le bilinguisme, tel que l'entend l'auteur, permet à ELLE et à LUI de se moquer de HIM, un cambrioleur unilingue anglophone qui boit une bière devant ses deux otages ligotés : « LUI : […] C'est ça. Bois-la ta bière, maudit insignifiant de trou de cul […]. HIM : French is such a beautiful language. » Lors d'une production en 2009, un des surtitres avait pour but de rassurer les spectateurs qui ne comprenaient pas tout : « (If you don't understand what this guy is saying, don't worry—Neither does 50 % of the rest of the audience.) This message brought to you by your friendly neighbourhood surtitle. » Plutôt que de traduire, le surtitre s'adresse directement au public bilingue...

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