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Reviewed by:
  • Une idée de l'université. Propositions d'un professeur militant by Michel Seymour
  • Hans-Jürgen Greif
Michel Seymour, Une idée de l'université. Propositions d'un professeur militant, Montréal, Boréal, 2013, 205 p.

Dans la revue Relations (no 760, novembre 2012), Thomas Chiasson-LeBel et Benoît Coutu ont clarifié la signification du carré rouge adopté par les grévistes et leurs sympathisants pendant le Printemps érable : « [I]l est devenu le symbole du droit, voire du devoir de se soulever collectivement contre un gouvernement corrompu qui promeut un modèle de développement inique. Ce même modèle qui enrichit les compagnies privées à l'aide des ressources collectives et appauvrit la population tout en réduisant l'accès à l'éducation, brimant ainsi un droit durement gagné. […] Les étudiants] se soulèvent pour l'éducation d'abord, mais aussi contre le type de société que nous ont imposé le gouvernement Charest et ses prédécesseurs depuis si longtemps. » Dans leur commentaire, les auteurs devancent en grande partie, et sur une page, les propos de Michel Seymour dans son essai paru au début de 2013.

Disons d'emblée qu'il ne s'agit pas d'un brûlot, mais d'une analyse en profondeur des causes de la grève. Michel Seymour, professeur de philosophie à l'université de Montréal, s'appuie essentiellement sur les réflexions du « grand théoricien [américain] de la justice John Rawls » (1921–2002) dont une dizaine d'ouvrages ont été traduits en français. L'auteur fait siens les principes énoncés par Rawls dans A Theory of Justice (1971), surtout celui de la « juste égalité des chances » ainsi que celui de la « différence », qui reconnaît la présence de certaines inégalités socioéconomiques, pourvu qu'on s'assure qu'une plus grande richesse soit distribuée aux moins bien nantis. Cependant, Seymour retient surtout [End Page 384] le premier principe qui comprend l'ensemble d'institutions d'éducation auxquelles tous auront accès. Il soutient que « ceux qui ont des capacités et des talents semblables devraient avoir des chances semblables dans la vie ». Il nous invite à imaginer l'université comme un système « hybride », servant d'un côté le peuple et de l'autre, les intérêts personnels.

Depuis les années 1980, et un peu partout dans le monde, les universités ont adopté la voie de l'entrepreneuriat, ce qui est le contraire d'une institution capable d'accueillir des étudiants dans toutes les disciplines majeures. Cependant, comme on sait, elles ont changé leur orientation d'origine afin de satisfaire ceux qui les considèrent comme détentrices d'un produit de luxe, livré au prix fort, et nécessaire à atteindre leur but, celui d'une carrière promettant des revenus élevés. À preuve : en 1979, 84 % des budgets universitaires provenaient de sources gouvernementales, contre 12 % des droits de scolarité. Trente ans plus tard, on était passé à 58 et 35 % respectivement. Nous faisons désormais partie d'une société où l'économie est dominée par des technologies nouvelles réclamant de constantes innovations. L'université fait partie de « l'économie du savoir » où le diplôme devient une marchandise dont le prix est en hausse constante. Que la valeur de ce diplôme soit à la baisse ne vient pas à l'esprit de ces clients qui se demandent pourquoi bon nombre de finissants ont du mal à trouver un emploi correspondant à leur formation. Pour les administrateurs universitaires, augmenter sans cesse la clientèle doit être perçu comme un signe de productivité : les universités sont devenues non seulement des usines à diplômes, mais des entreprises gérées par des gestionnaires qui n'ont jamais fait carrière comme chercheurs et dont le salaire correspond à celui de l'industrie privée. Ces gestionnaires cherchent à « fidéliser » leurs clients : entre 2007 et 2012, les universités québécoises ont dépensé 80 millions de dollars en campagnes publicitaires. Dans cette économie du savoir, la recherche autonome et libre est en forte perte de vitesse auprès des organismes...

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