Résumé

L’introduction des dispositifs numériques tactiles dans les espaces culturels tels que les musées ou bibliothèques implique des changements de manière progressive à la fois dans la manière d’appréhender le territoire spatial de ces lieux, les modalités de médiation des collections présentes ainsi que les activités professionnelles liées. Dans ce contexte, nous présentons les premiers résultats d’une recherche-action menée à la Bibliothèque municipale de Lyon portant sur l’appropriation professionnelle de dispositifs mobiles et tactiles en vue de favoriser à la fois la diffusion de la culture numérique auprès de tous les publics, mais également d’expérimenter de nouveaux services.

Abstract

The introduction of tactile digital devices in cultural spaces, such as museums or libraries, involves gradual changes in both how to approach the spatial territory of these places, the modalities of mediation of the present collections, and the connected professional activities. In this context, we present the first results of an action research conducted at the Municipal Library of Lyon on the use of mobile and touch devices by professionals to encourage both the dissemination of digital culture among all users and experimentation with new services.

numérique, interaction, usage en contexte, bibliothèque, médiation, tablette tactile

Keywords

Digital technology, interaction, use in context, library, mediation, touchpad

Introduction

Bibliothèque autre temps, autre lieu. . .

La société numérique a quelque peu modifié les paysages des lieux de l’information et plus particulièrement la bibliothèque, l’exemple en étant l’aménagement au sein de la bibliothèque d’espaces dits « numériques ». L’ensemble de l’offre numérique des bibliothèques s’organise autour de trois éléments fondamentaux : l’accès (espace numérique dédié), les ressources disponibles et les services traduisant un accompagnement à l’appropriation d’une culture numérique. Ainsi, la [End Page 70] prise en compte par la bibliothèque de cette évolution est bien effective, elle montre les capacités de cette dernière à s’adapter aux mutations sociétales en matière d’usage du numérique. Servet (2009) cite une série d’initiatives lancées par les bibliothèques du nord de l’Europe qui font de ces lieux du savoir également des lieux de sociabilité et d’expériences de vie : « de même que les magasins se muent en espaces de loisir et cultivent le retailnment (amalgame de retail : commerce et entertainement : divertissement), les bibliothèques cultivent l’infotainment (contraction d’information et entertainment) ou l’edutainment (association d’education et d’entertainment » (Servet 2009, 56). En France, cette notion est souvent reprise par le terme « expérimentation ». Elle fait référence à des initiatives qui consistent à tester des offres de nouveaux services numériques avant d’envisager leur pérennité.

Toutes les bibliothèques n’ont pas vocation à mettre en place des expérimentations foisonnantes. Le plus souvent, les expérimentations provisoires sont intrinsèques au service et à l’outil, elles ont donc une temporalité variable. Selon les cas, elles peuvent, soit avoir valeur de tests par des opérations limitées sur une période courte, soit être totalement intégrées à un portail ou au site. Tout dépend au final de la nature du service offert au moyen de l’outil sélectionné.

L’expérimentation est suscitée par l’évolution des besoins, mais s’explique également par des raisons conjoncturelles. Il faut surprendre l’usager tout en exploitant la capacité de celui-ci à nouer des contacts également avec les services de la bibliothèque et les offres documentaires tout comme les services dédiés.

Les missions des bibliothèques sont donc multiples et parfois contradictoires. Certaines opèrent un choix entre ces différentes priorités, mais la plupart conservent une pluralité de rôles, à la fois documentaire, patrimonial, culturel, pédagogique et social. Leur ouverture à des publics divers en fait des lieux de rencontre et de convivialité qui avec l’universalité de leurs collections, leur donne une dimension symbolique [. . .].

(Melot 2008, 31)

Aujourd’hui, les bibliothèques, quel que soit leur statut (municipale, universitaire, patrimoniale, etc.), allient à la fois aspect architectural, ergonomie des lieux, ouverture des espaces de ressources documentaires aux espaces d’activités ludiques ou « expérimentales ». Elles tiennent ainsi compte de cette dimension humaine que Michel Melot évoque dans son idéal de bibliothèque, mais la question se pose de savoir si le numérique permet aux professionnels de la bibliothèque de continuer à participer à l’accompagnement et surtout de maintenir du lien social.

Notre étude s’inscrit dans ce contexte de mutations des formes de médiations à l’intérieur des lieux d’information. Elle cible plus particulièrement la mise en place d’expérimentations d’usages de tablettes en contexte par la Bibliothèque Municipale de Lyon (BM de Lyon).

Genèse du projet (juillet 2014)

Avant toute considération de la formulation des « problèmes » inhérents à la mise en place des ateliers d’animation de la BM de Lyon, il convient de revenir à la [End Page 71] genèse du projet pour cerner la dynamique de recherche dans un contexte d’interaction mixte entre chercheurs et professionnels.

Le point de départ est un cadre de réponse à un appel à projets émanant du Ministère de la Culture et de la Communication et intitulé « Services numériques culturels innovants » en date de juillet 2014. Cet appel à projets visait à « [. . .] identifier des expérimentations grand public, innovantes, visibles et valorisant des contenus culturels numériques2. » Il a constitué le point de démarrage d’une réflexion sur une technologie numérique innovante : la tablette en secteur jeunesse, un des deux axes prioritaires retenus par l’appel à projets (avec le secteur du tourisme culturel). À notre initiative3, nous avons rencontré en juillet 2014 les représentants du Département Jeunesse de la BM de Lyon afin de discuter d’un partenariat de recherche4 sur l’usage en contexte des tablettes. Cette rencontre a permis à la BM de Lyon de mettre en exergue un certain nombre de besoins concernant la formalisation de l’exploitation des tablettes et de leurs contenus dans le cadre d’animations numériques qui étaient mises en place de manière expérimentale depuis le printemps 2013.

Formulation des problèmes réels identifiés par les bibliothèques (juillet – août 2014)

En recherche-action, l’objet sur lequel porte l’attention du chercheur ne relève pas seulement de préoccupations purement théoriques, mais d’une réalité identifiée par une certaine communauté d’acteurs qui pose problème ; elle peut être définie comme un « [. . .] projet caractérisé par l’articulation nouvelle d’une science et d’une pratique d’intervention » (Mayer 2000, 291). Mayer (2000, 293–294) précise que « la demande [en matière de recherche-action] doit être formulée à partir des problèmes réels et non posée par hypothèses. »

Choix des applications et nature des interactions avec les publics

En France, depuis l’inclusion des tablettes en secteur jeunesse dans les bibliothèques, ces dernières rencontrent des difficultés à sélectionner des applications de qualité et adaptées aux publics visés. Ces difficultés sont liées à l’émergence du secteur des éditeurs d’applications qui doivent organiser leurs offres (création numérique, catégorisation des besoins d’apprentissage et de divertissement, modalités de lecture numérique) et répondre aux attentes des différents types de publics (familiaux, enfants, seniors). Ces difficultés engendrent un certain nombre de questionnements de la part des professionnels, en effet, l’application est par nature un dispositif interactif qui nécessite, au moment de la sélection, de se projeter dans un cadre d’interaction adapté au public : comment identifier les éditeurs de qualité ? Quelles applications choisir pour les différents publics ? Quelles applications choisir selon les types d’animations envisagés ?

Modulations des formes de médiations en bibliothèque

De nombreux auteurs (Couzinet 2009 ; Liquète 2010 ; Liquète, Fabre et Gardiès 2010 ; Fabre 2014 ; Calenge 2015 ; Rouzé 2010) parlent aujourd’hui des médiations et non plus uniquement de la médiation documentaire. Ces [End Page 72] médiations se caractérisant par le fait qu’elles s’appuient à la fois beaucoup, mais non exclusivement, sur des dispositifs techniques, ainsi que sur des repositionnements et des ajustements de l’activité professionnelle engagée. Ces médiations diverses ont également impacté le changement de regard des usagers et du personnel sur le fonds documentaire (complémentarité ou opposition du papier et du numérique). En conséquence se pose le problème, du point de vue des bibliothèques, de la mise en adéquation de l’offre de médiation avec leurs ressources selon les publics et selon les types de contenus numériques ou non.

Formulation des objectifs de la recherche compte tenu des problèmes identifiés (août – octobre 2014)

Au regard des problèmes formulés par les bibliothèques, deux axes principaux structurent notre questionnement.

Axe des services numériques dits innovants

L’introduction des dispositifs numériques mobiles dans les bibliothèques amène à nous interroger de manière critique sur le concept d’innovation ouverte (Duval et Speidel 2014), afin d’éclairer la notion d’innovation appliquée aux usages et aux pratiques d’écrans en mettant à contribution les usagers. Il s’agit en fait d’accompagner les bibliothèques5 dans leur réflexion sur les offres à proposer à des publics dont certains ont acquis des compétences numériques depuis l’émergence du web social et d’autres moins. De ce fait, la bibliothèque en réponse à une demande institutionnelle est amenée à reconfigurer son offre en tenant compte de la fracture numérique dans toutes ses dimensions (sociétales, intergénérationnelles, géographiques). Cet axe recouvre les processus de sélection des applications en tenant compte des dimensions ergonomiques et interactives d’une part, des projections des formes de médiations possibles et des capacités des enfants à lire, à comprendre, à manipuler et à interagir avec l’écran d’autre part.

Axe des formes de médiations numériques et interactions

Le contexte d’intégration des tablettes en bibliothèque pose la question des formes de médiation possibles en situation d’animation et leur efficacité, formes qui incluent les différents modes d’accompagnement et d’encadrement des animateurs.

Tablettes en bibliothèques : état de la question

Dans une étude datant de 2008 sur les pratiques culturelles des Français, Olivier Donnat explique que :

[. . .] les bibliothèques et médiathèques ont connu un léger tassement de leur fréquentation qui fait écho à celui enregistré sur le plan des inscriptions : 28 % des Français s’y sont rendus au moins une fois au cours des douze derniers mois, contre 31 % onze ans plus tôt, ce qui semble indiquer que la progression des usagers non-inscrits, qui avait été forte dans les années quatre-vingt, s’est interrompue au cours de la dernière décennie.

(Donnat 2009, 9) [End Page 73]

La question de la fréquentation des bibliothèques par le public a amené les professionnels à s’interroger sur la légitimité sociale des lieux. Marie-Christine Jacquinet met ce point en avant :

[. . .] En effet, faut-il rappeler le contexte morose sur l’avenir de ces équipements [en bibliothèques] ? [. . .] La phase de transition et de changement qui gouverne actuellement leurs environnements s’accompagne de bouleversements profonds et donc de questions essentielles : qu’est-ce qu’une bibliothèque ? Que doit-elle devenir ? Vers quoi doit-elle évoluer ?

Afin de répondre à ce défi, deux pistes ont été envisagées par les bibliothèques, la première consiste à revoir le concept de bibliothèque à la fois comme lieu et usages du lieu. Ceci amène à revoir sa manière d’appréhender sa relation avec l’usager. La deuxième piste concerne l’innovation comme levier de changement en bibliothèque.

Concernant la représentation des lieux, Poissenot (2015) met en avant la fin d’un modèle traditionnel de fonctionnement des bibliothèques, correspondant au modèle de soumission de l’usager à l’institution prescriptrice (modèle restrictif en matière d’accès aux collections, aux ouvertures des lieux, nombre de prêts, etc.). Ce schéma est remis en cause par le numérique, de fait, il ne s’agit plus de proposer un fonctionnement verticale dans la relation avec l’usager mais plutôt horizontale en tenant compte des pratiques contemporaines des usagers en matière de culture et d’information. Dans ce cadre, l’usager revendique autonomie et singularité (modèle ouvert basé sur l’échange, la communication multiple, usages multiples des lieux, prêt illimité, etc.). Catherine Lalonde et Vincent Larin soulignent également ce changement dans un article intitulé « Du livre au lieu : la fréquentation est en nette hausse au Québec ». Ils pointent du doigt le fait que :

On allait traditionnellement à la bibliothèque pour emprunter des livres. Maintenant, on y va de plus en plus. . . pour le lieu lui-même ! [. . .] Un constat qui traduit le nouveau rôle des bibliothèques, devenues des lieux de rencontre plutôt que des endroits de conservation et de prêts de documents.

De plus en plus de gens y vont donc sans repartir avec un livre sous le bras.

Ainsi, fréquentation ne signifie pas emprunt de document. Failla (2015) explique que les changements dans les pratiques de lecture dans les bibliothèques sont corrélés à la manière d’utiliser différemment l’espace bibliothèque dans sa globalité, ainsi en tant que « lieu social : on se rend moins en bibliothèque pour utiliser les documents, mais plus pour utiliser les espaces » (Failla 2015, 145). Selon, Claude Poissenot, jusqu’ici, cette question de la fréquentation et de l’usage des bibliothèques n’a pas été posée, car le public était imaginé et idéalisé, jusqu’au moment où la question du quantitatif et la justification de ces équipements culturels a conduit les professionnels à envisager d’une manière différente la légitimité de la bibliothèque : « L’accent mis sur la fréquentation renvoie ainsi non à une mesure a posteriori des résultats d’une offre mais à la conception du public comme point de départ de la réflexion sur les services. » (Poissenot 2010, 71) [End Page 74]

Certaines bibliothèques n’hésitent pas à jouer de la notion de rupture dans l’aménagement de l’espace, ainsi la bibliothèque publique de Vancouver – qui est aussi la plus grande bibliothèque de la Colombie britannique au Canada – a décidé d’aménager les deux derniers étages de l’immeuble en un grand espace vert, ponctué par un parcours de lecture de neuf histoires sur la ville, ainsi que des lieux de restauration (Kozlowski, 2013). Si ce projet joue la carte de l’innovation, il convient toutefois de s’interroger sur cette notion de rupture dans des lieux empreints d’histoire patrimoniale importante tels que la bibliothèque : jusqu’où et comment le lieu de savoirs doit- il aller pour drainer des publics ? La réponse est sans doute donnée par Yvan Filion directeur des Bibliothèques de Montréal au Service de la Culture : « Il faut dire que les bibliothèques ellesmêmes aspirent à devenir ce “troisième lieu” [. . .] qui offre aussi des services et des espaces. “Ce n’est pas juste la vision qui se transforme, mais aussi l’utilisation que les citoyens font de leurs bibliothèques” » (Lalonde et Larin 2016). D’ailleurs, Failla (2015) met en perspective cette notion de fréquentation du lieu bibliothèque expliquant que « [. . .] d’un côté le même espace est partagé par plusieurs usagers qui font simultanément des choses différentes et, de l’autre côté, plusieurs catégories d’usagers pratiquent les mêmes activités dans des espaces architectoniques différentes. » (Failla 2015, 145)

Christelle Di Pietro souligne, pour sa part, que ces problématiques de fréquentation des structures culturelles et d’exploitation par le public de ces immenses fonds documentaires ont conduit les bibliothèques à s’inscrire dans une dynamique d’innovation afin de réfléchir en effet sur des services dits innovants. Elle cite cinq points en ce sens :

  1. [. . .] 1 La demande et les besoins des usagers des services publics évoluent.

  2. 2. Le secteur public doit faire face à la diffusion de méthodes et de processus issus du secteur privé qui le poussent à réviser les siens.

  3. 3. La pression financière accrue contraint l’administration soit à une réduction de ses moyens, soit à leur redéploiement efficace et innovant.

  4. 4. Un management de l’innovation efficient permet de motiver les collaborateurs, et constitue sans doute la meilleure école de management pour gérer les publics.

  5. 5. La capacité à innover de l’administration apparaît comme un facteur de compétitivité et d’attractivité de notre territoire. (Di Pietro 2015, 41–42)

Une compilation des actions innovantes réalisée par Alain Duperrier6 de la BM de Limoges en 2003 montre que l’innovation n’est pas que technologique, elle peut aussi concerner les services et/ou la gestion. C’est une approche de l’innovation assez conceptuelle basée sur le mode incrémentation, imitation, mutualisation avec des partenariats peu communs. Dans le projet numéro 5 intitulé « pratiques innovantes », 24 fiches ont été recensées et mises en visibilité sur le site avec une évaluation visible pour chaque fiche/action.

Matt Enis écrit en 2015, dans un journal dédié aux bibliothèques, que la bibliothèque municipale de la ville de Boise dans l’État du Montana, aux États-Unis, a misé en 2011 sur l’acquisition de quatre iPad ainsi que divers matériels périphériques pour augmenter l’interaction entre le personnel de la bibliothèque [End Page 75] et les usagers en donnant aux bibliothécaires les outils qui les amènent à passer de l’autre côté de leur bureau d’accueil. En conséquence, les bibliothécaires ont personnalisé les tablettes avec des applications pour faciliter le temps du conte et autres événements du service jeunesse. Ils utilisent également la tablette pour le reste de leur activité professionnelle au sein de la bibliothèque.

Marie D. Martel note, dans son blogue intitulé Bibliomancienne, que la tablette est envisagée comme une technologie de rupture dans ces lieux bibliothèques : elle évoque l’expression expérience bibliothèque pour souligner qu’après une série d’expérimentations diverses et de postures réflexives de la part de professionnels sur l’utilité de ces objets dans l’activité bibliothèque, le positionnement devient plus stratégique avec des services ciblés et des scénarios d’usages définis :

L’essor des tablettes en bibliothèque se décline maintenant à travers un registre assez large de services : accès aux technologies numériques, prêt de tablettes sur place ou en prêt externe, libre-service, utilisation dans les activités et la formation, applications de bibliothèque pour la découverte de contenus exclusifs, applications éducatives (littéracie numérique, emplois, etc.), sélections de livres et de jeux, lecture de livres interactifs à voix haute pour les jeunes, valorisation thématique des ressources, stations de travail, kiosques de iPad pour les actualités, bars à informations à l’aide de tablettes, etc.

Ainsi, partout se pose la question de savoir si ces outils tablettes peuvent jouer le rôle de levier pour la mise en place de services numériques dits innovants ?

Nous notons pour notre part que les points de vue sur la manière d’appréhender les usages et l’exploitation de ce dispositif tactile diffèrent quelque peu entre les continents. Ainsi, en France, la tendance est très orientée sur l’accompagnement dans des temps et des actions ciblés (Fourmeux 2014), notamment en interne (atelier d’initiation à l’usage de la tablette, atelier animation pour les enfants, atelier artistique et créatif), alors qu’au Canada la plupart des scénarios (Martel 2015) envisagent à la fois une exploitation en interne (atelier découverte, créatif, narration conte numérique), mais également hors des murs avec la découverte de la ville, du patrimoine, des services de proximité, etc. Il est ainsi envisagé une hyper-connexion grâce à la tablette en imaginant des exploitations et usages mobiles des ressources numériques notamment à travers le développement de collections numériques.

Dans ces modèles de services numériques qui se déploient, c’est bien de la dimension participative dont il s’agit. En effet, il faut attendre février 2015 pour voir une médiathèque française (dans le Jura) proposer des prêts iPad à ses lecteurs abonnés7.

L’introduction de la tablette en bibliothèque a amené certains chargés du numérique ainsi que des animateurs numériques à adopter une posture réflexive dans leur travail. Ainsi surgissent de nombreux blogues personnels8 qui paraissent prendre la forme de restitution d’expériences de terrain permettant la valorisation d’initiatives de projets professionnels avec le numérique. Ces retours d’expériences en mode réflexif révèlent un besoin, celui de mettre en visibilité [End Page 76] des services numériques en expérimentation. Pouvons-nous comprendre ainsi que les blogues de ces personnels « novateurs » sont une forme de demande de reconnaissance professionnelle9 ? En tous les cas, ces blogues mettent en avant les difficultés de créer une émulation ou un essaimage de ces initiatives à l’intérieur même de l’organisation, d’où l’élargissement de l’auditoire en dehors de l’organisation.

En effet, ces services numériques dits innovants conduisent à se poser la question des modalités quant à leur mise en œuvre : comment les professionnels de la bibliothèque présentent-ils ces services et quels types de relations s’instaurent avec les publics dans cette nouvelle configuration ? Il convient de s’interroger ici sur l’un des éléments qui nous semblent essentiels à savoir la question de la médiation, activité phare de la bibliothèque dans sa relation avec les publics.

Ancrage théorique

Médiation ou médiations

Le Dictionnaire encyclopédique des sciences de l’information et de la communication (Lamizet 1997) définit la médiation comme « une instance qui assure dans la communication et la vie sociale, l’articulation entre la dimension individuelle du sujet et de sa singularité et la dimension collective de la sociabilité et du lien social ». Liquète (2010, 19) explique le spectre large de cette notion :

L’accompagnement de l’Autre mis en œuvre par des actions de médiation peut amener ce dernier à vivre des situations jusqu’alors non envisagées, voire qui lui sont totalement inconnues. Ce qui veut dire que la médiation propose au récepteur une lecture différente d’une situation ou d’un problème, le dégageant de ses habitudes et des manières de faire.

Certains auteurs (Régimbeau 2011 ; Liquète 2010) inscrivent cette notion dans une approche historique et d’usages. Ainsi, la médiation explique (Régimbeau 2011, 73) :

[. . .] est l’un des concepts fondateurs des sciences de l’information et communication. Son emploi dépassant les acceptions théologique, philosophique, et sociojuridique qui furent les siennes, durant des siècles, a essaimé dans les champs les plus divers notamment dans les études des médias, et s’est substitué, plus ou moins définitivement à des notions créées pour les domaines de l’enseignement, de l’éducation populaire, ou de l’animation socioculturelle. La désignation de ces formes appelle un complément l’adjectivant pour être située plus exactement : médiation internationale, médiation politique, juridique, sociale, culturelle, ou bien médiation muséale pédagogique, informationnelle, documentaires. Il semble que progressivement la compréhension de chaque action humaine, se développe en distinguant en elle une dimension se rapportant à la médiation.

Pour autant, cette notion n’a pas une acception purement SIC, elle a une histoire et des acceptions diverses. Ainsi Jeanneret et Le Tallec (2005, 106) font un résumé rapide de la présence de la médiation dans divers domaines : de ses origines religieuses (les anges et les prêtres sont médiateurs entre Dieu et les fidèles) et juridiques (la médiation est la tentative de conciliation dans un procès) [End Page 77] le terme conserve plusieurs de ses valeurs : évoquant une image topologique (le médium, c’est le milieu entre deux points), il peut comporter l’idée d’intermédiaire (la communication passe par des objets et des agents), de compromis (le social procède d’une entente), de travail (la culture procède de transformations).

Dans son ouvrage sur les médiations, Liquète (2010, 11) pose la question de la définition de ce terme :

La médiation peut se définir comme la recherche du lien entre l’énonciateur et le récepteur. Ce lien s’établit, grâce à une tierce personne et/ou un ensemble techniques, d’outils, de messages ou d’interfaces accompagnant le récepteur (usager, client, citoyen) afin de lui faciliter la compréhension par la construction du sens, pouvant se solder par un changement (d’actions, de représentations, etc.) de sa part. La médiation associe et concilie deux parties jusqu’alors distantes, se méconnaissant, voire en conflit en rétablissant la communication. [. . .] la médiation ne constitue pas uniquement une transmission, c’est aussi un lieu où se rencontrent le collectif et l’individuel, les diverses institutions et leurs publics s’appuyant sur des imaginaires collectifs.

Dans le cadre de la bibliothèque, notre terrain et objet d’étude, trois types de médiation opèrent.

Le premier type concerne la médiation du livre/médiation de l’information ou médiation documentaire. Elle vise à faire du professionnel la personne ressource pour les usagers afin de favoriser l’accessibilité aux ressources documentaires et (pour les bibliothèques de lecture publique) promouvoir la lecture, c’est également le discours des professeurs documentalistes dans les établissements scolaires. Ainsi, certains auteurs tels qu’Allouche (2007, 74) définissent la notion de médiation du livre

[. . .] comme une démarche professionnelle ou citoyenne qui consiste à organiser des rencontres autour des écrits, et des livres en particulier, en sollicitant la participation active des bénéficiaires. Pour cela, elle met en place une dynamique de lien ternaire (médiateur/écrits/médiant), à travers un projet qui vise une égalité capacitaire de fait vis-à-vis de la lecture et de l’écrit, pour contribuer au pouvoir de lire de tous et réduire la distance sociologique entre des « non-lecteurs » ou des lecteurs potentiels et l’offre des institutions culturelles.

Le deuxième type renvoie à la médiation sociale, cette interaction avec l’usager place la bibliothèque comme point central dans la cité comme lieu de socialisation et d’inclusion sociale pour divers publics (handicap, malades, personnes en prison, etc.).

Et enfin, une troisième médiation concerne l’aspect culturel, il s’agit de politique culturelle de la bibliothèque et des partenariats avec les autres structures culturelles de la cité : rencontre avec des artistes, concert, projection de film, mise en place d’expositions, etc. C’est également une manière d’ouvrir la culture à toute la population.

La société numérique actuelle place la bibliothèque au coeur d’importants enjeux sociétaux, notamment celui de l’accompagnement des publics à l’appropriation des compétences techniques. Il s’agit ici d’amener ces publics vers une autonomie plus importante en matière de compréhension de l’univers informationnel numérique. De plus, devant le renouvellement incessant de ce secteur, la [End Page 78] bibliothécaire est amenée à accompagner les usagers dans l’acquisition de grilles de lecture de cet univers informationnel qui leur permet d’être le plus autonomes possible et de développer une adaptabilité pertinente face à ces innovations technologiques. Ainsi, l’activité de médiation est revue et adaptée à la lumière de ces changements, dans ce contexte, les professionnels sont ainsi invités à envisager un renouvellement des formes de médiation incluant bien évidemment la médiation numérique.

En effet, il convient de tenir compte de l’environnement complexe dans lequel se trouve aujourd’hui la bibliothèque de lecture publique. Il faut pouvoir comprendre les mutations qui s’opèrent dans la société à travers les comportements informationnels élargis des usagers sans pour autant voir en cela une acquisition en compétences informationnelles affirmée chez ces usagers. En outre, l’inclusion des technologies tactiles bouscule l’espace physique et la manière dont les professionnels doivent désormais déployer leur rôle de médiateur. Que peut bien changer la médiation avec un dispositif numérique tactile ? Quelles peuvent être les contraintes à l’intérieur de l’organisation bibliothèque ? Ces contraintes peuvent-elles s’assimiler à des freins pour le déploiement des usages numériques ? Comment se construit cette médiation ? Avec quelle(s) marge(s) de liberté par rapport à son public cible ?

Médiation ou animation ?

Depuis quelque temps, nous voyons émerger la notion de médiation numérique selon (Mercier 2016 : paragraphe 2) :

La médiation numérique est une démarche visant à mettre en œuvre des dispositifs de flux, des dispositifs passerelles et des dispositifs ponctuels pour favoriser l’accès organisé ou fortuit, l’appropriation et la dissémination de contenus à des fins de diffusion des savoirs et des savoir-faire.

De nombreux écrits professionnels (notamment Mercier 2016 ; Galaup 2012 ; Dujol 2013; Calenge 2015 ; Bertrand 2013) font le point sur la notion de médiation numérique en bibliothèque en mettant en avant ce rôle de passerelle que peut avoir le dispositif sociotechnique entre le professionnel et l’usager à travers d’importantes sollicitations d’interactions.

Nous notons pour notre part que la définition proposée par Mercier tend à s’aligner sur un renouvellement de la médiation documentaire, mais elle tient toutefois compte des changements opérés dans l’univers infodocumentaire avec ce passage du document au flux d’information. L’auteur souligne également l’importance prise par le volet diffusion et communication dans cet univers numérique de plus en plus social. Comme le met en avant (Accart 2013) : « La médiation numérique nous amène à parler du Web social, car la médiation numérique se développe depuis l’apparition du web social [. . .]. »

De nombreux auteurs (Proulx 2008 ; Cardon 2011 ; Stenger et Coutant 2011) évoquent l’impact des réseaux sociaux sur la manière de concevoir dans le dispositif sociotechnique la relation et les interactions avec l’usager. Par exemple, Frédéric Cavazza (2009) explique que « les médias sociaux désignent un ensemble [End Page 79] de services permettant de développer des conversations et des interactions sociales sur Internet ou en situation de mobilité10 ». Renouveler les modalités de communication et d’interaction avec l’usager, reviendrait donc également à renouveler la médiation. Dans le contexte des bibliothèques, la médiation numérique inciterait ainsi à revisiter les modalités communicationnelles et interactionnelles avec les usagers en mettant en avant le catalogue. Il s’agit bien là de revoir la médiation documentaire en incluant la participation des lecteurs au catalogue à travers la reprise d’éléments du web participatif, modifiant ainsi les espaces d’interaction avec l’usager. La bibliothèque devient participative ou incitative. Se pose alors toute une série de questions au chercheur : pouvons-nous alors inclure dans la médiation numérique la médiation des dispositifs tactiles comme la tablette ? Quel(s) service(s) numérique(s) dit(s) innovant(s) peut/peuvent surgir de tels dispositifs sociotechniques ? Mais alors pourquoi les professionnels parlent-ils d’atelier ou d’animation quand il s’agit de médiation numérique sur support mobile ou fixe, que celle-ci concerne de la formation à un programme informatique particulier ou de la manipulation sur iPad ? L’animation ou l’atelier en bibliothèque relève d’une activité d’interaction directe avec les usagers dans des situations bien définies et préparées dans le temps avec des objectifs sans doute identiques, mais qui s’inscrivent la plupart du temps dans une modalité ludique et/ou divertissante : « apprendre en s’amusant » ou en « se divertissant » comme le rappelle à juste titre le personnel de l’espace jeunesse de la BM de Lyon à propos des Goûters d’iPad.

Méthodologie de recherche : terrain, protocole, méthode d’analyse qualitative, outils de collecte des données

Au plan méthodologique, l’élément « terrain » est bien évidemment fondamental, car il constitue une richesse en matière de ressources d’informations observables et analysables qui va induire un protocole de recherche et une méthode d’analyse spécifiques et l’élaboration d’outils de collecte des données adaptés.

Spécificité du terrain étudié

Notre recherche-action combine un socle de situations impliquant des acteurs issus d’univers très diversifiés : des professionnels qui n’ont pas tous ni la même formation, ni les mêmes profils métiers, ni les mêmes missions ; des usagers issus de la société civile parmi lesquels des parents et des enfants, mais aussi des publics spécifiques (seniors, personnes en situation de handicap) qui ont aussi des spécificités de pratiques informationnelles propres ; des institutions culturelles qui travaillent en collaboration avec les professionnels. Nous avons à observer tous ces acteurs à la fois en situation d’interaction, mais aussi en situation d’interactivité avec le dispositif technique constitué des tablettes.

Protocole de recherche

La mise en place de notre étude d’observation dans le réseau des bibliothèques de Lyon (octobre à décembre 2015) porte donc sur l’intégration et l’utilisation du numérique – et particulièrement des tablettes – dans les projets d’animation de la BM de Lyon à destination des jeunes publics. [End Page 80]

Portée de la recherche

La recherche intègre l’ensemble du processus : en amont, sélection des applications, conception et montage des ateliers par les agents de la bibliothèque, puis analyse des ateliers, appropriation par les usagers11. Aussi, la recherche a porté sur deux terrains essentiels : les réunions préparatoires aux animations et les animations elles-mêmes.

Les réunions préparatoires aux animations ont été organisées conjointement par le département jeunesse de la BM de Lyon et les espaces numériques des bibliothèques d’arrondissement12. Elles ont permis aux acteurs présents de tester collectivement les applications pour en faire une sélection à exploiter lors des animations numériques13.

Les animations, lieux d’interaction, entre le public et les professionnels de la bibliothèque se sont déroulées au sein de cinq bibliothèques du réseau de la BM de Lyon entre octobre et décembre 2014. Ces animations qui étaient à destination d’un public de 6 à 12 ans ont permis de dégager trois modèles de médiation et d’interactions.

Processus de sélection des applications et scénarisation des animations

Il convient de présenter la manière dont s’est opérée la mise en place de ces animations, depuis la phase de réflexion sur l’offre de services numériques dits innovants jusqu’à leur mise en place dans les différentes bibliothèques du réseau de la BM de Lyon.

Dans le contexte de notre recherche-action visant à interroger les changements induits par les outils numériques en bibliothèque, l’offre de services numériques innovants proposés par la BM Lyon dans le cadre des animations pour enfants « Goûter des applis » a fait l’objet d’un accompagnement réflexif assuré par les laboratoires Elico et Marge, partenaires du projet, sur les pratiques de la BM de Lyon. La mise en place de ces ateliers suit un cheminement en cinq étapes.

L’étape 1 de présélection des applications pour les animations (juillet 2014) s’est effectuée au cours de deux réunions en présence des animateurs numériques, des bibliothécaires, des médiateurs et des chercheurs ainsi qu’une ergonome (environ 25 personnes au total). Pour chaque saison d’animation, un thème est traditionnellement défini par la BM de Lyon pour tous les départements la constituant. Ce thème transversal se déploie dans toutes les manifestations organisées par la BM de Lyon. Pour l’année 2014, le thème retenu a été celui de « la peur » en référence à la commémoration du centenaire de la Première Guerre mondiale. À partir de ce thème, quatre critères de sélection des applications (applis) ont été appliqués :

  • • L’âge : les applis devaient concerner le public cible du « Goûter des applis », c’est-à-dire les 7–12 ans.

  • • Technique : les applis devaient être disponibles sur Apple Store du fait du parc des tablettes disponibles à la BM Lyon qui sont des iPad (don de la fondation Orange). [End Page 81]

  • • Nature des applis : elles devaient répondre au positionnement ludo-éducatif souhaité par le département Jeunesse.

  • • Éthique : les applis devaient éviter de proposer des modèles publicitaires, au cours de l’utilisation, non adaptés au public des enfants.

Ces critères en tête, 25 applis ont été présélectionnées et ont fait l’objet d’une grille d’analyse éprouvant leurs objectifs, leurs contenus, l’âge prérequis pour les utiliser (compétences de lecture, de compréhension, de prise en main). Cette grille s’est appuyée sur avis, conseils et évaluations des professionnels et des experts du secteur14.

Les applis présélectionnées ont ensuite fait l’objet d’une évaluation lors d’un atelier de test dédié à la sélection finale (étape 2) en septembre 2014. Il a été convenu que le groupe de travail conserve quatre sous-thématiques pour aider à la sélection : créer, jouer, rêver/imaginer et apprendre. Les sélections faites, elles ont donné lieu à la réalisation d’un livret de présentation des 20 applications retenues, à destination des parents, des animateurs et des bibliothèques. Ce livret1 est également un outil de communication mettant en avant l’offre numérique par type d’objectifs ludo-éducatifs recherchés, le positionnement de la bibliothèque vis-à-vis de cette offre et des sources bibliographiques permettant d’explorer plus en avant à la fois la thématique de la peur et la gestion des risques liés à l’exposition des enfants aux écrans.

La troisième étape (octobre 2014) a donné lieu à un atelier visant à réfléchir à la manière dont les applications peuvent être exploitées lors d’une animation. Pour ce faire, l’équipe constituée en binômes15 a pioché dans la liste des applis celles qui leur a paru pertinentes pour leur animation et ont envisagé, iPad en main, une scénarisation possible des animations pour leur propre public. L’étape 4 renvoie au déroulement de l’animation et l’étape 5 est une étape de bilan des animations réalisées à cette période et une prospective pour la saison d’après.

Un modèle de scénarisation est fourni par le référent numérique de la BM de Lyon. Il prend la forme d’une frise chronologique présentant le déroulé d’une séance d’animation incluant des temps d’actions particulières qui ponctuent la séance. Il peut s’agir par exemple de la prévision lors d’une séance d’une heure de 4 temps de 4 à 5 minutes chacun pour des applications ludiques (divers jeux). Ce modèle n’est pas systématiquement repris par l’ensemble du réseau. Les modèles les plus scénarisés sont construits à partir de ce modèle de référence, mais toutes les bibliothèques (1) n’ont pas fait l’objet d’une scénarisation formalisée et (2) n’ont pas toujours intégré la lecture sur livre et/ou tablettes dans leurs séances d’animations. Il y a ainsi, malgré un travail collectif qui vise à l’harmonisation de l’offre sur le réseau, une grande disparité des degrés d’implication du personnel responsable des animations numériques jeunesse qui peut s’expliquer en partie du fait du parcours de formation des animateurs numériques qui les amène à se positionner, pour certains, davantage sur une dimension d’accompagnement technique que sur une dimension d’accompagnement culturel ou de contenu. Des binômes mixtes d’animateurs numériques et de médiateurs culturels ou bibliothécaires ont donné lieu à des animations riches et complexes du point de vue de leur scénarisation et des interactions avec les enfants. Toutefois, lorsque [End Page 82] les animateurs devaient préparer leurs séances d’animations seules, nous avons constaté que les scénarisations proposées étaient beaucoup plus simples, et l’implication des animateurs moindres, ce que nous avons formalisé dans notre proposition de typologie de modèles de médiation (cf. partie « Les formes de médiation numérique à la BM de Lyon » ci-dessus).

Méthodologie d’observation et d’analyse des séances d’animations

Comme notre étude concerne une situation d’usages en contexte, la méthode d’analyse qualitative que nous avons adaptée est celle de l’observation directe non dissimulée et pouvant être participative (Giroux et Tremblay 2009, 190–191). Concrètement, il s’est agi d’observer les séances au sein desquelles de multiples interactions ont lieu dans un contexte d’animation numérique en bibliothèque, contexte lié à des situations d’appropriation de contenus multimédias interactifs sur support mobile. Ces situations d’animations engagent des acteurs adultes (professionnels de la bibliothèque voire les parents), des enfants (cible de l’animation) et parfois des parents qui assistent aux séances d’animation. Ces acteurs vont être en situation de double interaction, à la fois humaine et sociale, mais également en situation d’interactions avec un dispositif technique tactile leur offrant des ressources multimédias. Les enfants auront à consulter des applis, mais ils seront également en mesure de manipuler et produire de l’information, et d’évaluer leurs connaissances et compétences.

À cette fin, nous avons bâti un protocole d’observation16 qui nous a aidés à collecter l’ensemble des données nécessaires (1) à l’analyse des médiations et (2) à l’analyse des services numériques innovants grâce à la construction de différents outils de collectes.

Outils de collecte de données (octobre – décembre 2014/mars 2016)

La collecte de données, en recherche-action, doit viser des méthodes et des techniques appropriées aux objectifs visés. D’une manière systématique, les outils d’analyse de données que nous avons construits nous permettent d’exploiter les données collectées à partir des différentes méthodologies de recherche mobilisées. Par exemple, nous avons défini des grilles d’analyse audio et vidéo issues de la sociologie d’analyse qualitative lorsque les méthodologies en question portaient sur des observations et des entretiens. Tous les outils d’analyse proposés tiennent par ailleurs compte des spécificités de l’environnement des objets/sujets de recherche étudiés. Comme pour toute recherche-action, ces grilles sont le résultat d’une réflexion collective (Lamoureux 2008) de l’équipe mixte de recherche qui va permettre l’interprétation contextualisée des données et l’émergence de plans de recommandations et de différents documents de synthèse (cartographies, synthèses, catalogues des offres) permettant l’explicitation des stratégies de positionnement des différents acteurs de l’écosystème.

Pour l’axe Formes des médiations numériques, nous avons construit une grille d’observation des séances d’animation. Ces séances ont, toutes, fait l’objet d’un enregistrement vidéo qui a permis de compléter les données collectées sur place. Cette grille d’observation des séances d’animation est organisée selon 4 catégories d’observations génériques. [End Page 83]

Tableau 1. Grille d’analyse des caractéristiques des séances d’animation
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Tableau 1.

Grille d’analyse des caractéristiques des séances d’animation

Tableau 2. Grille d’analyse de l’organisation spatiale des séances d’animation
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Tableau 2.

Grille d’analyse de l’organisation spatiale des séances d’animation

Caractéristiques de la séance d’animation

Il s’agit ici de définir avec le maximum de précision les caractéristiques de chaque séance en matière d’organisation, de matériel et de ressources humaines mobilisées (voir tableau 1, ci-dessous). Le nombre de participants et leurs équipements sont également analysés avec soin.

Organisation spatiale

Il s’agit de procéder au codage de l’espace de l’animation, de ses équipements ainsi que des possibilités et des contraintes d’aménagement propres à ces espaces (voir tableau 2, ci-dessous). Cette organisation sera nécessairement articulée au choix opéré par les animateurs pour leur dispositif scénique. Ce dernier permettra d’identifier la manière dont les animateurs se sont saisis de ces lieux pour les mettre en scène d’une manière adaptée à leurs objectifs de séances d’animation. Le dispositif scénique permettra de spécifier les circonstances matérielles de l’échange (Charaudeau, 1997). [End Page 84]

Tableau 3. Grille d’analyse de la scénarisation des séances d’animation
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Tableau 3.

Grille d’analyse de la scénarisation des séances d’animation

Tableau 4. Grille d’analyse des interactions des séances d’animation
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Tableau 4.

Grille d’analyse des interactions des séances d’animation

Scénarisation

Il s’agit d’analyser les différents modèles de scénarisation élaborés par les animateurs au cours des séances (voir tableau 3, ci-dessous) à travers :

  • • le déroulé des séances, c’est-à-dire leur cadrage par les animateurs auprès des enfants ; le temps et les modalités d’interaction avec la tablette (individuelle/binôme et collective) ; les modalités de clôture des séances qui peuvent ou non privilégier des temps d’échange entre les participants.

  • • La nature des contenus et des supports mobilisés pour chaque séance : ces derniers sont au coeur des préoccupations du personnel des bibliothèques.

Interactions

Il s’agit d’observer les dynamiques d’échanges entre les acteurs en présence, engendrés par les différents modèles de mediation (voir tableau 4, ci-dessous), soit :

  • • les modèles d’accompagnement proposés par les animateurs qui s’appuient sur la projection d’une médiation avec les enfants et la tablette. Ces modèles peuvent porter sur des modalités communicationnelles variées (informatives, relationnelles, pédagogiques, etc.).

  • La mobilité des participants induite par les animateurs ou les enfants et permettant de qualifier l’intensité et la fréquence des déplacements.

Un guide d’entretien à destination des enfants a été administré tout de suite à la fin des séances d’animation afin de saisir leur appréciation de la séance et leur degré de familiarité avec la tablette et les bibliothèques. [End Page 85]

Pour le second axe, des services numériques dits innovants, nous avons élaboré un carnet de bord collaboratif qui est constitué de notes personnelles des chercheurs et du compte-rendu systématique des réunions préparatoires aux animations réalisé par l’animateur référent. Ce carnet de bord nous a servi pour alimenter notre réflexion critique sur l’introduction des dispositifs numériques mobiles au sein du réseau des Bibliothèques de Lyon et sur la notion d’innovation ouverte.

Résultats d’analyses : services numériques innovants et formes de médiation numériques

Dans le cadre de cet article, nous serons en mesure de présenter les résultats intermédiaires de deux types d’analyse : ceux relevant de l’axe des services numériques innovants et ceux relevant de l’axe des formes de médiation numériques.

Les services numériques innovants de la BM de Lyon

Gilbert (2010, 95–100) a proposé dans son mémoire une typologie des services numériques en faisant une distinction entre les services offerts aux publics. La distinction porte sur le degré de présence et d’accompagnement direct des usagers par les professionnels. Certains de ces services s’appuient fortement sur la présence du personnel, d’autres en revanche s’appuient sur la participation des usagers et leur autonomie. Une dernière catégorie est fondée sur le degré de personnalisation du service. Dans cette distinction, nous constatons qu’est mis en avant le rapport de la bibliothèque et du public. (Gilbert 2010, 14) précise à juste titre que :

La question des publics est plus souvent abordée sous l’angle des usages que sous celui des relations entre usagers et bibliothèque. Il s’agit pourtant d’une approche réductrice, qui ne prend pas la mesure des interactions, du lien d’interdépendance qui existe entre la bibliothèque et ses publics.

Ainsi, étudier ces offres permet d’apprécier la manière dont la BM de Lyon souhaite tisser des liens avec ses publics. Dans le cas de la BM de Lyon, si toutes ces modalités sont présentes, c’est sur l’offre numérique que nous avons porté notre intérêt.

Comme à toute époque, toute nouveauté possède ses avantages et ses inconvénients, la prise de distance de ces services numériques qui ont petit à petit envahi notre espace professionnel et personnel est nécessaire à plus d’un titre. Observons donc la manière dont la BM de Lyon s’est investie dans ce territoire et dans quelles conditions. À cette fin, nous citerons trois dimensions qui nous paraissent essentielles à étudier.

Dimension organisationnelle

Le parc de tablette iPad, fourni par la Fondation Orange lors d’un événement, a été le point de départ de l’appropriation par le service jeunesse de cet outil tactile et mobile. Toutefois, un parc de six tablettes est loin d’être suffisant vu l’ampleur du réseau des BM de Lyon (environ 114 998 utilisateurs inscrits17 sur 14 [End Page 86] bibliothèques). Ces tablettes doivent être à la disposition de tout le réseau et cela pose également des problèmes logistiques, le transport de ces tablettes à travers la ville pour le transfert de ce parc d’une bibliothèque à une autre pose quelques difficultés de sécurité et semble être anxiogène pour le personnel. Ce nombre limité d’iPad engendre aussi une absence d’équité en matière d’offre de services sur le territoire pour le public. Même si dans tout processus d’expérimentation, les services ne sont pas a priori conçus pour durer, mais plutôt pour être testés à petite échelle, toutefois l’usage des iPad à la BM de Lyon semble s’inscrire dans le temps.

Dimension éditoriale

Ce nombre limité de tablettes fait émerger une autre difficulté qui est celle du temps d’appropriation de la tablette et surtout de son contenu pour préparer les séances. Comment appréhender le contenu des applications avec toute sa diversité et son hétérogénéité ? La sélection des applications est l’autre grande problématique relative à ce type de service innovant. Il en ressort ainsi pour le personnel, une grande difficulté pour sélectionner les applis de manière pertinente pour leur public. Les observations participantes que nous avons pu conduire lors des ateliers de préparation des séances d’animation ont fait émerger la très grande variation en matière de qualité du contenu des applications (contenu, qualité narrative, qualité de contenu multimédia, qualité ergonomique, qualité de l’aspect intuitif de l’application, qualité du rapport contenu/âge, jeunesse du marché des éditeurs et inadéquation entre offre et demande). Les questions techniques et ergonomiques sont également à appréhender lors de la sélection.

Il n’est pas possible d’affirmer que ces services numériques reposent sur de l’innovation ouverte dans la mesure où l’usager ne participe pas à l’élaboration de ce service dès sa préparation. Dominique Cardon (2005) rappelle à ce titre l’importance des travaux de Michel de Certeau sur la question des usages et des appropriations spécifiques de la part des usagers, notamment à travers la notion de braconnage. Cette notion développée par de Certeau consiste à l’utilisation, par un individu, des objets/produits imposés sur un autre registre que celui pour lequel ils ont été prévus. Ces opérations d’appropriation et ces pratiques de détournement de la part des usagers sont difficilement prévisibles par les professionnels. Cardon met ainsi en avant la problématique du temps et des dynamiques d’apprentissage comme facteurs clé de l’appropriation et de stabilisation des usages dans des habitudes ou des routines. Les usagers sont bien des détourneurs d’usages d’objets nouveaux. L’usager devient ainsi créateur et innove. Ce processus de réemploi et d’appropriation constitue une innovation ouverte et gratuite. L’usager n’est plus simplement braconneur nous dit Cardon (2005, 321) :

La notion d’innovation par l’usage s’inspire d’une intuition développée dans les travaux d’Eric Von Hippel, professeur à la Sloan School of Management du MIT, sur les « innovations horizontales » dans lesquels l’usager n’est pas simplement « rusé » ou « braconneur », comme dans la figure du détournement inattendu des outils techniques que la sociologie des usages a popularisé, mais il s’engage un peu plus loin, en participant directement à la confection d’innovations à partir des technologies et des services à sa disposition. [End Page 87]

Dans le cas de ces services numériques développés par les bibliothèques, la participation active de l’usager est une part importante de l’innovation de service à travers l’usage.

L’introduction de ce service de type atelier tablette à la BM de Lyon a été pensée sous forme d’innovation par émulation. Cela a permis d’inclure progressivement de nouveaux supports d’information pour le personnel de la bibliothèque et d’envisager une innovation par les usages. Toutefois, les contraintes techniques et éditoriales (face à la très grande variété dans la qualité des applis) n’ont pas été réellement mesurées au départ. La demande d’investissement en temps et en personnel est assez importante. De nombreux membres du personnel font d’ailleurs valoir l’argument de la problématique du temps et de la charge de travail pour que le passage de l’expérimentation à une véritable formalisation de ce type de service soit au moins remis à la discussion.

Les formes de médiation numérique à la BM de Lyon

En 2007, Allouche mettait l’accent sur le caractère holiste de la médiation en bibliothèque qui va du simple accueil à l’accompagnement personnalisé. Il dressait alors une sorte de typologie des médiateurs et dégageait six profils (Allouche 2007, 75–76) : le bibliothécaire-médiateur qui s’occupe de la « conception holiste de la médiation » ; le médiateur-surveillant, « agent régulateur des incivilités » ; le médiateur en bibliothèque dont la mission est la « familiarisation au fonctionnement de la bibliothèque » et « à la socialisation autour du livre » ; le médiateur du livre considéré comme « l’organisateur de rencontres autour de l’écrit » dans et hors les murs ; l’animateur en nouvelles technologies de l’information appelé « découvreur d’Internet » et « agent réducteur de la fracture numérique » ; et enfin le « médiateur-phasme » ou médiateur sans médiation qui recouvre, selon Allouche, les emplois de substitution du corps professionnel.

En s’appuyant sur les travaux de Jean-François Six (1990 ; 1995 ; 2002), Allouche (2007, paragraphe 33) dégage une typologie de quatre types de médiation : « curative, préventive de différends en gestation, rénovatrice de liens distendus ou créatrice de rapports nouveaux ». Ces médiations proposées par Allouche en 2007 recouvrent le champ des interactions sociales. Elles reflètent une époque où effectivement les rapports sociaux sans intermédiaires sociotechniques étaient prédominants, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui.

Nous proposons, une décennie plus tard, de répondre à la question de la transformation de la médiation et de la manière dont les acteurs ont défini leur périmètre d’intervention dans ce type d’activité. Il s’agit surtout de l’inscrire dans le contexte de l’introduction de la tablette en bibliothèques lors d’ateliers dédiés à destination de la jeunesse. Ainsi, à partir de l’analyse de nos différents outils de collectes de données, nous avons pu dégager trois modèles d’analyse que nous avons intitulés ainsi :

  • • modèle découverte

  • • modèle méta-jeu

  • • modèle méta-histoire

[End Page 88]

Figure 1. Modèle Découverte
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Figure 1.

Modèle Découverte

Nous allons présenter ces modèles un à un et nous terminerons par leur synthèse.

Modèle découverte

Le modèle découverte (voir figure 1, ci-dessous) est réalisé par un animateur numérique, un accompagnant dans l’appropriation technique pour reprendre l’expression d’Allouche. Leur trait distinctif est véritablement de « montrer comment ça marche », de laisser l’enfant explorer librement l’outil tablette et les applications et venir en aide à ceux qui ont des difficultés de compréhension des consignes textuelles, iconographiques ou sonores de l’application. Les enfants peuvent ainsi explorer, mais surtout jouer avec les applications qui sont plutôt ludiques et très peu ludo-éducatives. Par exemple, dans le cas de cette saison 2014, l’application « Toca Kitchen Monster » qui consiste à cuisiner pour un monstre, à le faire manger et à observer ses réactions a remporté un franc succès auprès des enfants. [End Page 89]

Caractéristiques de la séance d’animation

Pour l’automne 2014, il y a eu quatre séances d’animation d’une heure chacune, regroupant les tranches d’âges des 6–8 ans et des 8–10 ans. En fait, dans la réalité, il n’y a pas eu de regroupement par tranches d’âges, nous pouvons même dire que les âges ont été mélangés regroupant une tranche plus large allant de 6 à 10 ans. La raison de ce constat est en fait due aux familles, qui au moment des inscriptions, s’engagent à venir, mais le jour de l’animation, elles annulent au dernier moment ou ne viennent pas et n’annulent pas. Le nombre de tablettes disponibles pour l’animation limite de toute façon le nombre de participants et il arrive souvent que les enfants soient en binôme, mais généralement ils ont chacun une tablette pour la séance. Ce modèle s’appuie sur une exploration libre, les enfants ont la possibilité d’explorer un nombre maximum d’applications soit environ une quinzaine.

Organisation spatiale

Les bibliothèques ayant opté pour ce modèle ont dans leur bâtiment, deux espaces, l’un dédié aux animations et l’autre dédié à l’espace numérique pour l’accompagnement à l’appropriation de la culture numérique. L’avantage est que la salle d’animation peut être aménagée et décorée comme souhaité par les animateurs (tapis au sol, tabouret, arbre en bois colorés, etc.). L’espace numérique est quant à lui équipé d’ordinateurs, de tables et de chaises et offre moins de possibilités pour les déplacements quand celui-ci est petit, présentant ainsi une contrainte dans l’aménagement en cas de besoins.

Le dispositif scénique quant à lui est de deux sortes pour ce type de modèle, cette situation est en fait indépendante de la planification des animateurs, ou tout du moins pour l’une d’entre elles. En effet, dans l’une des bibliothèques d’arrondissement, les séances avaient démarré dans une salle dédiée à l’animation avec un espace aménageable, tapis au sol, etc., mais pour la séance suivante, cette salle avait été réservée pour un public de très jeune enfant avec parent et il a donc fallu faire avec les contraintes d’une salle affectée au travail sur ordinateur (espace numérique). Cela pose de nombreuses limites : la configuration de la salle ne permet pas beaucoup de déplacement dans l’espace, les interactions sont limitées le plus souvent aux participants autour de la table, l’animateur tourne « en rond » autour des tables, etc. Dans ce dispositif, il n’y a pas de présence d’autre support que la tablette. Les ordinateurs sont présents, mais ne sont pas exploités, ils ne sont pas intégrés à la séance, du fait de la durée même de ces séances. De plus, pour ce modèle, seul un animateur numérique s’occupe d’un groupe de 6 à 8 enfants selon les jours, cela peut aussi être deux enfants selon les jours d’animation et les créneaux horaires. Dans ces conditions, la scénarisation de la séance est simplifiée au maximum pour pouvoir optimiser l’accompagnement.

Scénarisation

Le déroulé de la séance recouvre trois temps : le cadrage de la séance, les modalités d’interaction ainsi que les modalités de clôture. Nous pouvons dire au sujet [End Page 90] du cadrage de la séance pour ce type de médiation qu’il s’est agi d’expliquer l’objectif de la séance globalement (pourquoi sommes-nous là ce matin ?) suivi d’une explication sur le fonctionnement des tablettes et une présentation très rapide et synthétique des applications mises à la disposition des enfants. La séance est généralement close par étapes successives : « bon, les enfants, dans 5 minutes, on va se quitter, terminez le jeu sur lequel vous êtes ou vous avez le temps de faire un jeu rapidement. . . ». S’ensuit un temps d’échanges avec les parents, venus chercher leurs enfants, les enfants et les animateurs et les chercheurs.

Interactions

Les temps d’interaction sont plutôt courts dans ce modèle, et les modalités d’accompagnement visent essentiellement à expliquer comment et où il faut appuyer pour faire fonctionner la tablette ou l’application. Par moment, au lieu d’adopter une démarche pédagogique (explication d’un point de blocage technique, fonctionnement d’une application avec ses caractéristiques ergonomiques et de contenus interactifs propres), les animateurs vont passer à l’action directement en appuyant sur un bouton pour mettre ou enlever le son, interagir avec l’interface pour activer la page-écran souhaitée par l’enfant et tout cela en silence. Cela se passe beaucoup trop vite pour que l’enfant comprenne quelque chose et puisse gagner en autonomie par la suite. La plupart du temps, l’exploration des applications pendant ces séances se passe individuellement, mais lorsqu’il y a des fratries ou plus d’enfants, des binômes se créent et les interactions sont beaucoup plus importantes. Dans ce modèle, l’appel en direction de l’animateur est moindre dans un premier temps, ce dernier étant seulement sollicité lorsque la solution n’est pas trouvée par les binômes.

L’accompagnement dans ce modèle s’oriente vers une approche technique, l’intensité de cet accompagnement est très variable, allant de très présent à très distant. Dans ce cas de figure, l’animateur est statique à peu mobile en direction des enfants. En fait, la mobilité ou l’intensité de l’accompagnement paraît être indexée au nombre d’enfants présents pour la séance.

Ce modèle propose à l’enfant de découvrir avec un accompagnement minium les applications sélectionnées par le personnel. Les enfants, dans le modèle découverte, sont attentifs au démarrage de la séance et font ensuite appel à l’animateur en cas de besoin technique, de compréhension des informations affichées ou des actions d’interaction avec l’application. Généralement ils choisissent des applications de type jeu faisant du modèle de découverte un modèle plutôt technique et ludique. Ce choix vers une autonomie « contrôlée » part du postulat, selon les animateurs l’ayant choisie, qu’il faut laisser une part d’exploration libre à l’enfant pour qu’il apprenne tout seul et qu’il vive une expérience avec l’application.

Limites du modèle

Tous les enfants ne sont pas autonomes. Tous n’ont pas la même curiosité ni les mêmes expériences d’usages avec à la fois l’outil tablette et les applications qui sont construites sur des schémas narratifs différents ou des modèles d’interactions [End Page 91] ludiques diverses. La capacité des enfants à décrypter et comprendre l’information est parfois contrariée par le contenu de certaines applications qui sont pensées avec la complexité de la représentation adulte et une ergonomie peu adaptée à l’enfant malgré les précautions prises lors de la sélection.

Figure 2. Modèle du méta-jeu
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Figure 2.

Modèle du méta-jeu

Modèle méta-jeu

Le modèle méta-jeu (voir figure 2, ci-dessous) est basé sur un modèle narratif, mais également ludique. Il est construit en plusieurs étapes séquentielles un peu sous forme de quiz. Pour pouvoir avancer dans le parcours d’exploration des applications proposé, il faut trouver des indices qui donnent la clé du problème. La trame proposée repose sur une application intitulée « La Sorcière Sans Nom » : cette sorcière semble avoir quelques soucis de mémoire, elle doit retrouver son fiancé, et pour cela il faut découvrir des indices dans les autres applications sollicitées pour l’animation qui font partie de la liste sélectionnée au départ. L’enfant découvre au fur et à mesure les applications, il a un objectif à atteindre lors de l’exploration de chaque application. D’ailleurs, l’animateur lui a fourni en même temps que la tablette une fiche pour écrire les indices. Ainsi, le jeu imaginé par les animateurs tient le rôle de fil conducteur à la séance et favorise [End Page 92] en quelque sorte l’imaginaire des enfants. L’histoire se termine bien puisque ces derniers ont réussi à trouver le fiancé de la sorcière qui est l’épouvantail. Pour fêter ce mariage insolite, une distribution de bonbons clôt l’animation.

Caractéristiques de la séance d’animation

Pour l’automne 2014, il y a eu deux séances d’animation d’une heure chacune, regroupant les tranches d’âges des 6–8 ans. Là aussi, il n’y a pas eu de regroupement par tranches d’âges à cause de la défection de certaines familles le jour J. Au final, la tranche d’âge au lieu de concerner celle affichée, a regroupé des enfants de 4 à 8 ans. Lors de ces séances d’animation étaient présents deux animateurs au minimum, puis trois à la dernière séance. Le nombre d’animateurs ou de membres du personnel de la bibliothèque présents pour ces séances doit être suffisant pour un minimum de confort dans l’accompagnement de l’appropriation des tablettes et de la compréhension du fonctionnement des applications a fortiori quand le public est hétérogène et un âge très jeune. Il y a eu pour ces séances cinq enfants en moyenne. Chaque enfant avait une tablette, sur la vingtaine d’applications proposées, l’animation s’est appuyée sur trois à cinq d’entre elles.

Organisation spatiale

Ce modèle d’animation s’est déployé dans un espace numérique suffisamment grand pour avoir un espace dédié avec un agencement de mobilier spécifiquement pour l’animation, à savoir deux grandes tables, chaises, un vidéo projecteur, des tablettes, des livres. Au sein du dispositif scénique, on trouve une/deux tables, des chaises, un écran de projection, un vidéoprojecteur, des tablettes, des livres, un sablier en projection. Il n’y a pas de décor particulier. Les enfants sont le plus souvent sur leur chaise, mais parfois assis, parfois les deux pieds sur la chaise et le corps penché sur la tablette.

Scénarisation

Le déroulé de la séance recouvre trois temps : le cadrage de la séance, les modalités d’interaction ainsi que les modalités de clôture. Nous pouvons dire au sujet du cadrage de la séance pour ce type de médiation qu’il s’est agi d’expliquer l’objectif de la séance globalement (pourquoi sommes-nous là ce matin ?) puis de préciser le fonctionnement des tablettes et de présenter de manière très rapide et synthétique les applications mises à la disposition des enfants. Les temps d’interaction sont constamment présents, mais d’intensité plutôt variable dans ce modèle, et les modalités visent à expliquer comment et où il faut appuyer pour faire fonctionner la tablette ou l’application. Il y a une véritable scénarisation de la séance, un dispositif extrêmement complexe est mis en place pour gérer le temps (un sablier électronique) ainsi qu’un guide pour collecter des informations lors de la séance (pour fixer des informations provenant de ressources différentes, à l’image du document de collecte du professeur documentaliste). Pour renforcer le côté ludique, voire festif si l’on se prête au jeu de la trame fictionnelle, les animateurs ont amené un gâteau fictif assez grand pour célébrer [End Page 93] les retrouvailles de la sorcière et de son fiancé, et dans ce gâteau se trouve le dessin de ce fiancé (un épouvantail) et ainsi qu’un livre roman sur ce personnage. La séance est généralement close par étapes successives :

On va appuyer sur pause (applis qui permet de créer de la musique), on va d’abord vous remerciez d’avoir participé à l’atelier, j’espère que cela vous a plu, et juste avant de passer aux bonbons, on a besoin de votre avis avant. . . [interview des enfants sur leur satisfaction de l’animation]. Voici des feuilles de coloriage qui reprennent le personnage de la sorcière et on va vous donner un petit livret sur lequel vous allez retrouver les applications qu’on a faites. . . puis on vous a promis des bonbons, on va vous les donner quand même. . .

S’ensuit un temps d’échanges avec les parents, venus chercher leurs enfants, les enfants, les animateurs et les chercheurs.

En matière de contenus et de supports, ce type de modèle repose sur la coexistence à la fois des applis et de la tablette, mais aussi des livres ainsi qu’une fiche remise par l’animateur pour aider à fixer les réponses. La scénarisation prévoit que l’ensemble de la séance repose sur une trame narrative complexe proche de celle d’une enquête, dans lequel il est demandé aux enfants d’endosser des rôles bien définis en amont par les animateurs. Le contenu et les supports enrichissent la séance, les animateurs s’appuient sur les connaissances des enfants et sur les modalités ludiques (jeu devinette) pour interagir lors des séances.

Interactions

L’accompagnement dans ce modèle s’oriente vers une approche à la fois technique, mais également pédagogique. L’intensité de cet accompagnement est importante, allant de présent à très présent. Dans ce cas de figure, l’animateur est loin d’être statique, les trois animateurs tournent autour de la table et des enfants, une bibliothécaire s’occupe plus particulièrement du plus jeune qui a besoin d’un accompagnement plus personnalisé du fait du niveau de l’animation démarrant à 6 ans. Les interactions ne sont pas forcément plus importantes entre animateurs et enfants. En revanche, les animateurs sont très sollicités par les enfants, du fait sans doute des différentes consignes qui sont données et du temps de réalisation des tâches qui leur incombent de réaliser. L’avancement ne se fait pas forcément de manière homogène, d’où l’émergence d’un certain décalage entre les enfants et l’augmentation des sollicitations lors des étapes de transition dans le déroulé. La mobilité est importante du côté des animateurs, mais elle est quasi nulle du côté des enfants du fait de leur position assise autour de la table et surtout de la mise à disposition de tablette en individuel qui ne favorise pas les échanges et la mobilité.

Ainsi, ce modèle, plus élaboré que le précédent, repose sur le principe de l’exploration ludique et de l’accompagnement en continu des enfants pour interagir avec les applications. De plus, de nombreuses compétences sont mobilisées : lire, comprendre l’histoire, comprendre la consigne, analyser et raisonner (trouver les indices), répondre aux diverses interactions de l’application, récupérer des indices des applications à l’aide d’une grille qu’il faut décrypter, écrire les indices, etc. [End Page 94]

Figure 3. Modèle de la méta-histoire
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Figure 3.

Modèle de la méta-histoire

Un cadre narratif est posé en amont : la séance repose sur un fil conducteur qui est une enquête dont l’objectif est de trouver des indices afin d’aider le personnage central à trouver quelqu’un (en l’occurrence aider la sorcière à retrouver son fiancé).

Limites du modèle

Ce modèle est extrêmement complexe pour l’enfant, car il repose sur de nombreuses sollicitations appuyées par des zones d’interactions et d’échanges divers (papier, document de collecte, écran tablette, tableau blanc, animateur, etc.). De plus, il est demandé aux enfants de produire de l’information lors de passage d’étape en étape. Ce modèle repose finalement sur une hyper-sollicitation des enfants pendant une durée courte d’animation.

Modèle méta-histoire

Le modèle méta-histoire (voir figure 3, ci-dessous) repose sur une scénarisation complexe élaborée par un binôme de professionnels à partir de la complémentarité de leurs compétences (animateurs numériques et bibliothécaire jeunesse). La séance s’appuie sur une forme de narrativité cross-média : il s’agit pour les enfants [End Page 95] de suivre les aventures du petit chaperon rouge depuis son expression littéraire à travers le conte parlé en passant par des contenus multimédias variés (sélection d’applications, livre pop-up, album) et hautement scénarisés. Les enfants sont en effet guidés pas à pas au fil de la séance à travers les différents contenus. Les performances de conteuse de la bibliothécaire jeunesse ont pour objet de plonger les enfants dans un univers particulier afin de leur permettre de réaliser leur mission consistant à aider le chaperon rouge à trouver le chemin de sa grandmère. La trame fictionnelle et la dimension participative des enfants constituent réellement le coeur de l’animation.

Caractéristiques de la séance d’animation

Trois séances d’animation d’une heure ont été dédiées chacune à une tranche d’âge particulière : de 6 à 8 ans, de 8 à 10 ans et de 10 à 12 ans. Toutefois, là aussi, il n’y a pas eu de regroupement par tranches d’âges à cause de la défection de certaines familles le jour J. Au final, la tranche d’âge, au lieu de concerner celle affichée, a regroupé des enfants de 6 à 10 ans. Lors de ces séances d’animation, deux animateurs étaient présents, plus exactement un animateur numérique et une bibliothécaire jeunesse. Il est important d’avoir un nombre suffisant de personnes dédiées à l’accompagnement à l’appropriation des tablettes et de la compréhension du fonctionnement des applications, a fortiori quand le public est hétérogène et un âge très jeune. Ces séances ont au final rassemblé chacune de 3 à 5 enfants en moyenne. Chaque enfant avait une tablette, sur la vingtaine d’applications proposées, l’animation s’est appuyée sur 4 à 5 d’entre elles.

Organisation spatiale

Ce modèle d’animation a eu lieu dans l’espace numérique, mais la configuration de cette salle permet d’exploiter de manière souple l’espace. Le choix a été fait de mettre des tapis au sol et d’exploiter le mur comme écran de projection. Cette configuration a permis aux deux animateurs d’occuper tout l’espace en dédiant certaines zones à des actions spécifiques lors de l’animation. Le dispositif scénique. Situé à l’intérieur d’un espace numérique, le dispositif scénique du modèle méta-histoire convoque plusieurs meubles et médias : tapis de sol, coussins, écran de projection, vidéoprojecteur, tablettes, livres. Les enfants s’emparent sans réserve de l’espace qui leur est dédié sitôt l’histoire lancée.

Scénarisation

Le déroulé de la séance recouvre trois temps : le cadrage de la séance, les modalités d’interaction ainsi que les modalités de clôture. Comme dans les autres modèles, le contenu du cadrage de la séance démarre de la même manière, à savoir l’objectif de la séance, suivi d’une explication du fonctionnement de la tablette et d’une présentation rapide des applis mises à la disposition des enfants. Les temps d’interaction sont importants dans ce modèle, et les modalités visent à accompagner au mieux les enfants lors de chaque étape. Outre le fait d’expliquer comment et où il faut appuyer pour faire fonctionner la tablette ou l’application, [End Page 96] il y a une véritable scénarisation de la séance, un dispositif extrêmement complexe est mis en place pour gérer le temps, l’usage de l’écran et de l’histoire (fil conducteur) avec une projection à l’écran de l’étape de l’histoire permettant de « vivre l’histoire ». Ce modèle fait valoir une expérience bibliothèque crossmédia (livre, écran mural, écran de tablette) complexe nécessitant un temps de préparation long et minutieux. La séance est généralement close par étapes successives, puis s’ensuit comme pour les autres modèles, un temps d’échanges. Les enfants, les animateurs et les chercheurs sont rejoints à la fin de l’animation par les parents venus chercher leurs enfants.

Quant aux contenus et supports, ce type de modèle repose sur la coexistence à la fois des applis et de la tablette, mais aussi des livres qui sont exploités par une bibliothécaire conteuse qui guide les enfants par sa voix, en jouant avec les temps de silence afin de les immerger dans l’histoire à travers les livres albums ou livres pop-up. Une trame de fiction pouvant s’apparenter à un projet artistique de création cross-média est mise en place dans ce modèle et sert d’appui au personnel pour exploiter des ressources diverses. Ainsi, les éléments de l’histoire inventée par les animateurs sont dispersés sur les différents supports afin de créer une expérience de lecture coordonnée et unifiée.

Interactions

L’accompagnement dans ce modèle s’oriente vers une approche à la fois technique, pédagogique et ludique. L’intensité de cet accompagnement est importante. Dans ce cas de figure, les deux animateurs se sont réparti des rôles et des zones pour interagir avec les enfants. Il en ressort que l’animation s’appuyant sur une scénarisation d’une histoire à vivre et d’un jeu de rôle attribué à chaque enfant, une mission leur est confiée. Mais en plus d’être un jeu, cette séance est également une heure de conte où l’on passe de la tablette au livre, un espace imaginaire étant créé à l’intérieur duquel les enfants sont invités à s’immerger allant de découverte en découverte. Nous avons remarqué une véritable synchronisation entre les enfants au niveau de l’exploration des applications pour chaque étape. Un vrai travail de coordination est fait entre les deux animateurs, ils ont beaucoup fonctionné sur le mode « communication non verbale » pour identifier les changements d’étape et se coordonner lors de la séance. Les interactions ont été ainsi plus importantes entre animateurs et enfants ainsi qu’entre enfants qui ont occupé dans des mouvements de va-et-vient collectifs tout l’espace au sol. La mobilité est très importante du côté des animateurs même si les deux animateurs ont chacun une manière de se mouvoir, ainsi la bibliothécaire reste près des livres, mais comme les enfants sont assis au sol, elle se penche vers eux et se déplace pendant le temps d’exploration des applis. L’animateur numérique bouge beaucoup, il se lève, s’assied près des enfants au sol. Les enfants aussi d’abord assis, ils se penchent sur la tablette du voisin. Un peu dispersés au départ, ils sont allongés à plat ventre sur les tapis (comme à la maison) et plongés dans leur tablette.

Ce modèle fait intervenir un modèle narratif combinant support papier et supports numériques. Très riche et très sollicitant en matière d’interaction, c’est [End Page 97] un modèle qui fait intervenir l’imaginaire des enfants de manière beaucoup plus importante que les deux premiers. La bibliothécaire, également comédienne et conteuse, exploite de manière pertinente la communication non verbale (pose de la voix, regard, gestes) emmenant et guidant les enfants dans un imaginaire à la fois partagé et personnel. Un travail de coordination et de complémentarité d’approches et de méthodes ressort de la combinaison de l’animateur numérique avec une bibliothécaire permet de proposer des animations riches en interaction et en apports divers en connaissances (connaissances techniques, lecture, production multimédia, etc.).

Limites du modèle

Ce modèle requiert du personnel avec des compétences complémentaires, mais également du temps nécessaire à la préparation de ces séances d’animation qui ont exigé plusieurs séances de répétition pour aboutir à la coordination souhaitée à la fois entre les animateurs et les différents supports au cours des séances.

Vers un type de modèle idéal ?

Parmi les trois modèles que nous avons présentés, le modèle découverte est de loin celui qui est le moins scénarisé, les deux autres modèles de médiation (méta-jeu et méta-histoire) étant plus élaborés dans la mesure où ils impliquent un investissement important de la part des animateurs dans la préparation des séances pour construire une trame ludique ou narrative. Le contexte de recherche-action nous a permis d’observer que chaque modèle induisait des pratiques d’accompagnement différentes : plus l’animation était élaborée et plus l’intensité des interactions avec les enfants était grande. En effet, les résultats des entretiens avec les animateurs montrent que plus ils étaient motivés par le projet et plus ils étaient co-constructifs et participatifs en amont (préparation et répétition), pendant (notamment l’accompagnement) et à l’issue des séances (disponibilité, réactivité, valorisation, écriture de synthèse).

Les résultats de nos entretiens de débriefing avec les enfants montrent quant à eux que le degré de satisfaction des séances n’est pas tant lié à leur contenu qu’à la qualité de l’accompagnement, à la disponibilité et à la pédagogie des animateurs auprès des enfants. D’une certaine manière, quels que soient le contenu proposé et le caractère élaboré de la scénarisation, ce sont la présence et la qualité de l’interaction avec l’animateur qui priment. Le plaisir ressenti à l’issue d’une séance semble corrélé à cet engagement de présence de l’animateur.

La satisfaction des parents est, quant à elle, liée à deux facteurs, le premier concerne le plaisir exprimé de la part des enfants à l’issue des séances et le second renvoie vers l’objectif atteint d’un apprentissage à la fois ludique et éducatif. Entre les deux facteurs, c’est le second qui fait l’objet de toute l’attention des parents. Par voie de conséquence, les modèles méta-jeu et méta-histoire remportent les suffrages et plus particulièrement méta-histoire du fait qu’il envisage l’exploitation du numérique dans la continuité du livre favorisant l’immersion dans un conte universel à visée culturelle. Le modèle méta-jeu est apprécié pour sa part pour le développement de compétences du socle commun [End Page 98] scolaire (apprendre, lire, compter, etc.) dans les applis. Le modèle découverte, même s’il laisse une large part à l’exploration autonome des applis-jeu, n’est pas du tout plébiscité par les parents qui ne voient pas en quoi réside l’apport de la bibliothèque par rapport à des pratiques numériques privées. Le modèle idéal méta-histoire qui plait autant à tous les acteurs (personnel de la bibliothèque, enfants, parents) implique de la part de la bibliothèque un investissement conséquent dont il faut mesurer la portée en matière de ressources humaines, de matériels, du suivi et de maintenance du matériel. De plus, il importe de mettre en place une veille sur la production d’applications de qualité, toujours difficiles à évaluer du fait de l’évolution permanente des créations numériques et des plateformes de diffusion.

Conclusion

À travers ces modèles, nous pouvons constater que depuis les profils proposés par Allouche en 2007, la situation a bien évolué. Nous constatons en effet que le médiateur du livre n’est plus simplement médiateur du livre tout du moins de manière exclusive. Ainsi, l’entrée par le contenu permet de passer d’un média à un autre et de se rapprocher des pratiques de lecture des usagers. De même le médiateur-surveillant appelé par Allouche, « agent régulateur des incivilités » s’occupe dorénavant des animations et se rapproche de l’animateur en TIC. Toutefois, sa mission de réduire ce qui peut être la fracture numérique est toujours d’actualité dans la mesure où toute la population ne possède pas de tablette, par exemple.

Globalement, nous avons pu constater à travers cette recherche que :

  • • La médiation numérique avec outil tactile est abordée à la fois par les bibliothécaires, les animateurs numériques ainsi que par moment les médiateurs culturels.

  • • La qualité des animations ou des médiations qui en résultent montre que l’articulation métier/perception du potentiel d’usage de la tablette est à prendre en compte dans la mise en œuvre de services nouveaux si ce n’est innovant. Il en ressort toutefois différents modes d’accompagnement des usages de la tablette qui permettent, selon la composition des acteurs de cette forme de médiation, soit un accent sur l’outil ou du moins sur l’aspect technique ou ergonomique des applications, soit un accent sur le contenu (méta-histoire, histoire associée, imaginaire).

Nous notons toutefois la présence de différents degrés de familiarité avec l’outil chez le personnel de la BM de Lyon du fait du parc limité d’iPad et du temps consacré à son appropriation. Ces propositions de médiation fonctionnent sur le modèle du volontariat. Il serait sans doute pertinent d’envisager une forme de capitalisation des expériences d’animations avec tablettes (consolidation d’une expérience, construction d’une expertise, etc.).

La question que nous avons posée au départ était de tenter de comprendre comment une bibliothèque peut envisager de proposer de nouveaux services et [End Page 99] de les faire connaître par les publics. Damien (2011, 50), professeur en philosophie politique dans un ouvrage collectif sur l’avenir des bibliothèques fait le constat suivant :

Entre fascination et inquiétude, chacun s’accorde à reconnaître que nous sommes entrés avec l’ordinateur numérique et la révolution informatique de l’Internet dans un nouvel âge de la culture, de sa lecture et de son écriture, de sa transmission et de son développement. [. . .] En pleine révolution médiologique de l’Internet et avec l’ordinateur comme nouvelle machine matricielle du savoir, que devient le mythe républicain de la Bibliothèque publique et universelle de tous les livres ?

La question centrale ici est celle des médiations qui sont amenées à s’adapter, à se transformer au nouvel environnement. Nous avons constaté sur le terrain qu’il n’existe pas un métier, mais bien des métiers en lien avec les livres et le numérique et nous pouvons même avancer qu’il y a tout autant de formes de médiations. Pour autant, la cohabitation semble se faire de manière intelligente lorsque l’objectif de l’accompagnement proposé est envisagé dès le départ de manière complémentaire. La technologie numérique ne prédomine pas sur la technologie « papier » même si au coeur de l’animation, le dispositif est bien sociotechnique. Toutefois, des questions sur la manière de les appréhender avec le public sont importantes et mettent en avant quelques inquiétudes posées par les professionnels.

Le mode expérimental a certes l’avantage d’offrir la possibilité de réajuster au fur et à mesure des saisons les services proposés ainsi que les médiations qui les accompagnent. Toutefois, il présente le considérable inconvénient de l’instabilité d’une activité et surtout la surcharge de travail que cela suppose en réunions préparatoires et en temps d’investissement pour la préparation des animations. Le parc limité d’iPad ne fait que renforcer ces difficultés. Le choix d’un service dédié à l’exploration libre de ces tablettes n’est pour le moment présent que dans une seule bibliothèque du réseau même si le temps d’usage est restreint, les tablettes cohabitent avec les livres et les ordinateurs. Cependant, il serait intéressant de tenir des statistiques d’usages de manière automatique sur ce libre-service ce qui n’est pas possible pour le moment. À partir de l’historique de l’iPad, et donc de manière manuelle, la BM de Lyon a mis en place un suivi permettant d’avoir a minima des relevés d’usages de telle ou telle application.

Ces services contribuent à l’attractivité des lieux et à l’augmentation de la fréquentation, les offres (jeux vidéo, manga, etc.) se voulant proches des pratiques des usagers dévoilent l’orientation choisie par les bibliothèques pour renouveler et élargir son public. La question de l’espace, de son aménagement, de son mobilier semble tout aussi importante que les autres ingrédients de la médiation. En effet, « [. . .] le mobilier semble anecdotique, car il est quotidien et donc familier [. . .] la vraie difficulté pour les bibliothécaires aujourd’hui est de réussir à convaincre leur hiérarchie qu’il s’agit d’un vrai sujet qui mérite un budget adéquat » (Jost 2016, 16–17). Même si certains peuvent craindre que « [. . .] les endroits pour s’installer confortablement dans toutes les postures de lecture se multiplient au détriment des collections » (Jost°2016, 17), est-ce vraiment le cas ? [End Page 100]

Certains évoquent dorénavant la bibliothèque 4e lieu, avec des amplitudes d’ouverture maximale, mais comme le précisent Maresca, Evans et Gaudet (2007), cité par Bertrand (2011), il y a un lien étroit entre l’avenir des bibliothèques et leur utilité sociale dans la diffusion du savoir et de la culture. Leur rôle d’accompagnant est en effet important en ces temps de mutations de la société contemporaine où les compétences et les connaissances sont plus que nécessaires. « [. . .] on découvre que le besoin de médiation n’a jamais été aussi grand à une époque de technologie et de communication » (Accart 2016, 159)

Mabrouka El Hachani
Université Jean Moulin Lyon3
Catherine Dessinges
Université Jean Moulin Lyon3

Notes

1. Presentation des animations « Automne des Gônes » 2014 à l’adresse suivante : https://www.bm-lyon.fr/spip.php?page=agenda_date_id&event_id=203.

2. http://www.culturecommunication.gouv.fr/Aides-demarches/Appels-a-projets/Appel-a-projets-2014-Services-numeriques-culturels-innovants. Le projet n’a pas pu s’inscrire dans le cadre de cet appel en raison des délais très courts du dépôt des dossiers et de la période critique de la date limite de réponse (juillet) l’appel ayant été lancé en juin.

3. Le groupe d’enseignants-chercheurs en Sciences de l’Information et de la Communication.

4. Le partenariat entre la BM de Lyon et l’équipe de chercheurs a été formalisé à travers une convention de recherche entre la ville de Lyon et les équipes de recherche ELICO et Marge.

5. Le projet de recherche inclut quatre axes dans son ensemble. Deux ne sont pas présentés ici, mais font l’objet d’une recherche en cours. Il s’agit de l’axe 3 « Pratiques numériques de lecture, usages d’écrans en contexte culturel » et de l’axe 4 « Marché des éditeurs d’applications au secteur jeunesse ». Le premier de ces deux axes interroge les pratiques de lecture sur supports numériques et mobiles (linéaire, savante, superficielle, hypertextuelle. . .) pour en saisir les modalités d’appropriation du contenu par le lecteur et d’effectuation (lieux de lecture, temps consacré à la lecture, gestion des lectures. . .), ceci afin d’en saisir les représentations. Le second permettra d’identifier les acteurs (développeurs, éditeurs, plateformes voire fabricant de matériels), leurs stratégies éditoriales et les différentes fonctions (commercialisation, diffusion, prescription, recommandation, etc.) des plateformes numériques.

9. Voir, pour cette question de reconnaissance et les traces documentaires, la préface de Louise Merzeau dans Reconnaissance et temporalités : une approche info-communicationnelle, sous la direction de Jean-Claude Domenguet, Valérie Larroche et Marie-France Peyrelong (Paris : l’Harmattan, 2015), 13

11. La prise en compte des retours et des observations des publics s’est effectuée par l’ensemble des moyens adaptés (enregistrements sonores, vidéos, questionnaires).

12. Les espaces numériques sont des lieux destinés à initier des publics divers aux outils numériques. Ces espaces sont gérés par des animateurs numériques.

13. Les modalités de sélection des applications et de communication autour de cette sélection seront présentées dans la partie résultats de l’analyse. [End Page 101]

14. Il s’est agi de sites concernant l’offre numérique jeunesse : Souris grise, DéclicKids et le Crak.

15. Ce livret est réalisé par la BML et présente une sélection d’applications avec des caractéristiques du type gratuit/payant, android/apple, contenu de l’application, imagette, etc. Ainsi que du texte explicatif de l’usage des tablettes en bibliothèque, suivi de références des ouvrages d’un pédo-psychiatre, spécialiste de la thématique « écrans et enfants ».

16. À ce stade du travail, les chercheurs ont participé, à côté du personnel de la BM Lyon, à la scénarisation des animations et à l’exploitation des applications dans le cadre de cet atelier. Cette observation participante a permis de mettre en lumière la manière dont le personnel envisage la médiation à la fois avec le support papier et numérique en adéquation avec une bonne connaissance de leur public. La BM Lyon est un réseau de 15 bibliothèques d’arrondissements ce qui montre la diversité du public selon les zones géographiques.

18. Le cas d’une recherche-action conduite à la Bibliothèque Municipale de Lyon depuis 2014 https://tablettesenbibliotheque.wordpress.com/ https://lecturenumenbib.wordpress.com/

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