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  • Esthétique de la langue française: la déformation, la métaphore, le cliché, le vers libre, le vers populaire by Remy de Gourmont
  • Éric Trudel
Remy de Gourmont, Esthétique de la langue française: la déformation, la métaphore, le cliché, le vers libre, le vers populaire. Édition d’Emmanuelle Kaës. (Bibliothèque de littérature du xxe siècle, 16.) Paris: Classiques Garnier, 2016. 254pp.

Remy de Gourmont fit paraître en 1899 au Mercure de France cet essai composite (le sous-titre énumératif l’indique d’entrée de jeu), pour en offrir six ans plus tard une version augmentée; c’est cette dernière qui est reprise ici, faisant pendant à un autre essai célèbre de Gourmont, ‘Le Problème du style’, publié en 2015 dans la même collection. On pourrait s’étonner que l’ouvrage, plusieurs fois réédité tout au long du vingtième siècle, ait continué de susciter un tel intérêt, là où d’autres représentants des ‘savoirs linguistiques contemporains’ (p. 10) ont depuis sombré dans l’oubli. Sa postérité reste pourtant indéniable, et ce n’est pas le moindre mérite de la longue Introduction que signe Emmanuelle Kaës de contextualiser utilement le travail de celui qui fut d’abord l’une des grandes figures du Symbolisme au sein de polémiques mêlant philologie, étymologie et néologie savante — et plus encore, sans doute, de la querelle opposant ‘la phonétique à la sémantique’ (p. 10) —, tout en soulignant l’originalité de cet ‘essai de combat’ (p. 14). Gourmont, en effet, en cherchant à ‘se dresser contre la coalition des mauvaises forces destructrices d’une beauté séculaire’ (p. 55) de la langue française, beauté qu’il jugeait inséparable de sa pureté d’origine, conçoit son Esthétique comme une nouvelle discipline scientifique et invente du même coup, s’il faut en croire Kaës, une figure inédite: celle de ‘l’écrivain éclairé par la science’ (p. 13). Sans doute la ‘simple opération de nettoyage’ (p. 94) préconisée par l’écrivain, comme les ‘palliatifs’ et les ‘remèdes’ (p. 92) proposés par un Gourmont nostalgique mais surtout hostile à toute influence linguistique étrangère (déplorant par exemple ‘des vocabulaires entiers [ . . .] gâtés par l’anglais’, p. 107) retiendront-ils moins l’attention du lecteur d’aujourd’hui (encore que . . .). Celui-ci risque également de parcourir les nombreuses (et très longues) listes d’exemples avec une curiosité mêlée, au mieux, de détachement. En revanche, plusieurs pages où éclate l’indignation et la verve comique de Gourmont envers la ‘laideur pédante’ (p. 94) de divers vocabulaires de son temps (médical, botanique, etc.) risquent de le réjouir. Consterné devant les termes ‘chondroptérygien’ ou ‘macrorrhynque’, Gourmont s’interroge, cinglant: comment a-t-on jamais souhaité ‘émettre de tels sons, volontairement?’ (p. 81). Mais l’actualité de cet essai plus que centenaire tient au chapitre sur le cliché, lequel, comme le remarque Kaës, fait ‘encore aujourd’hui la notoriété de l’Esthétique’ (p. 31), et dont l’influence sur Jean Paulhan — et à travers lui de nombreux écrivains — fut profonde. Plus largement, c’est peut-être pour cette tension entre ‘commun’ et ‘singulier’, entre ‘communauté’ et ‘littérature’, constamment à l’œuvre au fil des réflexions, et dont l’inextricable ambivalence est toujours, à bien des égards, soumise à notre propre perplexité, qu’il vaut la peine de relire Gourmont. L’excellente édition préparée par Kaës, qui l’accompagne d’un riche appareil de notes, nous en donne désormais l’occasion. [End Page 455]

Éric Trudel
Bard College
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