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  • Faiseurs d'histoire. Pour une histoire indisciplinée dir. by Philippe Gumplowicz, Alain Rauwel, and Philippe Salvadori
  • Christian Delacroix
Philippe GUMPLOWICZ, Alain RAUWEL, Philippe SALVADORI (dir.).–Faiseurs d'histoire. Pour une histoire indisciplinée, Paris, PUF, 2016, 276 pages.

Faiseurs d'histoire est un recueil, dirigé par Philippe Gumplowicz, Alain Rauwel et Philippe Salvadori, de treize textes « ego-historiques 3 », encadrés par un avant-propos (des directeurs de l'ouvrage ?) et une postface du sociologue Pierre Lassave. Ce recueil se réfère explicitement à l'exercice académique du « mémoire de synthèse des activités scientifiques » qui fait partie intégrante de l'habilitation à diriger des recherches (HDR) depuis 1990 en France. De ce point de vue, le livre s'inscrit dans un mouvement qui porte un intérêt renouvelé au je historien, et dont témoignent de nombreux travaux depuis les essais d'ego-histoire conçus et dirigés par Pierre Nora dans les années 1980. Le jugement porté dans l'avant-propos sur les « mémoires de synthèse des activités scientifiques »–ce « monceau de pacotilles » variant « le plus souvent de l'insipide au grotesque »–est sans doute inutilement dépréciatif, peut-être dans le but de valoriser les textes sélectionnés, ces « quelques perles de belle eau ». S'y ajoute une humeur unilatéralement anti-institutionnelle d'héroïsation historiographique des marges et des outsiders qui est non seulement un topos historiographique qui a déjà beaucoup servi mais qui peut également paraître inutilement polémique ou à tout le moins d'une efficacité heuristique incertaine. D'autant plus que le « sous-titre » du livre, Pour une histoire indisciplinée, semble lui donner des airs de programme épistémologique a-disciplinaire voire anti-disciplinaire. Remarquons tout de même que les outsiders choisis sont–à l'exception de Jean Lebrun–tous des outsiders de l'intérieur.

Dans tous les cas il peut sembler plus utile de considérer ces mémoires comme un corpus historique ordinaire (et donc devant être soumis aux mêmes procédures d'analyse critique que n'importe quel autre corpus), susceptible de contribuer à nourrir une véritable sociologie de la profession et une étude de l'historiographie et de ses évolutions, non plus fondée sur les écrits de quelques chefs de file mais ancrée dans la masse des parcours de recherche d'une génération d'historiens. Au reste, l'idée d'exploiter ces mémoires et de reprendre le sillon « ego-historique » est dans l'air du temps puisque, peut-on le rappeler aux concepteurs du livre, certains mémoires ont déjà été publiés comme des textes autonomes dans une collection dirigée par Patrick Boucheron aux Publications de la Sorbonne et qu'un programme financé par l'Agence nationale de la recherche, « Histinéraires », porté par Patrick Garcia, est en cours pour analyser le corpus constitué par l'ensemble des mémoires de synthèse des HDR.

Il ne s'agit pas pour autant de contester ou de sous-estimer l'intérêt de proposer au public un tel choix de textes qui ne relèvent pas tous de l'exercice du mémoire de synthèse. Ils démontrent avec brio l'intérêt de l'éclairage « ego-historique » pour mieux comprendre ce que faire de l'histoire veut dire, participant à leur manière à la réévaluation à la hausse de la place de la subjectivité de l'historien dans son travail et assumant, comme l'écrit Dominique Iogna-Prat, « l'irruption du je de l'historien dans son récit ». Sans oublier cependant que cette inflexion que l'on peut nommer « subjectiviste » en histoire a elle-même une (longue) histoire–je pense en particulier aux réflexions d'Henri-Irénée Marrou sur cette question–et qu'elle s'inscrit dans une conjoncture épistémologique où sont notamment réinterrogées à nouveaux frais les thématiques liées au je historien, celle des rapports entre histoire et littérature, [End Page 116] celle des usages publics de l'histoire et celle de la réflexivité historienne : ce...

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