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Reviewed by:
  • Wilhelm Röpke, l'autre Hayek. Aux origines du néolibéralisme by Jean Solchany
  • Philippe Légé
Jean SOLCHANY.–Wilhelm Röpke, l'autre Hayek. Aux origines du néolibéralisme, Paris, Publications de la Sorbonne, 2015, 572 pages.

Mort avant que Margaret Thatcher et Ronald Reagan ne soient élus, l'économiste allemand Wilhelm Röpke (1899-1966) n'a pas connu le triomphe de la pensée néo-libérale. Contrairement à son homologue autrichien Friedrich A. Hayek (1899-1992), Wilhelm Röpke demeure relativement méconnu en dehors de quelques cercles libéraux, conservateurs et libertariens. Rares sont les études qui lui sont consacrées, plus rares encore sont celles qui mettent en œuvre une méthode rigoureuse. L'ouvrage récemment publié par Jean Solchany relève de la seconde catégorie.

En écrivant la biographie d'un intellectuel néolibéral, Jean Solchany souhaite éclairer les origines du néolibéralisme, conçu à la fois comme une critique du « collectivisme » et comme « une idéologie radicale et utopique » développée par une nébuleuse d'intellectuels, de publications et de think tanks. L'auteur ambitionne donc d'apporter une contribution à l'histoire « de ce que l'on pourrait appeler le premier néolibéralisme des années 1930 aux années 1960 » (p. 26).

En raison du parcours de Röpke, ce travail prend la forme d'une biographie intellectuelle transnationale relevant à la fois de l'histoire politique et de la sociologie des intellectuels. Le fil conducteur de l'ouvrage est la construction de la légitimité de Röpke, « ou plutôt d'une série de légitimités » (p. 32). Cette construction n'est pas présentée suivant une approche chronologique. Les seize chapitres sont organisés en quatre parties. La première expose les raisons et les conséquences de l'exil de Röpke en Suisse, où il commence à enseigner à l'automne 1937. Afin d'évaluer l'effet de cette expérience de l'émigration sur la trajectoire de l'économiste, la deuxième partie procède à un retour sur sa formation et ses débuts durant les années weimariennes. Ses engagements contre le « collectivisme » sont analysés dans une troisième partie. Celle-ci décrit non seulement la participation de Röpke au colloque Walter Lippmann et aux débats de la Société du Mont-Pèlerin, mais aussi ses contributions à la lutte antisyndicale ou son soutien au régime d'apartheid sud-africain. La fin de l'ouvrage tente de définir « qui était donc Wilhelm Röpke ».

Prêtant une attention particulière aux conditions de production et aux modes de diffusion des idées néolibérales, l'ouvrage propose une interprétation du néolibéralisme se démarquant explicitement des travaux de Michel Foucault 2. Rappelant que ce dernier s'est « contenté d'une documentation assez légère », l'auteur estime que sa « maîtrise superficielle de l'objet » a engendré une « restitution du néolibéralisme contestable à certains égards » (p. 22). Selon Jean Solchany, les inexactitudes de la lecture foucaldienne de Röpke ont pour principale conséquence d'occulter la dimension conservatrice et antimoderne de ce penseur. [End Page 113]

L'ouvrage demeure lisible en dépit de son format très académique et de l'abondance des sources primaires qu'il mobilise. Auteur prolifique, Röpke a publié environ mille articles et une vingtaine d'ouvrages. Il faut y ajouter plusieurs milliers de lettres. Jean Solchany parvient à retracer l'itinéraire de Röpke et à poser habilement les principaux problèmes liés à l'interprétation de son œuvre. En raison de sa richesse, l'ouvrage a de nombreuses portes d'entrée et les lecteurs ne seront pas nécessairement intéressés par tous ses aspects. Certains ne seront pas passionnés par la méticuleuse description de la vie intellectuelle helvétique des années 1930. D'autres ne liront peut-être pas les chapitres consacrés aux premiers pas de Röpke comme économiste dans le contexte de l'Allemagne de Weimar. Tous les chapitres sont pourtant remarquables...

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