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  • Peinture et esthétique religieuse dans l'œuvre de Chateaubriand par Olivier Catel
  • Philippe Antoine
Peinture et esthétique religieuse dans l'œuvre de Chateaubriand. Par Olivier Catel. (Romantisme et modernités, 166.) Paris: Honoré Champion, 2016. 660 pp.

Olivier Catel, dans ce copieux ouvrage issu de sa thèse (Lyon III, 2007), analyse les rapports que l'œuvre de Chateaubriand entretient avec la peinture. Une enquête est en premier lieu menée sur le musée imaginaire de l'auteur qui a fait de lui un écrivain-peintre composant des tableaux figurant un idéal esthétique et religieux adosséà une tradition picturale. Catel parcourt les 'galeries' que le descripteur disperse dans son texte. On y admire des figures féminines, des représentations des sacrements et mystères de la foi, des épisodes de Vies de saints . . . qui ne se réduisent pas à des ekphrasis au sens strict du [End Page 276] terme: le chrétien iconophile qu'est Chateaubriand trouve dans les sources picturales un principe d'organisation servant une refondation esthétique et religieuse. De l'étude de cette matière qui nourrit de manière oblique un imaginaire se déduit une analyse du faire descriptif. Se déploie alors une approche diachronique organisée en trois périodes: celle de la couleur (le cycle américain), de la lumière (Les Martyrs, l'Itinéraire et des pans entiers de l'œuvre posthume) et de l'ombre (Vie de Rancé et derniers livres des Mémoires d'outretombe). Les révolutions artistiques qui ponctuent l'œuvre sont indissociables, pour Catel, de la pensée religieuse de l'écrivain. En quelques pages très denses le critique ressaisit son hypothèse en confrontant les Quatre Saisons de Poussin et la succession des paysages créés par un auteur dont la poétique correspondrait au génie du peintre français. Vient enfin l'examen d'une catégorie, le sublime, qui ne se comprend que dans la relation qu'elle entretient avec la foi, l'art et le projet littéraire. Une analyse nuancée des différentes acceptions de la notion aboutit à montrer comment Chateaubriand engrange un héritage esthétique pluriel qu'il fait fructifier, entre tradition et modernité, sans établir de solution de continuité entre histoire, philosophie et théologie. Àce stade paraissent des considérations fécondes sur la manière dont l'écrivain parvient à faire entendre sa voix en créant un sublime d'un nouveau type qui s'émancipe du modèle pictural. L'écrivain-peintre fait disparaître le cadre, fragmente la représentation, approche ce qui échappe à toute tentative de figuration. On pourrait certes fragiliser quelques-unes des positions défendues en reprenant la division en 'périodes' qui ne rend pas compte d'une pensée qui, de l'Essai historique à la Vie de Rancé, ne suit pas un trajet rectiligne. Tout aussi systématique paraît le lien de cause à effet posé entre un 'sentiment religieux', qu'il n'est possible d'appréhender que par le biais de sa mise en mots, et l'esthétique qui en découlerait: la démarche pourrait ici être renversée. Enfin, l'assimilation entre la plume et le pinceau est posée rapidement: des éléments de poétique comparée auraient permis de faire le départ entre arts de l'espace et arts du temps et de préciser la dénomination 'écrivain-peintre' qui constitue le fil directeur de l'étude. Reste l'essentiel, à savoir un essai pertinent qui parvient à convaincre le lecteur du bienfondé d'un rapprochement jusqu'ici peu abordé entre la peinture et l'œuvre de Chateaubriand.

Philippe Antoine
Université Blaise Pascal (Clermont-Ferrand II)
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