Abstract

Résumé:

Cet article analyse l'écriture d'Éric Chevillard, considérée comme problématique par la critique contemporaine, sous un angle économique. Il montre que son œuvre entière, conçue comme dépense somptuaire de signifiants, refusant toute logique référentielle et s'inscrivant de fait dans une certaine tradition (Georges Bataille notamment), connaît un bouleversement significatif lorsque l'auteur se trouve confronté au réel (voyage au Mali) et veut en rendre compte avec Oreille rouge (2005). Contraint de faire du référentiel, Chevillard opte pour une stratégie qui lui permet de surmonter l'obstacle (mise en abyme par l'interpolation du personnage d'Oreille rouge, figure d'auteur partant en Afrique pour en tirer un poème), mais qui dévoile aussi les rouages de son œuvre: écrire pour publier, c'est projeter le vécu dans l'économique. Cette effraction du réel dans le système clos de son écriture affecte la production subséquente de l'auteur: Démolir Nisard (2006) s'attaque à un personnage double, écrivain-voyageur et critique littéraire, et cette lutte se prolonge dans L'Auteur et moi (2012): la problématique de la littérature référentielle rejoint celle du travail critique. Dans les deux cas, il s'agit toujours d'accumuler un capital référentiel à faire fructifier, et c'est précisément le propre de l'écriture de Chevillard que d'échapper à ce mode de production.

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