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  • Les Gillet de Lyon. Fortunes d'une grande dynastie industrielle (1838-2015) by Hervé Joly
  • Denis Woronoff
Hervé Joly. – Les Gillet de Lyon. Fortunes d'une grande dynastie industrielle (1838-2015), Genève, Droz, 2015, 510 pages. « Publications d'histoire économique et sociale internationale ».

Les Gillet de Lyon appartiennent à ces grandes dynasties qui ont tardé à susciter une investigation approfondie des historiens. Pourtant cette famille, entrée en industrie en 1838, n'a quitté qu'en 1976 les métiers du textile et de la chimie dont elle a été un moment, en France, le pôle dominant. Faut-il penser que le silence des sources a découragé les chercheurs? Il est vrai que des archives internes, propres à construire un récit cohérent et chiffré, il ne reste que des lambeaux. Mais l'auteur a su mobiliser d'autres archives, telles que les dossiers fiscaux, les actes notariés, les papiers des tribunaux de commerce, ceux de l'Enregistrement, les rapports des banques et les archives des entreprises partenaires. Au terme d'un parcours dans des archives où d'autres auraient perdu le souffle, Hervé Joly, spécialiste de l'histoire du patronat au XXe siècle, présente une riche saga.

D'où viennent-ils? François, le fondateur, est né en 1813 dans une famille de paysans du Beaujolais. Son père est illettré, mais il a quelques biens. Cela lui permet d'envisager pour son fils aîné une acculturation aux savoirs de la ville et un changement possible de condition. La chance de François Gillet aura été qu'en 1830, un cousin éloigné de sa mère, teinturier en soie dans le quartier Saint-Jean à Lyon, lui propose un contrat d'apprentissage de trois ans. Le voilà engagé, et après lui, [End Page 157] quatre générations de Gillet, dans cette industrie des colorants pour textile et dans sa version de luxe, la soie en noir. À défaut de capitaux, la famille offre au moins l'esquisse d'un réseau qui peut soutenir François Gillet. Son mariage en 1840 avec la fille d'un cultivateur aisé lui promet davantage de moyens. Après avoir travaillé trois ans dans une grande maison lyonnaise de teinture, il crée en 1838 son propre atelier aux Brotteaux, en s'associant à un autre ouvrier.

Les formes de la transmission de la propriété industrielle, d'une génération à l'autre, ont été un élément structurant de la famille élargie des Gillet. Ces entités doivent, pour survivre, éviter la dispersion des moyens et du pouvoir de décision. Surtout, les besoins financiers de ces multiples ateliers sont lourds. Les responsables doivent pouvoir accéder à toutes les ressources du réseau. Hervé Joly décrit les choix individuels et collectifs en montrant comment les Gillet ont su construire un système solide, dans la durée. En fait, la sœur et le frère cadet du fondateur, restés cultivateurs, se tiennent à l'écart. François a le champ libre pour avantager progressivement son fils aîné, Joseph, au détriment du cadet. Cette mise à l'écart de la branche cadette et de la branche féminine traduit bien de « petits arrangements avec l'égalité successorale ». Joseph peut rétablir l'équilibre en transmettant à ses quatre héritiers, fille comprise, des parts égales de son affaire. Ce sera désormais la règle pour les descendants de Joseph. Une société en nom collectif, puis des sociétés anonymes qui naissent à chaque acquisition ou création d'un site de production, donnent la structure juridique indispensable. Si le mariage a été longtemps l'alliance de deux beaux-pères, pour François l'aîné, ce sera, pour presque vingt ans, l'alliance désastreuse avec ses deux beaux-frères, dans son atelier de teinture en noir. Cet échec n'a-t-il pas été compensé, et au-delà, par la politique des mariages de la dynastie? On aurait aimé en savoir plus à ce sujet. En tout cas, aucune crise interne n'a secoué par la suite le monde des Gillet, à la différence des Schneider.

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