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Reviewed by:
  • Culture et immigration. De la question sociale à l'enjeu politique, 1958-2007 by Angéline Escafré-Dublet
  • Muriel Cohen
Angéline Escafré-Dublet. – Culture et immigration. De la question sociale à l'enjeu politique, 1958-2007, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014, 259 pages. « Histoire ». Préface de Jean-François Sirinelli.

L'ouvrage d'Angéline Escafré-Dublet vient compléter celui d'Amelia Lyons 8. Cette recherche s'intéresse en effet également au volet social de la politique menée à l'égard des étrangers, mais en se penchant cette fois-ci sur sa dimension culturelle, ce qui constitue une perspective originale. L'auteure situe elle aussi son objet à la [End Page 135] rencontre entre immigration, décolonisation et construction de l'État social, mais avec un décalage chronologique puisque sa recherche s'ouvre en 1958 et porte principalement sur le moment de politisation de la question immigrée à partir des années 1970 (la période 1989-2007 n'est traitée que rapidement en conclusion, malgré le titre de l'ouvrage). Elle interroge le contenu d'une politique culturelle à l'égard des étrangers dans le cadre du « modèle républicain d'intégration » français et met au jour les hésitations des autorités en ce domaine. Son travail se veut un moyen de questionner les frontières de « l'identité nationale » et les critères culturels de « l'assimilation ». Le fil rouge qui guide sa recherche est de déterminer dans quelle mesure la « culture des immigrés » renvoie dans l'esprit des pouvoirs publics à un mode de vie spécifique – soit une interprétation anthropologique de la culture – ou à des formes d'expression artistique.

Pour traiter ces questions, l'auteure s'est appuyée sur les archives du ministère de la Culture, du secrétariat d'État aux Travailleurs immigrés (SETI), du Fonds d'action sociale (FAS) et d'autres ministères, et analyse en particulier très finement les différents rapports produits pour le compte de ces institutions. Elle a aussi eu recours à des entretiens richement exploités qui lui permettent d'aborder la période postérieure aux années 1980. La bibliographie fait la part belle aux travaux américains. Le plan suivi, qui s'appuie sur une chronologie précise de l'histoire politique et sociale de l'immigration en France métropolitaine, est bien choisi.

La première partie est consacrée à la période 1958-1968, « temps de l'adaptation ». La politique culturelle de l'époque est caractérisée par le développement d'une action sociale qui vise à adapter au monde urbain moderne des populations issues d'un monde rural jugé archaïque (chapitre 1). Comme A. Lyons, Angéline Escafré-Dublet montre que les Algériens demeurent après l'indépendance une catégorie spécifique d'intervention sociale malgré l'élargissement des publics visés. Mais, par rapport au travail précédent, il apparaît que cette action culturelle passe par l'accès à la culture des loisirs (télévision, magnétophones, babyfoot) et insiste sur l'action développée à l'égard des jeunes. Après les indépendances au Maghreb, le maintien de structures d'encadrement sociales et culturelles s'explique par la volonté d'empêcher que les États d'origine contrôlent politiquement leurs ressortissants, via leur consulat ou des associations, comme l'Amicale des Algériens en Europe (AAE). L'action sociale vise désormais du côté français à une amélioration des conditions d'installation plutôt qu'à une tentative d'assimilation, dans un contexte de concurrence pour la main-d'œuvre au niveau européen. La culture immigrée n'a alors nullement sa place dans les musées, les administrateurs de la Culture considérant que l'art doit avoir une valeur universelle – entendez occidentale –, et ne saurait être issue des cultures dominées. Le chapitre 2 revient sur le contrôle exercé par les pays d'origine sur les ressortissants, à travers une comparaison stimulante entre l'action de l'Algérie sur ses ressortissants en France et celle du Mexique sur les siens aux...

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