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  • Violence ordinaire dans l'Algérie coloniale. Camps, internements, assignations à résidence by Sylvie Thénault
  • Alain Messaoudi
Sylvie Thénaulta. – Violence ordinaire dans l'Algérie coloniale. Camps, internements, assignations à résidence, Paris, Odile Jacob, 2012, 384 pages.

Avec ce livre, Sylvie Thénault présente les conclusions d'une réflexion sur l'arbitraire et la violence ordinaire en situation coloniale, dans le prolongement de ses précédents travaux sur la justice2 et sur les camps d'internement pendant la guerre d'indépendance algérienne3. En quittant l'échelle des années de guerre ouverte pour considérer la période coloniale dans son ensemble, en envisageant conjointement les politiques menées en France et celles en œuvre en Algérie tout en réfléchissant sur l'inscription de ces dernières dans le cadre plus large de l'Empire colonial, ce sont de nouvelles perspectives qu'elle dessine. Prenant soin d'éviter l'écueil d'une perspective téléologique qui ne retiendrait du passé que ce qui semblerait pouvoir expliquer le présent, l'auteure choisit de présenter dans une première partie la pratique de l'internement administratif à son « âge d'or », celui du statut de l'indigénat entre 1880 et 1914. Elle fait ensuite retour sur ses origines depuis 1830 avant de consacrer une troisième partie aux évolutions après 1914 et l'apparition des camps d'internement. Chaque partie est introduite par une séquence narrative qui reconstitue les tribulations d'Algériens (c'est le terme que l'auteure préfère utiliser plutôt qu'indigènes ou musulmans) qui ont été l'objet de mesures d'internement administratif.

L'internement, « prison agrandie, à l'usage des suspects que la loi commune aurait épargnés » selon la définition du Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, est-il une spécificité de la situation coloniale? Sylvie Thénault montre qu'il se fonde [End Page 127] sur des normes et des catégories de pensée communes à la métropole et à sa colonie. Bien que le pouvoir arbitraire du souverain, symbolisé par les lettres de cachet, ait été dénoncé par la France révolutionnaire, il est à nouveau réaffirmé, le peuple ayant été substitué au roi, par la loi des suspects d'octobre 1793. Quand, après une dernière application en juin 1848 et au lendemain du coup d'État du 2 décembre 1851, ce pouvoir arbitraire disparaît de métropole avec l'élargissement progressif du champ de l'autorité judiciaire et la définition d'une catégorie d'infractions « politiques », l'Algérie est encore sous administration militaire. Mais quand cette dernière cède la place à une administration civile, la possibilité de recourir à une répression arbitraire est conservée par le biais d'une législation concernant spécifiquement les sujets « indigènes ». Cette législation confère aux administrateurs de communes mixtes et aux juges de paix des « pouvoirs disciplinaires » largement utilisés (on compte en moyenne chaque année 25 000 amendes ou incarcérations de courte durée dans les années 1900-1910). Elle autorise le gouverneur général à prononcer « l'internement » (en moyenne 200 décisions par an), pour moitié assignations à résidence, pour moitié détention dans des « pénitenciers indigènes ». Placés sous administration militaire, avec un régime à la Biribi, ces pénitenciers renferment en 1903 de 100 à 180 détenus. Les projets de réforme du code pénal (on pense à y introduire la « police indigène » de façon à éviter un « statut de l'indigénat ») et les critiques qui s'élèvent contre les mesures d'exception témoignent de ce que l'Algérie n'échappe pas au mouvement général de judiciarisation. La loi du 15 juillet 1914 n'autorise plus que la mise en surveillance spéciale – pour une durée maximale de deux ans, avec pour motifs exclusifs la demande d'argent en échange de la restitution du bétail volé (bechâra), les prédications politiques ou religieuses, les menées attentant à la...

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