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  • Les colonnes infernales. Violences et guerre civile en Vendée militaire (1794-1795) by Anne Rolland-Boulestreau
  • Anne Simonin
Anne Rolland-Boulestreau Les colonnes infernales. Violences et guerre civile en Vendée militaire (1794-1795) Paris, Fayard, 2015, 335 p.

«Depuis la Révolution, rien n'a plus divisé le peuple français que la Vendée, si ce n'est Vichy», écrit David Bell1. Ce n'est pas Anne Rolland-Boulestreau qui le démentira dans le livre qu'elle consacre à l'une des formes les plus férocement mortifères de la guerre, les onze [End Page 1013] colonnes mobiles baptisées «colonnes infernales» du général en chef Louis-Marie Turreau qui, entre janvier et mai 1794, vont sillonner la Vendée et se rendre coupables de multiples exactions. Une corrélation est accablante: 60 % des massacres déclarés par les généraux républicains en Vendée militaire ont eu lieu entre fin janvier et fin avril 1794. Mais aucun chiffre précis, ce qui constitue l'une des caractéristiques de cet affrontement: alors que ce qui se déroule en Vendée est vite nommé «guerre» par Bertrand Barère à la barre de la Convention le 23 mars 1793, le nombre des morts est aujourd'hui encore sujet à d'âpres débats. Si A. Rolland-Boulestreau cite les chiffres discutés – entre 140 000 et 190 000 morts selon Jacques Hussenet; entre 220 000 et 250 000 selon Jean-Clément Martin –, elle ne propose pas de nouveau bilan chiffré de la guerre et de la totalité des pertes que celle-ci a engendrée tout en admettant que la «Vendée militaire a perdu de 20 à 30 % de sa population entre mars 1793 et mai 1795», date de la conclusion des traités de paix (p. 76).

Les oppositions persistantes sur le bilan chiffré de la Vendée militaire sont d'autant plus étonnantes que l'historien dispose, a priori, de sources de première main en grand nombre, et ce depuis longtemps. L'un des officiers de la guerre de Vendée, Jean-Julien Savary, n'a-t-il pas publié, dès 1824-1825, «six volumes [de] sources qui couvrent l'ensemble de la guerre, de mars 1793 à octobre 1796», rassemblant «deux mille six cent dix-huit documents […] de différentes natures» (p. 13), dont 599 rapports émanant des généraux sur le terrain parmi lesquels 97 fournissent «un bilan des ennemis tués» (p. 73)? Alors pourquoi est-il si difficile d'établir le bilan total des morts? Peut-être parce que la Vendée militaire reste, comme l'écrit J.-C. Martin, cet événement de quelques mois qui interroge «le sens même de la Révolution2».

Le livre d'A. Rolland-Boulestreau est riche de nouveaux aperçus sur la déshumanisation de l'ennemi, notamment par le biais de la thématique de la rage, qui «est, au final, la maladie qui s'applique le mieux aux Vendéens» (p. 52). Le chapitre consacré à la prosopographie des généraux de la Vendée interroge de façon convaincante certains stéréotypes. Les officiers républicains engagés dans cette guerre civile ne sont pas «des hommes sanguinaires, brutaux, à la corruption évidente et aux mœurs dépravées, du pillage à l'assassinat, du viol à l'ivresse attestée» (p. 166). Pour 70 % d'entre eux, ils ont été formés dans l'armée de l'Ancien Régime et, provenant de la classe moyenne, ils ne se distinguent pas des autres officiers républicains qui servent, à la même époque, sur d'autres fronts. Tous entretiennent la même ambivalence vis-à-vis de la guerre, qui représente à la fois un «accélérateur de carrière» et un «devoir accompli» (p. 167).

D'où vient toutefois la légère insatisfaction qui subsiste à la lecture d'un ouvrage dans lequel on espérait découvrir la réponse à la question – qu'est-ce que la guerre menée par la Révolution en Vendée? – et son corollaire – qu'estce qu'un Vendéen...

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