In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Citizens Sailors: Becoming American in the Age of Revolution by Nathan Perl-Rosenthal
  • Alain Cabantous
Nathan Perl-Rosenthal Citizens Sailors: Becoming American in the Age of Revolution Cambridge, The Belknap Press of Harvard University Press, 2015, 372 p.

Tout en s'inscrivant dans le sillage d'études historiques de plus en plus nombreuses consacrées à l'identité individuelle et à la citoyenneté, le travail de Nathan Perl-Rosenthal présente l'originalité de saisir le problème à partir du [End Page 1018] monde singulier des marins; une population migrante, aux origines entrecroisées, confrontée aux guerres, spécialement au cours de la période brève mais conflictuelle de 1773 à 1812. Le choix même de cette temporalité souligne clairement la part des contextes économique, militaire et politique dans la construction de la notion d'appartenance nationale.

En effet, dès le commencement de la guerre d'Indépendance, chacun des principaux belligérants, la France comme le Royaume-Uni, souhaitait savoir à qui il avait affaire lorsque leurs navires arraisonnaient des bâtiments de course ou de commerce, dont beaucoup d'équipages étaient souvent formés de non-régnicoles. Le flou entourant le statut de ceux qui étaient prisonniers ou rançonnés et la vulnérabilité de leur situation les conduisirent peu à peu à rechercher des critères de citoyenneté. Jusqu'autour des années 1775, qu'il s'agisse des royaumes de France, d'Angleterre ou d'Espagne, tout marin né dans l'une de leurs colonies était tenu ipso facto comme un sujet du souverain. La concurrence sévère entre les puissances maritimes et le manque de gens de mer nécessitèrent des assouplissements. Ainsi, au Royaume-Uni, tout matelot né à l'étranger pouvait devenir un sujet de Sa Majesté au bout de deux années de navigation ou après son mariage avec une Anglaise.

Les choses se complexifièrent avec le commencement de la guerre d'Indépendance et le Prohibity Act de 1775 qui établit un blocus commercial contre les treize colonies. À titre d'illustration, l'auteur cite longuement l'exemple de La Louise. Bien que ce navire et sa cargaison fussent la propriété de deux marchands de Londres, un corsaire britannique l'arraisonna et le considéra de bonne prise à la fois parce que le bâtiment se dirigeait vers les colonies interdites et que son capitaine se disait américain. Au-delà de ce cas particulier, des interrogations plus larges se posaient aux autorités: les équipages ainsi capturés seraient-ils désormais jugés pour trahison et même pour piraterie ou libérés afin d'être engagés dans la Navy? Mais, dans ce cadre général, il fallait aussi prendre en compte la complexité des trajectoires personnelles. Un matelot pouvait par exemple être né en Angleterre ou en Irlande avant d'émigrer très jeune vers une colonie d'outre-Atlantique, ou avoir fait le chemin inverse. Pris dans les rais de la guerre, qui étaitil vraiment et quels motifs guidaient ses choix de service?

À travers un traitement abondant de documentations anglaises et américaines surtout, N. Perl-Rosenthal montre que l'établissement de la nationalité des marins avait d'abord procédé de facteurs empiriques ou subjectifs, avant de bénéficier d'une codification instaurée par la jeune république états-unienne. En effet, la prononciation de la langue, le vêtement, voire le tatouage (l'aigle américaine par exemple) ou la célébration ostentatoire des victoires de la nation organisée par les prisonniers, aussi symboliques fussent-elles, s'avéraient par trop aléatoires et bien peu protecteurs pour les gens de mer captifs des Anglais ou des Français. Même les réponses fournies par ces hommes aux questions des autorités («avec qui faisaient-ils du commerce?», «à [quel souverain] avaient-ils promis leur loyauté?») ne pouvaient être des éléments totalement probants pour faire valoir leur droit.

Cette situation incertaine ne s'arrangea guère après 1793, puisque le gouvernement révolutionnaire français tint alors pour suspect tout marin américain débarqué dans un port de la toute...

pdf

Share