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  • Les Allemands à Venise (1380-1520) by Philippe Braunstein
  • Catherine Kikuchi
Philippe Braunstein Les Allemands à Venise (1380-1520) Rome, École française de Rome, 2016, 975 p.

Le dernier ouvrage de Philippe Braunstein couronne des années d'investigation et marque aussi le point d'aboutissement de sa carrière d'historien. Celui-ci a consacré depuis les années 1960 de nombreux travaux et articles à la communauté allemande de Venise à la fin du Moyen Âge, après avoir débuté par l'étude des familles marchandes nurembergeoises présentes à Venise, puis s'être focalisé sur la colonie allemande dans la ville, son identité et son insertion urbaine. L'auteur a ainsi brossé par touches successives le portrait vivant d'une communauté nationale mouvante et essentielle pour le commerce international de la fin du xive et du xve siècle. Cela l'a ensuite conduit à des travaux majeurs sur le commerce du fer, [End Page 998] sur les mines et, de façon générale, sur l'organisation du travail dans les derniers siècles du Moyen Âge. Cependant, ces recherches n'avaient jamais été rassemblées en une seule étude d'ensemble; c'est désormais chose faite.

Ce sont bien cinquante années de recherche qui se trouvent concentrées dans ce volume. Le sujet est vaste: il s'agit de retracer l'existence sociale, économique et culturelle de la communauté allemande à Venise depuis les années 1380 jusqu'aux années 1520. Cette communauté compte plusieurs milliers d'individus, dont certains des plus grands marchands internationaux européens, mais aussi des artisans ou des ouvriers sans qualification. La nation allemande a pour point de ralliement le Fondaco dei tedeschi près du pont du Rialto, mélange d'auberge, d'entrepôt et de bourse, où les marchands allemands commerçaient et résidaient; mais les individus d'origine germanique sont éparpillés dans bien d'autres quartiers de la ville. Le sujet est donc d'une grande richesse mais aussi d'une grande complexité.

La dénomination même d'Allemand est problématique à une époque où l'Allemagne politique n'existe pas et où le Saint-Empire n'en est qu'un très imparfait ancêtre, et cette question a nécessité une mise au point. La variété des termes utilisés pour désigner cette population – teutonicus, germanus, alemanus… – a conduit l'auteur à choisir une définition large et flexible regroupant les individus qui sont désignés par ces qualificatifs et ceux qui parlent une langue germanique; du point de vue des marchands, ce sont ceux qui, reconnus par les autorités vénitiennes, contribuent aux débouchés économiques de l'autre côté des Alpes. Cette définition, qui a été explicitée dans des articles mais qui est assez peu discutée dans ce volume, permet néanmoins une vision souple et dynamique de cette communauté.

L'ouvrage suit différentes étapes clairement identifiées. Il s'agit d'abord de comprendre comment les Allemands arrivent dans la Sérénissime, puis de s'intéresser aux relations économiques entre les villes allemandes et Venise, à travers notamment l'institution du Fondaco, les sociétés d'affaires qui y résident, la sociabilité et les pratiques qui s'organisent au Rialto autour de ces acteurs. L'auteur se concentre ensuite sur des cas particuliers de ces relations économiques et sur l'organisation sociale de la communauté allemande, étudiée principalement à partir des testaments des archives vénitiennes où les Allemands sont présents. Son étude se clôt au début du xvie siècle, au moment où le centre de gravité économique européen commence à se déplacer et où les relations de Venise avec les villes allemandes accompagnent ce changement.

Les travaux de P. Braunstein s'inscrivent dans les pas d'une génération d'historiens de l'économie à la fin du Moyen Âge. L'influence de Fernand Braudel se ressent même si les historiens de Venise ont depuis longtemps remis en question le tableau que celui-ci faisait de l'économie lagunaire. En revanche, la mise en lumi...

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