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Reviewed by:
  • Cabanis, comprendre l'homme pour changer le mondeby Mariana Saad
  • Marie Gaille
Cabanis, comprendre l'homme pour changer le mondeMariana Saad Paris, Classiques Garnier, coll. « Histoire et philosophie des sciences », N° 10, 2016, 309 p., 37 €

Mariana Saad propose, dans cette monographie, un parcours dans l'œuvre de Cabanis, destiné à mettre en évidence ses orientations majeures et son originalité. Elle nous donne les clés de compréhension d'un projet qui noue politique, médecine, anthropologie. M. Saad présente en premier lieu la figure du médecin définie par Cabanis. Celui-ci est un interprète de la « vie tout entière ». Elle présente à cette occasion l'une de ses thèses majeures : l'idée selon laquelle « la sensibilité est pour l'être vivant le signe de sa propre vie » et « se confond avec la vie même » (p. 54). En analysant les différents aspects du métier de médecin, M. Saad montre que la médecinene saurait, chez lui, s'envisager indépendamment d'une [End Page 271] anthropologie– caractérisée par la sensibilité, le rapport à l'environnement, le caractère indissociable du physique et du moral.

M. Saad revient ensuite à la première caractérisation de ce métier, l'interprétation des signes. Les qualités d'observation sont essentielles au médecin, idée que Cabanis associe notamment à Hippocrate : observer, ce n'est pas seulement identifier de façon fine les phénomènes, les décrire, mais être aussi capable, « sans forcer le sens » (p. 80), de proposer des « généralités ». Analysant cette relation entre langage et maladie chez Cabanis, M. Saad nous fait aborder le thème de la clinique chez Cabanis pour qui l'œil perspicace du médecin s'acquiert avant tout de façon pratique, au chevet du patient.

Cette conception de la connaissance médicale suscite un questionnement relatif à la « généralité » obtenue grâce à l'observation. Cabanis considère que la médecine relève d'une connaissance probabiliste et apte à incorporer l'étude des influences (climat notamment, mais aussi lieu d'habitation, alimentation, mode de vie, sexe, travail et occupation, âge, habitudes de tous ordres). Ce questionnement sur le type de connaissance générale propre à la médecine confère par ailleurs une place essentielle au cerveau, organe de transformation des sensations et de production des idées et des passions.

Saisissant cette opportunité d'étudier la place accordée par Cabanis au cerveau, M. Saad introduit une thématique chère à ce dernier, celle de la folie : l'organe cérébral peut lui-même, en effet, basculer dans l'état pathologique. Contemporain – et proche de – Pinel, Cabanis envisage la folie comme un dysfonctionnement de la sensibilité.

Par ailleurs, fidèle à l'idée selon laquelle les circonstances jouent un rôle dans l'avènement d'une maladie, y compris dans le cas de la folie et de ses diverses formes, Cabanis a également avancé la thèse du rôle pathogène de certaines organisations politiques. C'est à partir de cette thèse que le médecin ajoute à son art de soigner une fonction politique. Comme le montre M. Saad en analysant le discours réformateur de Cabanis, celui-ci a contribué à l'histoire longue des conceptions du corps politique, en lui appliquant sa description du corps humain dominé par la sensibilité et une dynamique vitale.

Pour comprendre comment, in fine, Cabanis fait retour, à partir de cette conception d'une médecine politique, vers le discours anthropologique, M. Saad nous invite à nous tourner vers les ambitions de la révolution de 1789, irriguées par l'idée du bonheur pour tous et de l'éducation des facultés humaines.

Le parcours que propose M. Saad dans l'œuvre de Cabanis présente de façon claire, précise et convaincante les principales thèses formulées par celui-ci. Elle en éclaire notamment la singularité, à [End Page 272]travers un important travail de contextualisation et de confrontation théorique. Cabanis prend ainsi place dans une série de dialogues, avec ses contemporains, les idéologues, les...

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