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  • Fragiles ou contagieuses : Le pouvoir médical et le corps des femmes by Barbara Ehrenreich
  • Andrée Rivard
Fragiles ou contagieuses : Le pouvoir médical et le corps des femmes Barbara Ehrenreich et Deirdre English (traduit par Marie Valera) Paris: Cambourakis, 2016, 160 p., 18 €

Durant les années 1970 aux États-Unis, Barbara Ehrenreich et Deirdre English, des militantes du mouvement pour la santé des femmes, ont écrit ensemble une série d'essais mettant au jour la contribution de l'institution médicale dans la définition des rôles de genres et ses rapports d'exploitation à l'égard des femmes à titre de soignantes et de prestataires de services. Leurs réflexions, qui ont largement dépassé les frontières des États-Unis, ont eu la vie longue comme l'attestent les nombreuses rééditions de leurs livres et les débats qu'ils continuent de susciter. Fragiles ou contagieuses, publié pour la première fois en 1973, appartient à cette série.

Dans une perspective matérialiste, Ehrenreich et English s'appuient sur l'histoire des femmes aux États-Unis durant les années 1865 à 1920 environ (un moment charnière où la médecine se professionnalise et le sexisme passe d'une légitimation religieuse à une légitimation biomédicale) pour montrer le rôle central de la médecine dans [End Page 267] la diffusion du système sociopolitique de genre, en recourant aux préjugés d'ordre biologiques et à la peur. Tout en soulignant la fragilité des femmes des classes supérieures – justifiant leur passivité et leur confinement à la sphère privée–, les médecins ont désigné les femmes des couches inférieures comme vecteur des tares génétiques et des maladies contagieuses. En particulier, les couturières, les domestiques et les prostituées étaient soupçonnées de transmettre ces maladies, dont parmi les plus graves, la typhoïde et les maladies vénériennes. Les femmes des classes élevées en sont elles-mêmes venues à s'inquiéter de la conséquence de la présence des pauvres sur la santé des villes. « Si la femme de la classe moyenne supérieure avait des problèmes de santé, la femme de la classe ouvrière, elle, était un problème de santé » (p. 82-83). Ainsi, la médecine a non seulement soutenu l'idéologie sexiste, mais elle a contribué à diviser les femmes WASP (White Anglo-Saxon Protestant) appartenant aux classes moyenne et supérieure et les femmes ouvrières, immigrées et racisées, particulièrement marquées par la pauvreté. Pendant que les femmes « fragiles » des classes aisées se voyaient attribuer des maladies fabriquées sur mesure pour elles, montrant la nécessité de leur prise en charge médicale et sociale, et qu'elles recevaient plus de soins médicaux que nécessaire (subissant de surcroît des traitements souvent inefficaces et même délétères), les plus pauvres étaient exposées à des conditions de vie et de travail périlleuses pour leur santé et n'avaient qu'un accès extrêmement limité aux médecins (le cas échéant, ces contacts n'étaient pas nécessairement avantageux, notamment dans les hôpitaux publics où des soins inappropriés et le manque d'hygiène pouvaient hypothéquer leur survie). Cette démonstration s'étaye dans les trois premiers chapitres du livre.

Grâce à cette analyse historique, les auteures espèrent que leurs contemporaines comprendront mieux la nature de la relation qu'elles entretiennent avec le système de santé. Ainsi, dans le quatrième et dernier chapitre du livre, elles établissent des parallèles entre le présent (1973) et le passé. Elles notent par exemple que les femmes des classes moyennes et supérieures ont continué d'être une clientèle privilégiée par les médecins, que leurs capacités reproductives sont toujours sous leur loupe tout comme leur prétendue faiblesse mentale, que les plus pauvres sont encore traitées comme des problèmes de santé publique, etc. Dans le contexte d'un système médical toujours aussi discriminatoire, elles proposent aux...

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