Abstract

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En 1768, plusieurs familles euro-africaines originaires de Gorée, accompagnées de leurs esclaves, arrivèrent en Guyane, dans le cadre d’un projet visant à promouvoir les intérêts coloniaux français. Leur arrivée mit à l’épreuve la hiérarchie raciale tripartite en vigueur en Guyane. Lorsqu’ils protestèrent contre le fait d’être traités comme des gens de couleur libres et se battirent pour faire partie de l’élite (blanche), ainsi qu’il leur avait été promis, ils provoquèrent un débat entre les partisans d’un point de vue «insulaire racialiste» et ceux qui promouvaient un point de vue se fondant sur un «pragmatisme continental ». Les premiers souhaitaient que la colonie devienne une colonie sucrière et défendaient une vision essentialiste «dure» du caractère et des capacités «africains », considérant que toutes les personnes possédant des origines africaines étaient marquées d’un «stigmate indélébile ». Les tenants du «pragmatisme continental », quant à eux, tendaient à souligner les besoins et les dangers exceptionnels de la Guyane et promouvaient une vision «plus douce» du caractère africain, pensant que les traits «africains» négatifs pouvaient disparaître au fur et à mesure que la couleur de peau s’éclaircissait. Durant le débat sur le statut des Goréens, les autorités, tant en Guyane qu’à Versailles, exprimèrent des vues divergentes, voire radicalement opposées, sur la question des races et sur les priorités coloniales. La décision finale de Louis XVI en faveur des Goréens marqua une victoire, quoique limitée, du camp des défenseurs d’une vision «plus douce» de la nature «africaine» et d’un «pragmatisme continental ». Le cas des Goréens illustre non seulement les oppositions entre les représentants des autorités concernant le caractère et les capacités «africains» mais montre également comment des questions stratégiques et géopolitiques ont pu entraver le développement de l’idéologie raciale des systèmes d’esclavage et permettre que des visions moins tranchées s’expriment dans des espaces coloniaux périphériques.

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