In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Risques et Regrets, Les dangers de l’écriture épistolaire eds. by Geneviève de Viveiros, Margot Irvine et Karin Schwerdtner
  • Catherine Poisson
Risques et Regrets, Les dangers de l’écriture épistolaire, sous la dir. de Geneviève de Viveiros, Margot Irvine et Karin Schwerdtner. Nota Bene: Montréal, 2015. 271 pp.

Si la lettre peut être source de déplaisir, tel n’est pas le sentiment que laisse ce volume collectif contenant dix études consacrées à la pratique épistolaire de la fin du dix-neuvième siècle à aujourd’hui. En partie conçu à partir de la collection de Claire Debru “Les Affranchis,” aux éditions NiL, qui invite ses auteurs à rédiger une lettre dont ils ont pu rêver mais qu’ils n’ont jamais écrite, Risques et Regrets, Les dangers de l’écriture épistolaire dirigé par Geneviève De Viveiros, Margot Irvine et Karin Schwerdtner s’ouvre sur une introduction qui rappelle brièvement les enjeux contenus dans toute lettre. L’objectif des responsables du volume est de “montrer l’intérêt et la vitalité de l’écriture épistolaire” et “d’interroger la manière dont la lettre traduit ou rend sensibles le risque et le regret” (7). Ecrire une lettre c’est s’exposer et prendre le risque d’être mal compris ou rejeté. Ne pas l’écrire c’est risquer le regret de ne pas avoir osé dire. L’intérêt de cet ouvrage est d’interroger les formes variées que prennent risques et regrets, leur durée et leurs conséquences.

De manière originale et percutante, le livre s’ouvre sur un préambule intitulé “La dernière lettre” et signé par Martine Delvaux. Cette dernière lettre est celle envoyée à l’être aimé dont on est séparée, celle aussi dans laquelle on explique le roman-lettre qui a été publié et où l’on raconte ce nous désormais défunt. Le très beau texte autobiographique de Delvaux donne le ton à ce volume collectif car il montre précisément combien la lettre est un écrit qui engage à la fois celui/celle qui la signe et celui/celle [End Page 152] qui la lit. A partir de cette lettre personnelle à l’autre qui est aussi objet d’écriture, Delvaux poursuit le parallèle entre amour et écriture et montre bien le déploiement du moi et sa déperdition dans tout écrit autobiographique en citant des textes de Martin Heidegger, Emmanuel Carrère, Hervé Guibert ou Christine Angot. La lettre-préambule de Delvaux fonctionne aussi comme un avis au lecteur sur le recueil en lui rappelant la part affective de l’écriture épistolaire tout comme ses enjeux théoriques.

Risques et Regrets est ensuite divisé en trois parties qui tentent de façon un peu arbitraire, et c’est là un léger reproche que l’on pourrait faire au projet, d’évaluer le degré d’inter-personnalité dans les types de correspondance qui sont examinés. La première, “La correspondance interpersonnelle—les lettres d’exil,” comprend un article de Geneviève De Viveiros sur les lettres de Zola, exilé en Angleterre en raison de son rôle dans l’affaire Dreyfus, dans lesquelles se révèle une facette fort peu connue du grand romancier. On y côtoie un Zola quasi émasculé pour qui la lettre devient l’unique moyen d’expression mais aussi le seul lien avec sa famille et son pays. Suit l’étude d’Anna Morris sur les lettres de Camille Claudel, internée par sa famille et qui demeurera enfermée jusqu’à sa mort. Morris montre bien le pouvoir de la lettre, quasi arrêt de mort dans ce cas puisque les lettres qu’elle envoie sont le plus souvent détournées et versées à son dossier médical. Ici la lettre se fait arme utilisée par les proches pour maintenir l’enfermement ou alors elle est porteuse de danger pour la réputation de la famille Claudel au point d’être brûlée. Le volet suivant, “Entre la correspondance interpersonnelle et la correspondance à sens unique,” contient des contributions de Mark Lee sur...

pdf

Share