Abstract

Dans le roman de Ying Chen intitulé Espèces, la porosité de la frontière entre l’homme et l’animal est mise en lumière. Il ne s’agit pas dans ce texte aux allures parfois de roman policier, d’une histoire de disparition banale de la narratrice. En effet, celle-ci est bien vivante, elle a juste changé d’espèce. Elle est devenue chatte. Une enquête est ouverte, mais la narratrice, désormais muette, ne peut expliquer à la police ou à son mari sa disparition. Il s’agira dans notre étude de mettre en relief l’originalité de ce texte et de son traitement de l’animal. La confrontation de la culture chinoise et du français comme langue d’écriture de l’autofiction rend particulièrement passionnante l’analyse des modalités déployées par Chen pour illustrer le phénomène difficilement représentable du passage physique du domaine animal à celui de l’humain, et vice versa. À cette prouesse discursive, il faut ajouter le contexte immanent d’une épistémologie occidentale moderniste fondée sur la séparation bien établie entre deux espèces distinctes: l’humain et l’animal. Cette double difficulté rend l’autofiction à la fois extrêmement originale du point de vue discursif, mais aussi particulièrement ambitieuse parce que l’ambiguïté du sujet en question se joue, a priori, à la lisière de frontières infranchissables.

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