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Reviewed by:
  • Coloniser, pacifier, administrer, XIXe–XXIe siècles ed. by Samia El-Mechat
  • Claire Fredj
Samia El-Mechat (dir.)
Coloniser, pacifier, administrer, XIXe–XXIe siècles
Paris, CNRS Éditions, 2014, 382p.

Cet ouvrage aborde la question de la pacification, une opération qui n’est pas que coloniale mais qui se situe néanmoins « au cœur de la problématique coloniale » (p. 5). Des terrains coloniaux très divers (Maghreb, Afrique noire, Asie centrale, golfe Arabo-Persique, Indochine ou Philippines), voire en situation postcoloniale (Irak, Afghanistan), sont envisagés sous cet angle. La pacification, ce processus relatif à l’établissement, par la répression, d’un nouvel ordre politique après la première phase de conquête contient aussi l’idée d’une « conquête des cœurs et des esprits » destinée à faire accepter l’autorité qui cherche à s’imposer. Les vingt études de cas qui composent ce volume traitent ainsi d’un fait commun à tout territoire en voie de colonisation, mais qui prend des formes variées selon le temps et dans l’espace.

La pacification est au départ une réponse militaire aux résistances armées qui perdurent après la conquête officielle d’un territoire, dont la réalité demeure longtemps des plus limitées. Généralement associé au moment plus ou moins long qui suit la conquête, ce schéma n’est pas immuable. Ainsi, en Mauritanie, les opérations de pacification durent tout le temps de la présence coloniale française. A contrario, la présence espagnole au Río de Oro, à partir de 1885, se caractérise des décennies durant par une occupation côtière et une pénétration qui s’appuie sur une politique d’achat des indigènes, dite du « pain de sucre ». Ce n’est qu’à partir des années 1930 qu’une volonté d’occuper l’hinterland s’affirme et provoque un changement dans les rapports entre administrateurs espagnols et tribus locales.

La pacification est associée aux qualificatifs de « petite guerre », de guérilla, etc., qui sont utilisés pour caractériser la dissymétrie [End Page 817] des moyens entre adversaires, dont la généalogie est rappelée par Jean-Jacques Roche. Ces termes atténuent souvent une violence qui peut se révéler extrême : ainsi, à la fin du XIXe siècle, lors de la répression allemande contre les Tové au Togo, qui donne lieu à une politique de dévastation systématique pour réduire les poches de résistances, ou celle, en 1918–1919, contre les Sahoué du Dahomey. Bien des fois, les pratiques combattantes s’éloignent du registre militaire européen, notamment en Afrique centrale, où « l’animalisation du colonisé permet de justifier l’utilisation de techniques cynégétiques » (p. 147). La pacification du Maroc marque profondément l’armée d’Afrique. Elle se voit dans le recours privilégié à certaines tribus marocaines qui composent une partie du corps expéditionnaire combattant en Italie durant la Seconde Guerre mondiale, ainsi que dans la manière dont les opérations sont menées, exploitant en particulier les tactiques de la guerre de montagne éprouvée au Maroc.

La pacification met également en œuvre plusieurs techniques destinées à encadrer les populations et à quadriller un terrain souvent trop étendu pour les seules forces colonisatrices, d’autant que les menaces, telles qu’elles sont perçues par les pouvoirs coloniaux, peuvent traverser les frontières coloniales et impériales. C’est notamment le cas des confréries musulmanes. Ainsi, le pouvoir britannique au Nigeria s’inquiète du développement, à partir du Soudan britannique, de la Mahdiyya et d’un courant néomahdiste qui se constitue autour de Sayyid Abd-al-Rahma¯n, fils dumahdi, dont la capacité à dépasser les barrières tribales est vue comme un facteur potentiel de déstabilisation. La présence physique des nouvelles autorités s’organise notamment autour de l’érection de forts, qui constituent des relais logistiques pour la conquête et la colonisation. Dans les zones désertiques se pose en particulier le problème de l...

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