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  • L’honneur des universitaires au Moyen Âge. Étude d’imaginaire social by Antoine Destemberg
  • Elsa Marmursztejn
Antoine Destemberg
L’honneur des universitaires au Moyen Âge. Étude d’imaginaire social
Paris, Puf, 2015, VIII-389 p. et 32p. de pl.

Fondé sur la thèse de la présence active, systémique et structurante de la notion d’honneur dans l’« imaginaire social » des universitaires médiévaux, le livre d’Antoine Destemberg se conçoit comme une contribution à l’« histoire de la construction sociale de la domination culturelle » (p. 9). Il porte plus précisément sur la formation et les manifestations de l’identité professionnelle et sociale des maîtres, des étudiants et des officiers de l’université de Paris entre le xiiie et le xve siècle. S’il revendique l’usage du substantif « universitaires », ignoré du Moyen Âge, au motif que « la réalité sociale semble bien lui avoir préexisté » (p. 7), l’auteur récuse toutefois la notion d’identité, non seulement parce que sa signification médiévale renvoie à la similitude, à l’identique, bien loin de la définition qu’en donnent les sciences sociales, mais aussi parce que « les médiévaux, plutôt que de parler d’identité, parlent volontiers d’honneur » (p. 6). L’utilisation de cette « catégorie endogène » – qui se complète toutefois des apports de l’anthropologie et de la sociologie – permet d’« accéder à un réseau sémantique et sémiotique cohérent » et d’observer à la fois la « sociogenèse des universitaires » et leur « processus d’objectivation sociale » (p. 6), c’est-à-dire les stratégies qu’ils déploient, dans une logique de justification et de compétition, pour s’affirmer dans l’espace social et politique à une époque où l’honneur tend à se confondre avec la renommée, la réputation, la fama.

La première partie de l’ouvrage est consacrée à l’examen de cette articulation entre honor et fama. Elle recense et analyse les éléments constitutifs d’une « relation d’honneur » (p. 40) entre les universitaires et les pouvoirs : concessions royales ou pontificales de privilèges qui confèrent aux universitaires leur « état d’honneur » (p. 93) ; vocation des maîtres au conseil qui scelle l’alliance de la chaire et du trône, en particulier sous le règne de Charles V ; lien entre la capitale monarchique et les écoles, que consolide le mythe de la translatio studii et que les entrées ou les funérailles royales donnent à voir, consacrant Paris comme « espace de l’honorabilité universitaire » (p. 62). Si la notion d’honneur est au cœur de la relation des universitaires avec les pouvoirs, celle de fama permet d’élargir l’examen à l’ensemble du corps social. Sermons ad status, exempla, disputes quodlibétiques, sommes de confesseurs, danses macabres, littérature politique, véhiculent des représentations homogènes, constitutives d’une fama publica universitaire. Cette fama repose sur une dialectique de vices et de vertus qui contribuent à identifier le groupe au sein du corps social et politique.

La deuxième partie de l’ouvrage traite de la « production et [des] expressions de l’honneur communautaire ». Postulant que « la fabrication des universitaires était aussi une fabrication de l’honorabilité universitaire » (p. 9), elle porte sur l’intégration progressive de l’individu à l’institution, qui s’apparente à une « transformation ritualisée d’un jeune homme sans fama en un maître dépositaire de l’honor de son grade et de la communauté qui le lui avait conféré » (p. 96). [End Page 790] Vers le milieu du xive siècle, les rites d’intégration imposés aux nouveaux étudiants, les béjaunes (d’après le français « bec-jaune », désignant l’oiseau tout juste sorti du nid), et la formalisation d’une hiérarchie interne fondée sur les grades successivement obtenus, marquant les étapes de ce qu’A.Destemberg désigne comme un cursus honorum, relèvent d’un même processus d’institutionnalisation de la fama universitaire. La collation des grades, ritualisée et ostentatoire, promeut un mérite qui ne renvoie...

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