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  • La justice en procès. Les mouvements de contestation face au système pénal (1968–1983) by Jean Bérard
  • Vanessa Codaccioni
Jean Bérard
La justice en procès. Les mouvements de contestation face au système pénal (1968–1983) Paris, Sciences Po les Presses, 2013, 296p.

S’il est difficile de résumer un livre aussi riche que celui de Jean Bérard, celui-ci constitue une contribution importante à l’histoire et à la sociologie des usages sociaux et militants de la justice, de la répression et du droit. Il nous plonge en effet au cœur des stratégies de politisation des questions pénales, pénitentiaires et carcérales, en s’appuyant sur un ample matériau fait de publications militantes, d’articles de presse, de brochures ou de tracts.

La première partie de l’ouvrage, dont l’analyse s’étend de mai 1968 au milieu des années 1970, interroge les nouvelles modalités de politisation de la justice dans un contexte d’émergence de mouvements sociaux et de répression accrue du sous-champ politique radical. Dès lors, au-delà de la confrontation inédite de certains militants, comme les maoïstes, aux institutions répressives, apparaissent des problématiques liées à l’espace carcéral, au cadre législatif ou à la rationalité pénale.

Le premier chapitre éclaire la manière dont les militants d’extrême gauche, dans unmoment fédérateur de dénonciation de la répression, repolitisent la question pénale. L’action des maoïstes, particulièrement actifs sur ce terrain puisqu’ils mobilisent les illégalismes pour s’opposer à la justice de classe, apparaît à ce titre singulière. Il ne s’agit en effet plus seulement de critiquer l’activité judiciaire de l’État capitaliste et bourgeois mais d’insister sur la nécessité d’instaurer une justice révolutionnaire ou populaire, à l’exemple du tribunal populaire de Lens lors de l’affaire de Bruayen-Artois, dont l’auteur retrace les impasses.

La politisation de l’espace pénitentiaire et carcéral constitue la trame du second chapitre, focalisé en particulier sur les relations entretenues [End Page 784] entre les prisonniers dits « politiques » et ceux de droit commun. Cette problématique centrale traverse toute l’histoire de la répression de l’extrême gauche, voire au-delà. L’intervention du Groupe d’information sur les prisons (Gip), sous l’impulsion de Michel Foucault, tend notamment à redéfinir la question pénitentiaire et carcérale. Mais J. Bérard restitue une vision plus large de ce qui devient vite une « urgence pénitentiaire », avec la radicalisation des revendications des prisonniers sur leurs conditions de détention, les révoltes et les mutineries, mais aussi les réactions des agents répressifs, surveillants ou magistrats, qui aboutissent à certaines réformes, dont l’uniformisation du régime appliqué par les différents établissements français.

L’auteur s’intéresse également, dans cette première partie, aux usages féministes du droit, dans le contexte de l’autonomisation des mouvements de femmes. Deux questions sont particulièrement politisées, celle du viol et celle de l’avortement, qui, sans être déconnectées des autres problématiques de la gauche radicale comme la répression ou la prison, s’intègrent néanmoins dans une lecture proprement féministe de la justice, du droit et de la loi. Au-delà d’une recontextualisation du « manifeste des 343 » et du procès de Bobigny de 1975, le troisième chapitre donne surtout à voir les débats internes au mouvement féministe et les enjeux politiques du rapport des militantes aux appareils judiciaire et législatif. Le cas de l’Intervention volontaire de grossesse (Ivg) est à ce titre intéressant puisqu’il met en lumière les divergences entre les tenantes du légalisme, plutôt favorables à un changement législatif, et celles pour lesquelles il s’agit d’adopter une approche plus radicale qui passe par le refus d’une reprise en main étatique de l’avortement et par des actions illégales.

Enfin, un quatrième chapitre aborde la radicalisation...

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