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Reviewed by:
  • Les justices locales et les justiciables. La proximité judiciaire en France du Moyen Âge à l’époque moderne ed. by Marie Houllemare and Diane Roussel
  • Jérôme Loiseau
Marie Houllemare et Diane Roussel (dir.)
Les justices locales et les justiciables. La proximité judiciaire en France du Moyen Âge à l’époque moderne
Rennes, Pur, 2015, 276p.

Organisés en trois parties, précédées d’une introduction présentant les enjeux scientifiques et politiques, ces actes de colloque donnent à voir la grande vitalité de la recherche française dans le domaine de l’histoire de la justice, [End Page 775] autant en histoire qu’en histoire du droit, qui se trouvent ici représentées presque à parts égales. Les communications portant sur le Moyen Âge sont minoritaires et limitées au xve siècle ; par conséquent, la période moderne, mais de façon équilibrée entre ses trois siècles, constitue l’essentiel des études de cas ; à noter cependant que la contribution de Florian Mariage envisage son objet – la dénonciation – de façon diachronique : du xiveau xviiie siècle.

Ce livre invite à un véritable voyage dans les juridictions de la France d’Ancien Régime qu’elles soient généralistes, comme le bailliage ou le présidial, ou spécialisées, avec l’amirauté, la maîtrise des eaux et forêts ou encore la prévôté des maréchaux, sans omettre la juridiction ecclésiastique avec la contribution de Véronique Beaulande-Barraud sur l’officialité de Châlons. Les procédures sont abordées à travers les exemples des « franches vérités » – une séance annuelle de dénonciation forcée –, des lettres de grâce, ou encore à travers le cas particulier du règlement des magistrats du présidial de Pamiers en 1775 (Christophe Blanquie), tandis qu’Alexandre Deroche dévoile la pratique judiciaire des apanages. Les projets de réforme judiciaire sont également évoqués avec les exemples du code Michaud (Caroline Maillet-Rao) et des justices seigneuriales au xviiie siècle (David Feutry), auxquels s’ajoute, dans la même veine, la contribution de Solange Segala détaillant l’intégration de la Corse au royaume par la recréation de son système judiciaire en 1768. Le panorama historique est, on le voit, extrêmement large, couvrant une variété impressionnante de situations allant du Tournaisis à Marseille, du Valcolorois à la Corse en passant par le Limousin.

Cette richesse des approches fait d’emblée de cet ouvrage un formidable recueil d’exemples où puiser des notations précieuses afin de comprendre et d’illustrer la complexité judiciaire de l’Ancien Régime. Si ce résultat est indéniable, il n’est que la forme et non le but de l’entreprise, bien défini par Marie Houllemare et Diane Roussel dans leur introduction programmatique, véritable colonne vertébrale de l’ouvrage. Les deux historiennes y rappellent que l’histoire est autant fille du présent qu’évocation du passé, ce qui lui commande finalement de prendre pied, à l’égal des autres sciences sociales, dans les débats de sociétés, en l’occurrence celui sur la « bonne distance » entre la justice et le justiciable, qualifiée de « topos » des politiques judiciaires (p. 7). En établissant que la proximité, « gage du bon sens et de l’équité » (p. 8), ne fait pas la modernité, tous les contributeurs participent à cette ambition politique en rappelant les conditions de fonctionnement et les limites de ces anciennes institutions judiciaires proches des populations qu’elles encadraient et qui firent l’objet de débats à leur époque.

S’éloignant des rivages contemporains pour donner à réfléchir sur cette notion, le projet historique porté par le livre, celui d’une histoire sociale de la justice, prolonge l’historiographie la plus récente, celle qui a opéré le renversement des conceptions sur la justice d’Ancien Régime, notamment pour l’échelon des justices subalternes, et en particulier seigneuriales, qui ne sont plus vues comme des abîmes d’incompétences et d’arbitraire. Dans cette perspective, le prisme de la proximité, définie...

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