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Reviewed by:
  • Crime et châtiment au Moyen Âge, vexve siècle by Valérie Toureille
  • Romain Telliez
Valérie Toureille
Crime et châtiment au Moyen Âge, vexve siècle Paris, Éd. du Seuil, 2013, 329p.

Spécialiste reconnue de la délinquance à la fin du Moyen Âge, Valérie Toureille livre une synthèse portant exclusivement sur l’espace français. Classiquement, l’ouvrage commence par présenter les conceptions médiévales du crime à travers son vocabulaire, ses conceptualisations juridiques et sa justification principale qui est la défense de l’honneur. Puis il propose un essai de sociologie des criminels, depuis les délinquants d’occasion jusqu’aux professionnels qui agissent en groupe. Le traitement du crime est ensuite décrit à travers le fonctionnement de la justice et le droit pénal. L’ouvrage montre enfin les deux modes de résolution du crime, opposés, que sont le châtiment et le pardon. Pour fonctionnel qu’il soit, ce plan écrase inévitablement la singularité d’époques successives que ni la documentation disponible ni la précision de nos connaissances ne permettent de comparer. [End Page 768]

Une autre difficulté tient au concept même de crime, dont l’acception juridique contemporaine est anachronique puisque les sources médiévales n’utilisent jamais cette notion, lui préférant l’énumération ou la description des « méfaits » allégués. Ne pouvait-on, dans ce cas, admettre l’usage du terme à titre générique, tout en se gardant d’abuser d’un concept inopérant avant l’extrême fin du Moyen Âge ? Ce livre montre en effet combien l’archétype du criminel comme marginal délinquant, étranger de préférence, est une construction tardive résultant d’un certain contexte social – l’après-guerre de Cent Ans – qu’accompagne l’élaboration progressive d’une procédure pénale spécifique, distincte de la procédure civile. Il est néanmoins possible de s’interroger sur ce que cette image du crime doit à l’évolution des institutions judiciaires et à sa principale conséquence pour l’historien, c’està-dire la production d’une documentation massive faisant passer pour nouvelles des préoccupations qui ne le sont pas forcément.

L’historiographie de la justice médiévale est profondément marquée par des travaux anciens qui, s’ils n’ont pas été remplacés, portent la marque de leur époque et de la perspective – juridique plutôt qu’historique – dans laquelle ils ont été écrits. V. Toureille en est pleinement consciente mais, faute d’oser rompre en visière avec cette tradition, elle accepte de reprendre bien des assertions qui ne peuvent plus aujourd’hui emporter l’adhésion. On s’étonne surtout du tableau de la justice aux époques barbare et féodale qui est brossé ici. L’opposition d’un substrat « germanique » non écrit au droit romain codifié permetelle encore de conclure à l’imperfection intrinsèque du droit coutumier et à l’inestimable valeur de la tradition romano-canonique, unique fondement d’une justice rationnelle et protectrice face à un univers de l’oralité ne recelant qu’incertitude, arbitraire et archaïsme ? Comment ne voir dans le droit vernaculaire qu’un système préjudiciaire fondé sur la vengeance et la résolution privée des conflits quand le caractère public de la peine y est manifeste dès le haut Moyen Âge, avec le fredus ou les peines afflictives prévues par les capitulaires francs ? L’impossibilité manifeste d’interpréter les énigmatiques lois barbares comme un code pénal de portée générale permet-elle de conclure sur la violence ordinaire dans le monde franc, davantage que la chronique des assassinats princiers laissée par Grégoire de Tours ? Et pourquoi dénier a priori aux seigneurs – animés par « le désir de puissance et le goût du profit » (p. 189) – toute compétence pour satisfaire aux exigences sociales de sécurité des biens et des personnes, alors que l’historiographie a depuis longtemps fait litière du « désordre féodal » ? On regrette encore quelques...

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