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Reviewed by:
  • Détruire les Arméniens. Histoire d’un genocide by Mikaël Nichanian
  • Joceline Chabot
Nichanian, Mikaël – Détruire les Arméniens. Histoire d’un génocide, Paris, PUF, 2015, 273 p.

L’ouvrage de l’historien Mikaël Nichanian, chercheur associé au Collège de France et conservateur à la Bibliothèque nationale de France, constitue une synthèse utile et accessible à un lectorat désireux de comprendre les conditions de l’avènement et de la mise en oeuvre du génocide des Arméniens de l’Empire ottoman durant la Grande Guerre, ainsi que ses conséquences immédiates pour la société turque. Cet ouvrage fait le point sur les recherches les plus récentes sur cet événementcatastrophe. C’est là une des grandes qualités de cet ouvrage que de présenter de façon claire et rigoureuse les connaissances scientifiques acquises depuis une vingtaine d’années sur l’un des premiers génocides du XXe siècle.

D’emblée, l’auteur précise la question centrale qui anime sa réflexion : quelles sont les conditions sociales et historiques qui ont favorisé la conception et la réalisation du génocide des Arméniens par les autorités ottomanes au pouvoir en 1915? C’est à ce problème que l’auteur tente de répondre à travers cinq chapitres qui embrassent une chronologie étendue qui va de la naissance de la « question arménienne » sous le sultanat d’Abdülhamid en 1878 jusqu’à la Turquie d’aprèsguerre en 1922. Dans ce cadre historique, une des thèses défendues par l’auteur : [End Page 673]

est que le programme de destruction génocidaire […] était surtout la réponse irrationnelle, chez les élites ottomanes, à la conviction également irrationnelle que l’Europe était résolue à les détruire. Ainsi, dans l’esprit des responsables du génocide, le mythe de la menace arménienne se superposait à un autre mythe fondateur, celui d’une Europe vouée à la destruction de l’Empire.

(p. 11-12)

C’est pourquoi Nichanian fait une large place au contexte politique et historique européen, voire international, dans sa démonstration. Ainsi, dans son premier chapitre, l’auteur rappelle les défis internes mais aussi externes auxquels est confronté l’Empire ottoman dans la deuxième moitié du XIXe siècle. En effet, les nombreuses défaites militaires subies face aux puissances européennes, la perte de plusieurs provinces (l’Égypte 1805-1882, la Moldavie 1812, la Serbie 1878, etc.) ainsi que les traités de San Stefano et de Berlin (1878) ont obligé les élites ottomanes à trouver des solutions à ce qui apparaît alors comme un « retard » économique et militaire menaçant la survie de l’Empire. Face à ces difficultés, le sultan Abdülhamid abandonne les réformes « libérales » initiées depuis près de quarante ans, puisqu’elles avaient échoué à redresser la situation. Il adopte alors une politique panislamiste d’intégration des populations musulmanes dans l’administration impériale tout en favorisant l’installation en Anatolie de réfugiés musulmans en provenance des Balkans et du Caucase. Dans les années 1890, il amorce une politique de « nettoyage ethnique » qui donne lieu à des massacres de grande ampleur dans les six vilayets (provinces) habités par les Arméniens. La terreur qui se déchaîne entre 1894-1896 à l’est de l’Empire est l’oeuvre de la police, de l’armée et des régiments kurdes « hamidiés ». Soigneusement organisées, ces tueries font autour de 200 000 victimes. Selon l’auteur, la politique d’Abdülhamid et tout particulièrement les massacres de 1894-1896 constituent une étape essentielle dans le processus génocidaire.

Le chapitre suivant porte sur la formation et la montée en puissance des Jeunes- Turcs entre 1908 et 1914. Le lecteur y trouvera de nombreuses informations sur la naissance et la composition sociologique sur Comité Union et Progrès (CUP), organe essentiel dans le cadre de la prise du pouvoir et de l’organisation du génocide de 1915. Les recherches récentes, notamment les travaux d’Erik Zürcher et...

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